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Heur(t)s et malheurs du funiculaire de Belleville (1891-1924), épisode 3/3

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Qui prenait le funiculaire de Belleville, au tournant du XXe siècle, n’était pas assuré d’arriver à destination ! L’exploitation de ce tramway, émaillée d’accidents, lui valut une piètre réputation. Il rendit pourtant un fier service aux Bellevillois qu’il transportait cahin-caha sur les hauteurs de l’Est parisien, avant d’être remplacé par un service d’autobus, puis par la ligne 11 du métro.

« La rue de Belleville », Le Supplément illustré de la Revue hebdomadaire, 21 avril 1928

Sur l’attachement des Bellevillois à leur funiculaire

Élément de preuve de cet attachement et de cohésion de la population desservie par la ligne, un titre de presse local émerge en 1923 : Le Funi : organe hebdomadaire d'informations locales, de renseignements, d'annonces, de publicité : journal officiel de la commune libre de Belleville. Le 1er numéro, paru le 31 mars 1923, qui contient un article retraçant l’histoire (certes récente) du funiculaire de Belleville, décrit en une la politique éditoriale de l’hebdomadaire : « Nous voulons que le Funi soit dans toutes les mains, qu’il soit populaire [comme l’est le mode de transport éponyme ?], qu’il soit lu. Son nom, du reste, indique bien la tâche qu’il s’est tracée. De la place de la République à l’église de Belleville, Le Funi drainera les nouvelles susceptibles d’intéresser ces coins si vivants ».

Le Funi, n°1, 31 mars 1923

La publication de ce titre perdure jusqu’en 1929, soit bien au-delà de l’arrêt de l’exploitation de la ligne. En 1925, la question d’un changement de titre de l’hebdomadaire est évoquée dans l’éditorial, dans les termes suivants, attestant d’une évolution flagrante de l’image du funiculaire de Belleville depuis 1891, mais aussi de son état de délabrement :

« Et puis ce nom pour le journal n’est-il pas un symbole ? Le Funi-Journal ne doit-il pas, comme lui, suivre son chemin tout droit et doucement, sans heurts, sans bruits ferrailleurs, sans soubresauts inquiétants ?
Et encore le nom de la vétuste guimbarde n’est-il pas cher à tous les vieux Bellevillois ?
Voilà pourquoi Le Funi restera Le Funi. »

(Le Funi, 4 janvier 1925)

« Funiculi, funicula », Le Funi, 11 novembre 1928

« Funiculi, funicula » fait référence à une chanson napolitaine composée en l’honneur du funiculaire du Vésuve.

La cessation de l’exploitation du funiculaire en 1924

La concession de l’exploitation, d’abord au sieur Fournier puis à la Société du tramway funiculaire de Belleville le 15 novembre 1890, prenait fin le 31 mai 1910. La Ville de Paris assura cette exploitation en régie directe, par la suite.

Sans lien de cause à effet, le conseil municipal souhaite en 1914 la réorganisation de la ligne. « Le système ne correspond plus aux besoins [...]. Il faut le moderniser » (Le Journal, 1er janvier 1914).
La guerre aggrave encore la situation. Un rapport sur le relèvement des tarifs sur le tramway funiculaire de Belleville présenté au conseil municipal de Paris en 1920 met en évidence un déficit croissant des résultats de l’exploitation, et une fréquentation importante au lendemain de la guerre, par ailleurs. Le conseil municipal doit opter soit pour la poursuite de l’exploitation, à condition de pouvoir mettre en œuvre une réfection générale évaluée à 600 000 francs, soit pour la suppression de la ligne, remplacée par d’autres moyens de transport de nature à répondre aux besoins. En attendant l’arbitrage du Conseil municipal sur l’avenir de la ligne, les prix du billet ordinaire, 0,10 francs, et du billet ouvrier, 0,05 francs, sont augmentés de 0,10 francs dans le sens République-Belleville et de 0,05 francs, dans le sens Belleville-République, trajet en descente plus susceptible selon la commission de connaître une perte de voyageurs du fait de cette augmentation. Ce relèvement des tarifs occasionna une plus-value dans l’exploitation de la ligne, mais ne la sauva pas !

Rue de Belleville, Montmartre [i.e. rue du Faubourg du Temple, Café Floréal], photographie de presse, agence Rol, 1924

Le conseiller municipal Téneveau dépose, en 1922, une proposition relative à la création de la ligne métropolitaine Place de la République - Porte des Lilas, ligne dont la construction n’était pas jugée prioritaire, réquisitoire éloquent à l’encontre de la poursuite de l’exploitation du funiculaire : bien que le funiculaire « rendit indiscutablement d’inappréciables services et contribua dans une grande mesure au développement de ces quartiers [...] il ne saurait, explique-t-il, à lui seul, répondre aux nécessités actuelles ; il suffit, d’ailleurs, aux heures de sortie des ateliers et des magasins, de se rendre à son terminus, à l’angle de la rue du Faubourg-du-Temple et de la place de la République, pour voir des queues interminables de voyageurs attendant des places dans les voitures. Il faut constater également la gêne qu’occasionne le funiculaire pour la circulation des voitures dans la rue de Belleville et la rue du Faubourg-du-Temple et l’on comprendra aisément que ce mode de transport doit disparaître pour faire place à un moyen plus rapide et moins encombrant. [...] Il en résulte, Messieurs, qu’une ligne métropolitaine partant de la Porte des Lilas à destination de la Place de la République s’impose. »

Cimetière du funiculaire de Belleville à Issy, photographie de presse, agence Rol, 1927

En juillet 1924, la commission des transports en commun de la Ville de Paris se prononce « pour un essai de suppression du funiculaire du 1er au 21 août, avec substitution d’un service d’autobus. » Or, dès le 9 août 1924, Le Journal titre « C’est la fin du funiculaire ». Le nombre de voyageurs transportés en autobus ayant été supérieur de 22% environ au nombre de voyageurs transportés par le funiculaire l’année précédente, à la même période, le recours aux autobus est prolongé.

« Dernier hommage au funiculaire de Belleville », La Liberté, 12 juillet 1924

En juillet 1925, Le Journal titre, enfin, « Le funiculaire de Belleville va être liquidé », l’essai de remplacement par des autobus prolongé, ayant été concluant. « Quant au vieux matériel du funiculaire, il va être liquidé. »

Pendant dix années, les Bellevillois devront prendre l’autobus, avant de pouvoir emprunter la ligne 11 du métropolitain, qui remplace le funiculaire sur son parcours en 1935 !

Ligne métropolitaine n° 11. Partie comprise entre la place du Châtelet et la place de la République. Plan parcellaire. Paris, impr. Monsanglant, 1932

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