Féministes avant l'heure
Pour accompagner la sélection Femmes de lettres, ce billet propose un parcours instructif et « récréatif » (pour reprendre le trait de Marie de Romieu), à travers les textes sur les femmes, pour les femmes… et contre les hommes parfois, écrits par des autrices, du Moyen âge au XIXe siècle, pour défendre la cause des femmes.
La sélection Femmes de lettres
Les écrivaines des siècles passés ont trop souvent été escamotées dans le grand silence des oubliés de l’histoire littéraire. Quand elles n’ont pas été complètement invisibilisées par les institutions littéraires, elles sont souvent décrites dans les dictionnaires et les manuels comme la muse, le prête-nom, la femme, la fille ou l’héritière intellectuelle d’un écrivain. Beaucoup sont passées à la postérité sous le pseudonyme masculin qu’elles avaient dû prendre pour se faire accepter ; d’autres ont été injustement décriées, et parfois dans le même temps plagiées par des confrères masculins.
Les autrices sont par conséquent moins rééditées, et nettement moins présentes dans les programmes scolaires et universitaires que leurs homologues masculins. Aujourd’hui encore, éditeurs et critiques cantonnent parfois les écrivaines dans certains genres, de la littérature pour la jeunesse à l’autofiction, ou dans une écriture dite « féminine ». L’Académie française, qui leur avait jadis retiré ce privilège, vient de leur concéder le droit à la féminisation de leurs noms de métiers. Une relecture de l’histoire littéraire mettant davantage en lumière ces femmes de lettres était devenue indispensable, et elle a d’ailleurs été largement mise en œuvre ces dernière années, comme en témoigne une riche production éditoriale.
Féministes avant l'heure
Les termes « féministe » et « féminisme » ne sont utilisés dans leur sens moderne qu'à la toute fin du XIXe siècle. On date la première utilisation du mot « féministe » de 1872 où Alexandre Dumas fils lui donne un sens péjoratif dans son pamphlet L'Homme-femme : « Les féministes, passez-moi ce néologisme, disent : Tout le mal vient de ce qu'on ne veut pas reconnaître que la femme est l'égale de l'homme, qu'il faut lui donner la même éducation et les mêmes droits qu'à l'homme » (p. 91). Il conquiert son sens actuel dix ans plus tard, en 1882, avec Hubertine Auclert dans une lettre au préfet de la Seine. Les idées de libération et d'émancipation des femmes étaient cependant présentes bien plus tôt dans la littérature féminine.
- Christine de Pizan. La Cité des dames (1405)
- Louise Labé. « Épître dédicatoire à Clémence de Bourges » (1555)
- Marie de Romieu. Brief discours que l’excellence de la femme surpasse celle de l’homme, non moins recréatif que plein de beaux exemples (1581)
« J’escris pour haut tonner la race féminine. » Marie de Romieu
- Marie de Gournay. Égalité des hommes et des femmes (1622). Voir aussi : « Marie de Gournay, la voie de la sagesse »
- Madeleine de Scudéry. Les femmes illustres ou les Harangues héroïques (1642)
- Marguerite Buffet. Éloges des Illustres Savantes, Anciennes & modernes (1668)
- Marie-Anne Barbier. Préface d'Arrie et Pétus (1702). Voir aussi : « Marie Barbier »
- Émilie du Châtelet. Le Triomphe du sexe. Ouvrage dans lequel on démontre que les femmes sont en tout égales aux hommes. On y examine les avantages de leur commerce, & quel doit étre l'amour réciproque des deux sexes. Par monsieur D.... (1749)
- Olympe de Gouges. Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791)
« O femmes, reprenez la plume et le pinceau » Constance de Salm
- Constance de Salm. Épître aux femmes (1797)
- Fanny de Beauharnais. À tous les penseurs, salut ! (1774) ; « Épître aux dames » et « Aux hommes » (1800) :
« Sexe qui vous croyez le maître,
Soyez au moins digne de l’être ; »Fanny de Beauharnais
- Jeanne Gacon-Dufour. Contre le projet de loi de S***. M***., portant défense d'apprendre à lire aux femmes , par une femme qui ne se pique pas d'être femme de lettres (1801)
- Fanny Raoul. Opinion d’une femme sur les femmes (1801)
« Car un moyen certain de propager les lumières serait de les rendre communes aux deux sexes ; et si les progrès en ont été si lents, c’est sans doute parce qu’un absurde préjugé les a interdites à l’un. » Fanny Raoul
- Félicité de Genlis. La Femme auteur (1802) ; De l’influence des femmes sur la littérature française, comme protectrice des lettres et comme auteurs (1811). Voir aussi : « Madame de Genlis, moteur pour les "femmes auteurs" »
- Fortunée Briquet. Dictionnaire historique, littéraire et bibliographique des Françaises et des étrangères naturalisées en France connues par leurs écrits, ou par la protection qu’elles ont accordée aux gens de lettres, depuis l’établissement de la Monarchie jusqu’à nos jours (1804). Voir aussi : « Fortunée Briquet, la poétesse qui sortait déjà les femmes de l’ombre en 1800 »
- Laure d'Abrantès. Les Femmes célèbres de tous les pays, leurs vies et leurs portraits (1834)
« les hommes remplissent presque exclusivement les colonnes des recueils biographiques, tandis que, sauf de rares exceptions (…) les femmes semblent avoir été condamnées à l'oubli par l'injuste silence des écrivains. » Laure d’Abrantès
- Flora Tristan. L'émancipation de la femme, ou Le testament de la paria / ouvrage posthume ; complété d'après ses notes et publié par A. Constant (1846)
- Daniel Stern / Marie d’Agoult. Essai sur la liberté considérée comme principe et fin de l’activité humaine (1847)
- Louise Colet. « La Femme » (1852) ; « Aux femmes » (1854) ; Ces petits messieurs (1869). Voir aussi « Louise Colet, fière de lettres » et « Gustave, muse de Louise Colet »
« Nous sommes un débris de l'antique esclavage.
L'homme a toujours gardé sur nous un droit d'outrage ; »
Louise Colet
- Juliette Adam. Idées anti-proudhonniennes sur l’amour, la femme et le mariage (1858)
- Jeanne d’Héricourt. La Femme affranchie (1860)
- Eugénie Niboyet. Le Vrai livre des femmes (1863)
- Olympe Audouard. Guerre aux hommes (1866). Voir aussi : « Olympe Audouard et la cause des femmes ».
- André Léo. La femme et les mœurs (1869). Voir aussi : André Léo
- Léonie Rouzade. Le Monde renversé (1872) ; Voyage de Théodose à l'île de l'Utopie (1872) ; La Femme et le peuple : organisation sociale de demain (1905)
- Hubertine Auclert. « Égalité sociale et politique de la femme et de l'homme » : discours prononcé au Congrès ouvrier socialiste de Marseille (1879) ; Le vote des femmes (1908) ; Les Femmes au gouvernail (1923)
- Louise Michel. Mémoires (1886)
- Maria Deraismes. Ève dans l'humanité (1891)
Pour aller plus loin
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- Autrices classées par ordre alphabétique
- Personnalités féministes
- Tous les billets sur des femmes de lettres
- La chronique Fières de lettres dans Libération
Commentaires
Remerciement
Ce travail de la BNF est formidable et indispensable. Je vous en remercie sincèrement.
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