Théorie économique - Socialisme

Le socialisme réunit des auteurs qui s’attaquent aux principes philosophiques des économistes libéraux et classiques. Certains flirtent avec l’utopie, d’autres adoptent une approche plus scientifique. Le lecteur trouvera ici une sélection des principales œuvres socialistes disponibles dans Gallica.

Théodore-Napoléon Bénard fait des études de commerce en Angleterre où il s’installe comme entrepreneur. Revenu en France après la révolution de juillet, il devient rédacteur au quotidien Le Siècle. Il y reste jusqu’en 1869. Suite au traité de libre-échange entre la France et l’Angleterre en 1860 il crée l'hebdomadaire L’Avenir commercial. C'est un libéral opposé à l'intervention de l'État qui crée des « bénéfices factices » et aux monopoles préjudiciables au consommateur. Il s'oppose au protectionnisme et demande une régulation juridique du commerce international et des affaires maritimes. Il dénonce également les socialistes, proudhoniens, communistes ou anarchistes et leurs revendications  « fantastiques », comme l’expropriation ou la gratuité du crédit, qui « foulent aux pieds le droit du plus grand nombre ». Il  souhaite appliquer ses idées en Algérie récemment colonisée où il meurt en 1873.

Économiste, homme politique et théoricien du socialisme. Victor Considerant est reçu à l’École polytechnique en 1826 mais abandonne cette carrière d’officier rapidement. Il rencontre Charles Fourier en 1831 et s’impose rapidement comme un de ses disciples majeurs. Il prend part à plusieurs tentatives malheureuses pour faire vivre des « colonies sociétaires », d’abord à Condé-sur-Vesgres en 1833 puis au Texas (colonie de Réunion, entre 1855 et 1860). Il est conseiller général de la Seine en 1843 et, après la révolution de 1848, député de Montargis puis de Paris. Après avoir pris part à l’insurrection du 13 juin 1849 contre Louis-Napoléon Bonaparte, il s’exile jusqu’en 1869. Il adhère à la première Internationale en 1870 et prend parti pour la Commune de Paris en 1871.

Après des études à l’École polytechnique et des débuts dans le négoce et la banque, Barthélémy-Prosper Enfantin devient à partir de 1825 un fervent disciple de Saint-Simon dont il développe les idées économiques dans les journaux Le Producteur et Le Globe. Il réunit une sélection de ses articles dans Économie politique et politique saint-simonienne en 1831. En 1828, il est nommé Père suprême du collège saint-simonien et se fait appeler Père Enfantin. Convaincu que le développement industriel résoudra les problèmes sociaux, il œuvre à la fusion des lignes de chemin de fer entre Paris et Marseille en tant que directeur de la Compagnie de la ligne de Lyon dès 1845 et crée la Société d’étude pour le canal de Suez en 1846.

Philosophe, théoricien socialiste et communiste allemand. Ami de Karl Marx, il rédige avec ce dernier le Manifeste du parti communiste (1848) et assure la rédaction définitive et la publication des livres II et III du Capital après la mort de son ami. Il a aussi écrit seul de nombreux ouvrages, dont Socialisme utopique et socialisme scientifique. Dans ce dernier, il oppose les thèses d’auteurs comme Saint-Simon, Charles Fourier ou Robert Owen, qu’il qualifie d’utopistes, à la pensée de Karl Marx, dont les « deux grandes découvertes : la conception matérialiste de l'histoire et la révélation du mystère de la production capitaliste au moyen de la plus-value », ont permis au socialisme de devenir une science.

Fils de marchand, Charles Fourier fait son apprentissage dans le commerce à Rouen et à Lyon. Il établit un magasin en 1793 mais est ruiné suite au siège de Lyon. Après 1796, il redevient commis marchand, malgré son aversion pour les spéculations mercantiles. Inventeur d’une théorie sociale qui porte son nom, le fouriérisme, et précurseur du socialisme français, il publie plusieurs ouvrages qui décrivent son projet social d’une organisation communautaire, tels que Le nouveau monde industriel et sociétaire en 1829. Entouré d’un groupe de disciples, il dirige le journal Le Phalanstère en 1832 et cherche des capitaux pour financer des expérimentations de sa théorie. Plusieurs expérimentations ont lieu après sa mort, la seule de son vivant étant un échec en 1833.

Économiste et enseignant français. Professeur titulaire de chaire au Collège de France de 1921 à 1930. Il publie le manuel Principes d'économie politique en 1883 et fonde la Revue d’économie politique en 1887. Il devient membre dès sa création de l’Association protestante pour l’étude pratique des questions sociales qui critique le système basé sur la concurrence et l’intérêt individuel. Charles Gide s’oppose aux économistes libéraux de son époque. Théoricien de l’économie sociale et dirigeant du mouvement coopératif français, il milite en faveur d’une société fondée sur la solidarité.

Député de l'Aisne de 1871 à 1876, cet industriel est le créateur en 1840 de la société des poêles en fonte Godin. Influencé par Fourier puis par Victor Considérant et son phalanstère, il développe à partir de 1859 autour de son usine de Guise le familistère, qui préfigure les coopératives de production. Il cherche à réduire l'écart entre classes sociales et procure aux ouvriers du familistère des avantages sociaux et l’accès à des services collectifs et à des dispositifs d’éducation. Il est notamment l’auteur de Solutions sociales (1871) et de Mutualité sociale et association du capital et du travail ou Extinction du paupérisme (1880). La 2e édition posthume de cet ouvrage contient « les modifications apportées aux statuts depuis la fondation de l'Association du familistère de Guise » (1891).

