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Le Tour de France de Gallica 2022 - étape 5 : Lille-Arenberg et « Le Tour de France en cartes »

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6 juillet 2022

Nouvelle sélection dans Gallica : « Le Tour de France en cartes ». À l’occasion de la cinquième étape du Tour de France 2022 entre Lille Métropole et Arenberg Porte du Hainaut, venez parcourir, à la place des secteurs pavés, les cartes des éditions du Tour de France entre 1903 et 1951 disponibles dans la bibliothèque numérique de la BnF et de ses partenaires.      

Carte Officielle Foldex du Tour de France 1950, [détail], éditions Foldex, BnF département des Cartes et plans, Ge B-13996

Le départ du Tour de France 2022 du Danemark a été le plus septentrional de son histoire. Dans les premières décennies d’existence de la course, l’espace situé le plus au Nord traversé par la course a été celui des départements de la région désormais nommée « Hauts-de-France ». Cela commence avec une arrivée à Lille lors de la première étape de la 4e édition du Tour, en 1906. De nouvelles pages sélections dans la sélection « La France en cartes » de Gallica permettent de constater directement sur les cartes-itinéraires d’époque la fréquence des passages de la course et des coureurs dans le Nord de la France, et dans toutes les autres régions françaises.

Organisée autour de quatre périodes successives, au découpage respectant différentes dynamiques historiques de l’histoire du Tour – 1903 à 1914, 1919 à 1929, 1930 à 1939 et 1947 à 1952- la sélection « Le Tour de France en cartes » permet de découvrir ou de retrouver aisément les documents cartographiques originaux, dispersés dans la presse et les revues ou disponibles à l’unité, qui ont été dressés au cours du premier demi-siècle de la course cycliste la plus connue et suivie au monde.

L'itinéraire du Tour de France 1903, à la une du journal L'Auto, 01 juillet 1903
Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-248
 

Comparer les cartes du Tour de France permet de constater l’évolution du portrait du pays que la course figure, ainsi que de la forme de son itinéraire. Un itinéraire qui dessine et crée à travers la France un nouvel espace sportif, un terrain de jeu et un territoire de course que les organisateurs inventent et construisent dans ses premières années d’existence. Un itinéraire toujours différent édition après édition mais qui impose au fil des ans des invariants géographiques et sportifs, pour reprendre les termes du géographe Paul Bourry, soit des endroits incontournables, des espaces du Tour, plus nombreux année après année. Ceux-ci entrent en résonance avec l’histoire et le patrimoine du pays, puis plus tard avec l’histoire et le patrimoine de la « Grande Boucle » elle-même. Le billet d’introduction de la série du blog Gallica à l’occasion du Tour de France 2017 (« Le Tour de France de Gallica, prêt pour le départ »), décrit ces lieux emblématiques de la France du Tour, qui au fil des décennies sont situés de plus en plus fréquemment dans les pays frontaliers. Ils fondent le patrimoine de la plus célèbre course cycliste du monde, elle-même érigée en « lieu de mémoire » par les historiens du sport, tel George Vigarello.

Marcel Kint, de l'équipe cycliste belge du Tour 1939 consulte la carte du Tour dans Paris-Soir, 11 juillet 1939
département Droit, économie, politique, JOD-235
 

Le mode de diffusion des cartes, comme leur graphisme et leur format renseignent, eux, sur la place croissante du document cartographique pour les journaux -qu’ils soient organisateurs ou non de l’épreuve- comme pour les acteurs de la course, journalistes, spectateurs et surtout participants. La carte du Tour devient un document attendu. Et le journal L’Auto en prend rapidement conscience. Si de 1903 à 1912, la carte est présente à la une ou dans les pages du journal organisateur, elle n’est alors pas un document incontournable. La présentation du parcours se fait principalement par des articles, à partir du mois de mai, où le parcours de chacune des étapes est quotidiennement détaillé. L’auteur de la carte-itinéraire -qui dans les premières années peut être absente des pages du journal- n’est pas forcément crédité. Par exemple, le nom de l’auteur de la représentation cartographique de 1908 dans L’Auto, le dessinateur J.Metteix est seulement donné dans les colonnes parce qu’il est invité au banquet d’après-étape à Toulouse

 

Carte et portrait du vainqueur du Tour 1908 dans L'Auto, 09 août 1908
département Droit, économie, politique, JOD-248
 

Les cartes-itinéraires des premières années ne sont pas très riches : les limites et la forme du pays, vide de toutes indications administratives ou topographiques, et un simple trait reliant les points des villes étapes pour figurer le parcours des coureurs. Simple et efficace pour montrer le tracé, mais donnant moins d’informations que les cartes de France publiées dans les livres à la même époque, comme par exemple les différentes éditons d'un livre à succès de la même époque, le Tour de la France par deux enfants, écrit par Augustine Fouillée sous le pseudonyme de G.Bruno en 1877, et déjà vendu à 6 millions d’exemplaire au moment où la course, qui s’en inspire, s’élance pour la première fois. L’ouvrage intègre des cartes gravées dans ses éditions à partir de 1905 et d’autres documents cartographiques y font référence, tel le jeu cartographique de 1904 ci-dessous. Toutes ces oeuvres répondent à la même triple logique pédagogique, patriotique et morale que le Tour, voulue par son premier organisateur, Henri Desgrange.

 

 

Le Tour de France. Jeu instructif et amusant, 1904,
BnF, département Cartes et plans, GE A-2088
 

En 1923, dans le courrier des lecteurs de L’Auto, un correspondant de Toulon, parmi une liste d’autres « désirs quelconques » rapportés avec un peu d’ironie par le journaliste Henri Decoin, se dit « l’interprète d’un million de lecteurs et demande d’insérer dans L’Auto la carte du Tour de France sur une page entière, avec toutes les étapes et les photographies du gagnant des étapes, première et deuxième catégories, sans oublier les touristes-routiers ».

