Les délices de la conversation

L'art de la conversation est sans doute l'art suprême aux yeux du XVIIIe siècle. Héritier de la culture de cour et des salons du siècle précédent, il est le sésame qui permet de briller dans la société des Lumières et d'avoir accès aux cénacles de la respectabilité ou du pouvoir. 

Courtisan, diplomate et secrétaire de Louis XIV, François de Callières (1645-1717) est un professionnel des mots et de l'art de les utiliser pour plaire. Dans les dernières années du XVIIe siècle, il publie une série de manuels de conversation et de recueils de bons mots qui rendent compte de cet art de converser au seuil du siècle des Lumières. 

Au XVIIIe siècle, il existe toute une littérature consacrée à l'art de la conversation : manuels pratiques de savoir converser, traités sur l'art de la saillie spirituelle, discussions sur le bon usage de la raillerie... Il y a même des jeux de l'oie pour apprendre à converser civilement et poliment. 

En 1708, le pasteur irlandais Jonathan Swift (1667-1745) écrit ses Hints towards an essay on conversation – qu'il complète par une une Collection of genteel and ingenious conversation (1731) et une Introduction to polite conversation (1738). Soixante-dix ans plus tard, cet essai est traduit en français par l’abbé André Morellet (1712-1819) dans le Mercure de France, où il avait déjà donné un Essai sur l'esprit de contradiction. En remaniant le texte de Swift, l’abbé livre une véritable réflexion sur l’utilité sociale et philosophique de cette pratique mondaine, qu'il insèrera en introduction de son éloge de la célèbre salonnière Marie-Thérèse Rodet Geoffrin.

Un auteur symbolise à lui seul l'art de la conversation du XVIIIe siècle : Pierre Carlet de Marivaux. Ses pièces de théâtre mettent l'accent sur le dialogue poli, galant et parfois mordant, si bien que dès 1739, son nom devient synonyme d'un badinage galant et raffiné. 

Les œuvre de Louis Carrogis de Carmontelle (1717-1806) montrent la centralité de la conversation dans l'art de vivre mondain du siècle des Lumières. Elles sont souvent dénuées d'intrigues et sont avant tout une mise en scène de la conversation polie. Les Conversations des gens du monde dans tous les temps de l'année (1786) en sont sans doute le cas le plus emblématique. Entre satire morale et jeu sur l'art de converser, elles se présentent comme un « d’apprendre aux étrangers à parler sans rien dire ».

La conversation est aussi un art d'apprendre. Pour les penseurs, rapporter une discussion savante au ton léger est un moyen efficace d'exposer leurs théories de manière vivante, en suivant le maître précepte de l'art mondain de converser : ne pas ennuyer. À la fin du XVIIe siècle, Les Entretiens sur la pluralité des mondes de Fontenelle ont remis cet artifice formel à la mode, que vont suivre Diderot dans le Rêve de d'Alembert, Galiani dans le domaine de l'économie, Regnault dans celui de la physique ou Pluche dans celui des sciences naturelle. 

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La sélection « L’Europe au siècle des Lumières » a été préparée par le service Histoire de la Bibliothèque nationale de France. Elle présente un échantillon des collections de la BnF disponibles en libre-accès dans Gallica... Mais il y en a bien plus encore dans les réserves de la bibliothèque !

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