Journaliste, essayiste, économiste, homme politique français et gendre de Karl Marx, Paul Lafargue reçoit une formation de médecin. Il s’engage très tôt dans le mouvement socialiste. Membre de la Première internationale, il fonde en 1880 le Parti ouvrier français avec Jules Guesde. Grand théoricien du marxisme, il rédige de nombreux textes, dont La religion du capital (1887) et Le déterminisme économique de Karl Marx (1884). Son œuvre majeure est le Droit à la paresse (1880) qui, démystifiant le travail et son statut de valeur, s’attache à démontrer l’aliénation produite par le système capitaliste.

Théoricienne marxiste, militante socialiste et communiste d’origine polonaise. Dès 1898, elle milite en Allemagne au Parti Social Démocrate. Elle défend la classe ouvrière et l’idée de la grève de masse comme moyen de révolution. L'Accumulation du capital (1913) est son principal ouvrage dans lequel elle détaille sa théorie de l'écroulement inévitable du capitalisme. Rosa Luxemburg fonde avec Karl Liebknecht la Ligue des Spartakistes en 1916, mouvement révolutionnaire et antimilitariste. Opposée à l’autoritarisme et au manque de liberté du régime bolchévique de Lénine, elle milite activement contre la Première Guerre Mondiale.

Docteur en philosophie, Karl Marx enseigne à l’université de Bonn avant de contribuer à la Rheinische Zeitung (« Gazette rhénane ») dont il devient rédacteur en chef en 1842. Contraint de se réfugier à Paris, Bruxelles puis Londres à cause de ses attaques contre le gouvernement prussien, il développe ses théories sociales et économiques dans des ouvrages majeurs tels que Contribution à la critique de l’économie politique (1859) et Le Capital (1867). Théoricien du socialisme scientifique, dont il développe le concept de lutte des classes, il est considéré comme l’un des pères du communisme à travers le Manifeste du parti communiste (1848) co-rédigé avec Engels. Déterminé à unifier le mouvement ouvrier, il participe à la fondation en 1864 puis à la direction de l’Association internationale des travailleurs.

Après des études de pharmacie, Émile-Justin Menier fait croître l'entreprise Menier fondée par son père. Il délaisse la production de produits pharmaceutiques pour se concentrer sur la fabrication du chocolat, dont il contribue à populariser la consommation en France. Convaincu de son rôle social en tant que patron, il crée près de son usine de Noisiel une cité ouvrière, des caisses d'épargne et des écoles. Il écrit L'impôt sur le capital et Théorie et application de l'impôt sur le capital, dans lesquels il développe l’idée d’un impôt unique sur le capital pour remplacer les impôts sur la consommation qui pèsent sur les classes pauvres. Il devient maire de Noisiel en 1871 et député de Seine-et-Marne en 1876 jusqu'à sa mort.

Ouvrier, autodidacte, Pierre-Joseph Proudhon est un théoricien du socialisme libertaire. De son parcours personnel et politique et de ses réflexions sur les grandes questions économiques de son époque (Qu’est-ce que la propriété ? en 1840, Système des contradictions économiques, ou philosophie de la misère en 1846, Le droit au travail et le droit de propriété en 1848) sont issues des idées et solutions résolument modernes : l’autonomie de gestion, le mutuellisme, la participation… Son influence, directe sur Marx et sur les révolutionnaires russes, est cependant plus large.

Philosophe, économiste et militaire français, fondateur de l’école saint-simonienne, Claude Henri de Saint-Simon est à l’origine de plusieurs courants de pensée comme le positivisme, l’anarchisme et le socialisme. Ses idées inspirent la construction de réseaux de chemins de fer, la création de banques de dépôt et le percement du Canal de Suez. Philosophe de l'industrialisme, il estime inachevée la Révolution française de 1789 car elle n'engendre pas le « système industriel », concept défini dans son ouvrage Du système industriel (1821) ; ce nouveau système social devait prendre complètement la place du « système féodal ». Saint-Simon préconise une société fraternelle dont les membres les plus compétents (industriels, scientifiques, artistes, intellectuels, ingénieurs…) auraient pour tâche d'administrer la France afin d'en faire un pays prospère, où régneraient la solidarité, l'esprit d'entreprise, l'intérêt général, la liberté et la paix.

Économiste allemand. Après avoir étudié les sciences politiques àTübingen et obtenu un doctorat, il travaille brièvement dans l’administration des finances du Wurtemberg puis  enseigne à partir de 1864. Ferme soutien des réformes de Bismarck, il défend une approche pluridisciplinaire (économie politique, sociologie, histoire) de l’économie. Il étudie également la formation des classes sociales et le lien entre changements institutionnels et performance des économies. Chef de file de l’école historique allemande, il s’oppose à l’école autrichienne naissante. Parmi ses nombreux travaux, on peut citer Politique sociale et économie politique (1902).

Économiste suisse. Libéral proclamé, il rompt avec les thèses de Ricardo et Smith en publiant les Nouveaux principes d’économie politique (1819) qui préconisent l’intervention de l’État pour protéger la classe ouvrière contre les excès de la concurrence et pour réguler le progrès technique. Tenant d’une forme de socialisme utopique, il reste partisan du développement de l’artisanat et défenseur de la propriété privée, ce qui le distingue des marxistes qui reprendront toutefois certaines de ses idées. Il préfigure en outre les travaux de Schumpeter sur le progrès technique.