Géants, monstres et animaux dangereux

Une sélection de canards des 16e et 17e siècles consacrés à des créatures hors du commun : êtres mi-hommes mi-bêtes, animaux monstrueux ou menaçants, géants revenus de l’Antiquité. 

Le monstre interpelle, étonne, fait peur. Il ne ressemble à personne, pas même à ses parents, et rompt avec le cours ordinaire des choses. Cet être prodigieux bouleverse l’ordre de la nature. Son existence pourrait-elle mettre en danger l’œuvre de Dieu, ou, au contraire, est-il né de la volonté divine ?

La découverte dans le Dauphiné en 1613 d’ossements de grande taille a réveillé l’intérêt pour la race prodigieuse des géants. Ces reliques profanes furent attribuées au roi Theutobocus vaincu par Marius en 102 avant J.-C., bien avant qu’on ne les identifie aux restes d’un animal préhistorique.

Bêtes féroces attaquant les hommes ou fléaux comme les invasions de sauterelles, les animaux peuvent aussi être un danger que l’on combat avec bravoure ou que l’on subit comme une punition divine.

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Les monstres sont un sujet récurrent des canards, comme ce Discours prodigieux de deux filles nées à Paris le 17. Janvier 1605. Lesquelles s'entretenoient par le ventre inferieur, ayant deux testes, quatre yeux, quatre bras, quatre iambes & deux natures. Deux théories alors en vigueur s’opposent à leur égard. En premier lieu, celle du châtiment divin : la monstruosité est une condamnation divine, punissant des mœurs dépravées, sanctionnant par des naissances monstrueuses l’immoralité des parents, nous invitant à nous amender et à nous éloigner du péché. Cette thèse est notamment défendue par le chirurgien suisse, Jakob Ruf (1505 ?-1558), qui publie, en 1580, De Conceptu et generatione hominis, de matrice et ejus partibus, nec non de conditione infantis in utero et gravidarum cura et officio. Elle est aussi partagée par Luther, pour qui les monstres sont des mauvais présages annonçant des désordres sociaux. Et, pour un temps, par Ambroise Paré. 
Le chirurgien du roi classe, quant à lui, les monstres en fonction de causes « supernaturelles », naturelles et artificielles : de la colère de Dieu à la créature diabolique parodiant l’œuvre de Dieu, en passant par des maladies héréditaires ou des problèmes de « semence ». Entre l’édition originale Des monstres et prodiges, en 1573, et celle de 1579, Ambroise Paré s’éloigne de la théorie du châtiment divin. Le monstre est, à ses yeux, une réalité sujette à des erreurs d’interprétation. Attestant de la diversité de la nature, il est « outre l’ordinaire » et non « contre le cours de la nature ». N’est pas contre-nature ce qui est, en effet, créé par Dieu.