Produits coloniaux, produits d’ailleurs
Les produits exotiques connaissent un véritable engouement au XVIIIe siècle. Cultivés dans les colonies, le café, le sucre, le chocolat ou le coton sont relativement bon marché grâce au recours aux esclaves et alimentent une économie de consommation naissante.
En 1764, un certain Chambon, receveur des fermes, entreprend de confectionner un grand tableau du commerce d'Amérique. Il le construit en s'appuyant sur le Règlement du commerce d'Amérique, pris par le Régent en 1719. Le monumental diptyque qui en sort mêle histoire, géographie, économie et sciences naturelles pour présenter les denrées arrivant d'outre-Atlantique à Marseille. En 1783, une version amplifiée et généralisée à l'ensemble du commerce atlantique paraît.
Le sucre est une vedette parmi les produits exotiques. Il est fabriqué à partir de la canne à sucre, une plante connue en Europe depuis le Moyen Âge, mais introduite en Amérique à l'occasion de la colonisation des XVIe et XVIIe siècles. Au XVIIIe siècle, la canne constitue une des cultures dominantes de la Caraïbe (les fameuses « îles à sucre »), où l'esclavage permet de produire du sucre à bas coût. Il est ensuite réexporté en Europe sous forme de pains, mais aussi de sirop, de mélasse ou d'alcools comme le rhum ou le tafia. Il y connaît un succès réel, servant à assaisonner les plats ou à adoucir les boissons, même s'il ne parvient pas à détrôner le miel dans la cuisine populaire. Chambon lui consacre un chapitre de son Commerce d'Amérique.
Le chocolat est tiré du cacaoyer, une plante autochtone du Mexique. Les Mésoaméricains en consommaient avant la conquête espagnole. Les Européens le découvrent à cette occasion et le rapportent en Europe sous forme de poudre dès le XVIe siècle. Aux XVIIe et au XVIIIe siècle, il est surtout consommé dilué dans de l'eau ou du lait. Des Chocolate houses se développent en Angleterre, sur le modèle des cafés, avant que des industriels ne trouvent le moyen de le trasporter sous forme solide, en mélangeant le beurre de la plante avec le cacao en poudre. Produit à la mode, des chapitres lui sont consacrés chez Chambon, mais aussi dans l'Encyclopédie oeconomique ou dans le Dictionnaire de cuisine de 1767.
Le tabac est lui aussi originaire des Amériques où il est consommé avant même la conquête européenne. Les Espagnols le parent de nombreuses vertus, tout comme le Français Jean Nicot qui l'introduit dans le sud-ouest du royaume sous le nom de pétun. Sa culture se répand rapidement en Europe et en Amérique. Profitant de l'effondrement de son prix au XVIIe siècle, sa consommation croît tout aussi vite et suscite l'intérêt des gouvernements: en France, il est l'objet de nombreuses réglementations destinées à favoriser sa taxation. Au XVIIIe siècle, il est consommé à presque tous les niveaux de la société, sous forme de poudre à priser, de feuilles à mâcher ou de tabac à fumer, suscitant toute une industrie d'ustensiles: tabatières, rapes, pipes, etc. Chambon lui consacre, à lui aussi, un chapitre.
Le café est un autre produit colonial à succès du Siècle des Lumières. Contrairement au chocolat, il vient d'Orient: il est connu en Éthiopie et au Yemen depuis le Moyen Âge. Sa consommation est introduite en Europe par les Vénitiens au XVIIe siècle et connaît une grande vogue, des coffee houses anglaises aux cafés de Vienne et d'Italie. Les Français parviennent à se procurer des pieds yéménites au début du XVIIIe siècle et les introduisent en Amérique et dans l'océan indien. Chambon lui consacre, lui aussi, un chapitre de son Commerce d'Amérique.
Connu des Européens depuis la Renaissance, le thé devient très populaire en Angleterre et en Hollande au XVIIe siècle, entre autres car on lui attribue des vertus médicinales et morales. Au XVIIIe siècle, il est vendu dans des tee-houses qui sont d'importants lieux de sociabilité et qui, à la différence des coffee-houses, ne sont pas toujours fermées aux femmes. L'engoument dans le monde britannique est tel que la taxation du thé est un des déclencheurs de la révolution américaine. L'approvisionnement reste cependant compliqué, car la Chine dispose d'un monopole de fait sur la production et s'avère être un redoutable partenaire commercial pour les grandes compagnies maritimes néerlandaises et anglaises.
La sélection « L’Europe au siècle des Lumières » a été préparée par le service Histoire de la Bibliothèque nationale de France. Elle présente un échantillon des collections de la BnF disponibles en libre-accès dans Gallica... Mais il y en a bien plus encore dans les réserves de la bibliothèque !
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