Statistique et dénombrement

Sélection de textes essentiels et disponibles dans Gallica. Si avant 1750, les textes statistiques sont rares, à l'exception peut-être de quelques dénombrements de population, ils deviennent ensuite un genre important de la littérature économique, souvent accompagné de réflexions théoriques.

Médecin de formation, Jacques Bertillon est un statisticien dont les travaux ont contribué, dans la lignée de ceux de son père Louis-Adolphe, au développement de la démographie. Nommé à la tête du service des statistiques de Paris, il met au point un système de classification des décès. Il travaille notamment sur la dépopulation (Essai de statistique comparée du surpeuplement des habitations à Paris et dans les grandes capitales européennes, 1895, La Dépopulation en France, 1911). Son œuvre lui vaut honneurs et responsabilités, dont celles de rédacteur en chef des Annales de démographie internationale et président de la Société statistique de Paris.

Après avoir été chef de division à la préfecture de la Seine, Armand Husson est nommé directeur de l'Assistance publique en 1860. Il réorganise les hôpitaux parisiens et met en place une statistique médicale publiée annuellement dans Statistique médicale des hôpitaux de Paris. En raison de ses travaux, il est élu membre de l'Académie des sciences morales et politiques. En 1871, il devient secrétaire général de la préfecture de la Seine chargé de la direction des finances. Son livre Les consommations de Paris (une étude sur les consommations alimentaires des parisiens) obtient le prix Montyon de statistique de l'Académie des sciences en 1857.

Après les révolutions de 1848, Clément Juglar, médecin de formation, se tourne vers l’observation des phénomènes économiques et sociaux. Membre de la Société d’économie politique de Paris, il étudie les crises économiques en travaillant sur de longues séries temporelles. Avec Des crises commerciales et de leur retour périodique en France, en Angleterre et aux Etats-Unis (1862, réédité en 1889), il est le premier à mettre en évidence la notion de cycle économique, dont il envisage trois phases (prospérité, crise, liquidation) sur une période de huit à dix ans.

Paul Leroy-Beaulieu est l’un des principaux économistes libéraux français. Il expose sa pensée dans son Traité théorique et pratique d'économie politique et produit des travaux sur des thèmes aussi variés que Le travail des femmes au XIXe siècle (1873), La question ouvrière au XIXe siècle (1881), La dette publique de la France (1874), La question de la population (1913). Sa contribution principale réside dans la formalisation d’une vision libérale de la colonisation qui inspire Jules Ferry. Dans De la colonisation chez les peuples modernes (1874), les colonies sont considérées comme des fournisseurs de matières premières à bas prix, des marchés où écouler les productions métropolitaines et des lieux d’investissement financier peu risqués.

Entré à l’École normale supérieure en 1849, Émile Levasseur est reçu docteur et agrégé en 1854. En 1868, il est chargé du cours d’histoire des faits et doctrines économiques au Collège de France. Il devient membre de l’Académie des sciences morales et politiques, dans la section d’économie politique, statistique et finances. Il est l’un des fondateurs de la Société de géographie commerciale. Il publie Les prix : aperçu de l'histoire économique de la valeur et du revenu de la terre en France, La population française : histoire de la population française avant 1789 et démographie de la France et L'ouvrier américain : l'ouvrier au travail, l'ouvrier chez lui, les questions ouvrières.

Après sa sortie de l’Ecole centrale, Toussaint Loua devient statisticien au ministère de l'Agriculture et du Commerce où il occupe le poste de chef du bureau de la statistique. De 1875 à 1887, il dirige la Statistique de la France, ancêtre de l’INSEE. En 1878, il fonde l’Annuaire statistique de la France et participe, en 1885, à la création de l’Institut international de statistique. Il publie plusieurs mémoires sur la population parisienne et la démographie de la France, tels que De l'influence des disettes sur les mouvements de la population. La France sociale et économique offre une synthèse de l’ensemble des données recueillies à la fin du XIXe siècle.

Après avoir été soldat, marin, corsaire et aventurier, puis fait prisonnier par les Anglais en 1809, Alexandre Moreau de Jonnès est libéré en 1814 et affecté comme officier, chargé des travaux statistiques et topographiques. Il reçoit en 1819 le premier prix de statistique de l’Académie royale de Paris. Il publie en 1825 Le commerce au dix-neuvième siècle ainsi qu’un rapport sur la propagation du choléra en 1831. Il est chargé par Adolphe Thiers en 1833 de la statistique générale nationale, service qui devient en 1840 le Bureau de la statistique générale de la France, rattaché au ministère de l’Agriculture. Dans Eléments de statistique (1847), il définit la statistique comme « la science des faits sociaux exprimés de manière numérique ».  Il est à l’origine de la Statistique de l’industrie de la France.

Adolphe Quételet est un mathématicien, astronome et statisticien belge. Né à Gand, enseignant renommé à Bruxelles, il est très impliqué dans les réseaux intellectuels de son temps et contribue au développement des études et des institutions statistiques dans toute l’Europe. Définie dans Sur l’homme et le développement de ses facultés, ou Essai de physique sociale (1835) et Du système social et des lois qui le régissent (1848), sa « physique sociale » repose, à la différence de celle de son contemporain et rival Auguste Comte, sur des fondements mathématiques.

Appartenant à une dynastie de libraires active depuis 1550 à Lyon puis à Paris, Claude-Marin Saugrain est l’auteur du Code de la librairie et imprimerie de Paris (le « Code Saugrain ») publié en 1744. On lui doit aussi le Dénombrement du royaume par généralités, élections, paroisses et feux (1709) qui dresse un tableau de la France à partir des données démographiques et économiques réunies par les intendants du royaume dans leurs enquêtes (celles des années 1690 notamment). Le Nouveau dénombrement du royaume, par généralités, élections, paroisses et feux (1720) en est une version complétée et actualisée.

Proche de Durkheim, François Simiand est l’un des fondateurs de la sociologie économique en France. Dans ses travaux et ses prises de positions méthodologiques (La méthode positive en sciences économiques, 1912), il défend une démarche fondée sur l’utilisation des données statistiques et ancrée dans la temporalité. Ainsi, Le salaire, l'évolution sociale et la monnaie (1932) représente une tentative d'établir une théorie des salaires sur la base d'observations statistiques. Il s'intéresse également aux fluctuations économiques et à la monnaie (Les fluctuations économiques à longue période et la crise mondiale, 1932).