Atherton Curtis (1863-1943)

Sa collection offre un vaste panorama de l’ukiyo-e : trente-cinq maîtres y apparaissent, des « primitifs » à la fin du XIXème siècle. Le XVIIIe siècle, pendant lequel l’ukiyo-e connut son âge d’or, est très représenté avec notamment quarante estampes de Harunobu. Toute l’évolution de la technique figure dans cette collection (sumizuri-e, tan-e, beni-e, urushi-e, benizuri-e, nishiki-e), toutes les singularités de cet art (fonds marbrés, micacés, gaufrage, saupoudrage d’or ou d’argent) et tous les formats.

Il est par ailleurs  accompagné d’une table tapuscrite anonyme réalisée ultérieurement, qui met en évidence les correspondances entre les études préparatoires du cahier et les estampes d’Hokusai dont elles seraient le fruit.
Un exemplaire des Cent femmes (Hyakunin onna) de Moronobu est également un témoignage remarquable du travail de cet artiste considéré comme « le créateur de l’estampe ukiyo-e à feuille unique » (réf : C. Marquet).  Les planches d’illustrations de cet ouvrage ont été détachées des parties textuelles pour être montées séparément, sans doute dans l’intention de mettre encore davantage en valeur les dessins de cet artiste dit « primitif » de l’ukiyo-e.
Enfin, le trésor de la collection est probablement la pièce la plus ancienne que possède le Département des Estampes, toutes origines géographiques confondues. Il s’agit de l’un des rares exemplaires subsistant aujourd’hui du  Million de pagodes  (hyakumantô darani), composées d’une tour de bois de 21 cm de haut renfermant à l’origine des feuillets imprimés portant le sûtra de la lumière pure (mukujô kô gyô). C’est en l’an 770 environ que l’impératrice Kôken (aussi connue sous le nom de Shôtoku) ordonna leur fabrication en très grande quantité, comme acte de dévotion bouddhique. La production des copies de sûtra en masse nécessita alors des moyens mécaniques, ce qui en fait le plus ancien texte « imprimé » au monde.  Ces pagodes miniatures ont ensuite été dispersées dans des temples bouddhiques, et il n’en ne reste aujourd’hui que très peu qui soient complètes. Cet exemplaire a été choisi par Hayashi Tadamasa au temple de Hôryuji à Nara, rapporté en France et transmis à Henri Vever avant de rejoindre la collection Curtis. Les textes sont aujourd’hui conservés sous cadre, tandis qu’à l’intérieur de la tour se trouve la notice manuscrite qu’avait rédigée Henri Vever afin de retracer les origines de l’objet.