La collection Gaignières
Des années 1670 à sa mort en 1715, François-Roger de Gaignières a constitué une des plus importantes collections savantes de son temps. En 1711, il la lègue à la Bibliothèque du roi pour en faire une sorte de musée de l’histoire, des familles et des monuments du royaume de France.
Les modes sont la partie la plus visible du travail de Gaignières. Son peintre Louis Boudan les confectionne à partir de la collection de tableaux de l’érudit, de manuscrits originaux et de relevés de monuments. Gaignières organise ces dessins selon une triple logique. Ceux qui concernent la France sont classés chronologiquement (par règne) et par catégorie sociale ; les autres sont triés par pays. L’érudit peut ainsi proposer un itinéraire à travers l’espace et le temps aux visiteurs de sa collection. Comme la légende de chaque mode renvoie à son original, il peut aussi faire naviguer les plus curieux entre les originaux et les copies.
Gaignières veut créer une histoire illustrée de la monarchie française, du royaume et de ses grandes familles. Le relevé des tombeaux, vitraux ou inscriptions y a un rôle clé, car ces derniers fournissent de nombreuses informations pour nourrir ce projet : le portrait des acteurs, leur nom, mais aussi des détails biographiques, généalogiques et héraldiques. Avec son peintre Louis Boudan et son paléographe Barthélémy Rémy il sillonne donc la moitié nord du royaume à la recherche des monuments qui l’intéressent, en note l’emplacement, la matière, l’état, etc. Boudan livre ensuite un relevé stéréotypé, parfois en plusieurs exemplaires, que Gaignières répartit dans des dossiers géographiques ou thématiques.
Boudan portraiture non seulement les membres des grandes familles du royaume et leurs tombeaux, mais aussi l’édifice le plus symbolique de leur pouvoir : leurs châteaux. Il réalise, de même, des images des principales villes, églises et abbayes du royaume. Gaignières organise ensuite ces dessins par province pour dessiner une topographie du royaume. Il y joint des plans et une impressionnante collection de gravures, encore plus nombreuses que les dessins, mais aujourd’hui dispersées.
En plus de sa collection de portraits copiés d’après des monuments, Gaignières possède une très belle collection de portraits originaux. Une part considérable est formée par des dessins au crayon, à la mode des Clouet, réalisée durant la deuxième moitié du XVIe siècle.
Entre 1779 et 1784, le garde des titres et généalogies de la Bibliothèque du Roi, Jean-Baptiste Guillaume, abbé de Gevigney, vole près de 2000 dessins de la collection. Ils entrent en possession de sir Richard Gough, passionné d’art funéraire et directeur de la société des antiquaires de Londres. Ce dernier les lègue en 1809 à la bibliothèque bodléienne d’Oxford. Afin de rapatrier une trace de cette partie de la collection, la Bibliothèque nationale missionne le peintre Jules Frappaz en 1860 pour qu’il effectue des copies sur calque des dessins d’Oxford. Il y passera trois ans.
François-Roger de Gaignières offre à Louis XIV de léguer sa collection à la Bibliothèque royale en 1711, afin d'éviter qu’elle ne soit dispersée après lui. Il en garde toutefois la jouissance jusqu’à sa mort. Dès la cession, le généalogiste des ordres du roi, Pierre Clairambault, est désigné pour inventorier la collection. Clairambault décide de procéder à un inventaire extrêmement précis des livres, manuscrits, gravures, dessins et tableaux de l’érudit qui décrit l’organisation et la composition de la collection, parfois dessin par dessin. Il dresse un nouvel inventaire, plus sommaire, en 1717 après la mort de l’érudit et la vente des pièces jugées sans intérêt pour la Bibliothèque royale.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la Bibliothèque nationale redécouvre la collection Gaignières. Les dessins demeurés à Paris sont reclassés et complétés par les calques de ceux d’Oxford, réalisés par Frappaz. En 1891, le conservateur Henri Bouchot publie le premier inventaire scientifique des dessins de monuments et d’édifices de la collection (calques compris). Cet ouvrage contribue tant à faire connaître la collection Gaignières qu'aujourd'hui encore, le numéro dans l'inventaire de Bouchot est le mode d'identification le plus fréquent des dessins de la collection. Il réduit pourtant la collection de Gaignières à ces seuls dessins, participant à occulter tous les autres documents.
Le travail de Gaignières repose non seulement sur les relevés de monuments et sur les portraits d’édifices, mais aussi sur une importante documentation écrite. Il acquiert des liasses d’actes originaux et en fait copier d’autres lors de ses voyages dans les monastères et abbayes de la moitié nord du royaume. Son secrétaire, Barthélémy Rémy, les transcrit et son peintre, Louis Boudan, en relève les sceaux. Après la mort de Gaignières, les sceaux originaux et les relevés de Boudan sont dispersés entre les fonds des manuscrits, des pièces originales et le fonds Clairambault ; ils sont inventoriés entre 1885 et 1910 par Germain Demay et Joseph Roman.
Les murs de l’hôtel de Gaignières étaient couverts de tableaux : des portraits de grands personnages du XVIe siècle peints par Corneille de Lyon, les visages de princes de son temps, de chevaliers du Saint-Esprit, etc. Ces tableaux sont dispersés après sa mort et seul le portrait de Louis II d’Anjou retourne aux collections de la Bibliothèque nationale par la suite. En 1892, Charles de Grandemaison publie une étude qui en identifie un grand nombre dans les collections des musées du Louvre, de Versailles ou de Chantilly.