Le journal n’a pas attendu les réclamations de son courrier des lecteurs des années 1920 pour répondre à ce souhait. Simplement, il le fait hors des pages jaunes de son journal, dans un petit fascicule plus luxueux, vendu séparément et édité par Le Guide de L’Auto (qui produit également des guides de voyage et des cartes routières). A partir de 1913, L’Auto annonce la parution de la carte dans ses colonnes.
 

L'annonce de la parution de la carte du Tour, dans L'Auto du 3 juillet 1913,
BnF, département Droit, économie, politique, JOD-248
 

Carte du tour de France cycliste, du 29 juin au 27 juillet 1913. Editée par le journal l'Auto,
BnF, département Cartes et plans, GE F CARTE-1754
 

De 1913 à 1939, la carte officielle de L’Auto sera ainsi éditée et vendue séparément. L’annonce de publication et la publicité en est faite dans ses pages tout le long du mois de juillet. Parallèlement à la carte officielle, de nombreuses revues sportives comme Le Miroir des sports et la revue Match : L’Intran publient leur carte du parcours, d’un Tour de France alors en perte vitesse et de popularité à la fin des années 1920.

En 1930, le changement de formule du Tour de France, disputé en équipes nationales, et la création de la caravane publicitaire relancent la course vers le succès populaire et économique. Les cartes officielles suivent le mouvement et sont désormais ornées de nombreux encarts publicitaires, pour les fabricants de cycle ou de pneu mais aussi pour d’autres produits plus éloignés du cyclisme. En 1934, les cartes-itinéraires publiées dans la presse sont tellement nombreuses que L’Auto affirme l’autorité et la fiabilité de sa carte-itinéraire, la seule digne de confiance. Celle-ci, produite et dressé pour la première fois par un (petit) éditeur spécialisé, les éditions Perron, est alors, pour l’une des rares fois, déposée, comme le signale L’Auto du 29 juin 1934.
 

 

Carte Officielle du 28e Tour de France Cycliste Du 3 au 29 Juillet 1934 - Organisé par L'Auto - 4342 kilomètres / d'après H. Perron
BnF, département Cartes et plans, GE B-13613
 

Après la libération, les Tours de 1947 à 1951 se situent à un moment charnière dans l’histoire de la course, notamment de son parcours et de sa cartographie. Alors même qu’il existe toujours une carte officielle co-produite par l’organisateur du Tour et des éditeurs spécialisés tels Taride ou Foldex, de multiples titres de presse (dont l’Humanité et Libération) et éditeurs produisent leur carte originale. Cela donne de belles cartes, colorées et inventives, comme le fait remarquer l’écrivain et cycliste Paul Fournel, notamment auteur d’une monographie sur les Cartes du Tour, en préambule d’un entretien consacré au cyclisme sur le blog de Gallica.

Les années 1950 sont également un tournant pour le parcours du Tour, quittant progressivement sa forme hexagonale. Initialement conçu comme un « anneau qui enserre complétement la France » (selon Henri Desgrange dans L’Auto du 20 janvier 1903), le parcours du Tour longe les mers et les frontières du pays. Durant la période de « construction» des parcours du Tour (1905-1951), selon le phasage historique du géographe Paul Bourry, les itinéraires forment à peu près tous la fameuse « Grande boucle » d’environ 4000 km, le long de l’hexagone français, passant par les vallées reliant les massifs des Alpes et des Pyrénées. La France serait-elle un être géographique s’interroge le géographe Paul Vidal de la Blache au début du XXe siècle ? Le Tour de France est lui un « chemin de ronde » du territoire français, pour reprendre une expression de Paul Bourry aussi utilisée par l’historienne Sandrine Viollet, dans son ouvrage Le Tour de France cycliste 1903-2005.  Au centre de la France, « un désert français » d’espaces non parcourus pendant près de 50 ans, comme le Massif central.

 

Carte Officielle Foldex du Tour de France 1950, édtions Foldex,
BnF département des Cartes et plans, Ge B-13996

 

Enfin, quid des passages du Tour de France dans le Nord du pays ? En 2022, comme en 2018 lors de l’étape pavée Arras-Roubaix, les passages par le Nord, et plus particulièrement par ses secteurs pavés, répondent aussi bien à la logique sportive et patrimoniale présidant au choix des territoires traversés. Dunkerque et Lille, deux villes-étapes de l’édition 2022, sont des départs d'étape fréquents dans les premières décennies du Tour, tout comme Malo-Les-Bains. Systématiquement empruntées jusqu’en 1939, les routes du Nord profitent de leur situation par rapport à Paris, invariable ville départ (à une exception près en 1926) et ville arrivée des éditions de 1903 à 1950. En plus de faire référence à l’histoire du Tour et d’une course classique comme Paris-Roubaix, ces territoires, sans être aucunement montagneux, constituent des espaces clés pour la victoire au classement général. Ils introduisent un danger et une incertitude, nécessaires au feuilleton de la lutte pour le classement général : « on ne gagne pas le Tour en première semaine mais on peut le perdre » dit le fameux adage, applicable aux étapes pavées du Nord que les organisateurs programment souvent lors des premiers jours de course.
 

Henri Desgrande, caricaturé dans L'Humanité du 04 juillet 1935, 
BnF, département Droit, économie, politique JOD-255

Ainsi, avant de concevoir le parcours, courir les étapes ou suivre la course par la presse puis la radio et la télévision, tous les acteurs du Tour de France regardent, étudient et chérissent la carte du Tour. 

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