Pensée politique de l'époque contemporaine

Sélection de textes de pensée politique de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle, classés par ordre alphabétique au nom de l'auteur.

Il retire de la lecture de Rousseau la doctrine babouviste, première théorisation sociale et concrète du communisme. Proche de Marat, il soutient, contre Robespierre, une « insurrection pacifique ». En réaction au conservatisme du Directoire il fonde la « Conjuration des égaux » qui veulent poursuivre la révolution jusqu’à la réalisation d’une société assurant « l’égalité des jouissances » et le « bonheur commun ». Il est guillotiné en mai 1797 en conséquence de la loi de Carnot punissant de mort la promotion de la réforme agraire de partage des terres.

Aristocrate russe, théoricien du socialisme libertaire, Bakounine s’oppose à Marx au sein de la Ière Internationale et mène une activité révolutionnaire et conspiratrice en Europe. Influencé par la philosophie de Hegel et par le concept de négativité, il élabore la doctrine anarchiste, notamment dans Dieu et l’Etat. L’anarchie étant la « tendance naturelle de l’Univers », l’homme ne peut accepter aucune subordination. Cela implique un athéisme absolu, l’existence de Dieu faisant obstacle à la liberté humaine, et le refus de l’Etat, au service d’une minorité opprimant la majorité, y compris dans le cas de gouvernements révolutionnaires provisoires tels que la dictature du prolétariat marxiste. Selon Bakounine, qui exalte la révolte spontanée, l’anarchisme n’est pas individualiste mais exprime une aspiration de la masse populaire.

Traumatisé par le siège de Lyon pendant la Révolution, Ballanche ne cessera de recourir à la religion pour vivre selon son cœur et fonder sa pensée. Dans les Essais de Palingénésie sociale (1827-1829), sa foi, qui confine au mysticisme, lui fait considérer l’Histoire comme une alternance de décadence et de progrès orientée par la Providence, la perfectibilité humaine devant permettre de faire passer la société du chaos de la Révolution et de l’Empire à un régime monarchique réhabilité.

Économiste et homme politique français. Ayant pratiqué le commerce et la gestion de terres agricoles, admirateur de l’action du Britannique Richard Cobden, il développe une pensée libérale, reposant sur la défense du libre-échange et de la concurrence. Il expose ses idées dans le journal Le Libre-échange qu’il a créé. Il s’oppose au socialisme et au colonialisme. Il place la liberté de l’individu vu comme consommateur et non producteur au centre de son analyse, qu’il diffuse à travers de multiples pamphlets, dont La pétition des fabricants de chandelles (1845). 

Louis Blanc entre dans le débat politique en menant campagne pour l’extension du suffrage universel dans la Revue du progrès, et La Réforme, où il publie également L’Organisation du travail (1839). Pour construire une société fraternelle il fait de l’Etat un instrument de régulation du travail et conçoit un modèle de coopératives ouvrières qui connait une mise en œuvre décevante lors de la révolution de 1848. L’échec des socialistes à l’élection de l’Assemblée constituante, le contraint à s’exiler, jusqu’à la chute de l’Empire, en Angleterre où il rédige une Histoire de la révolution de 1848.

Frère de l’économiste libéral Adolphe Blanqui, Auguste Blanqui  est un militant socialiste révolutionnaire, auteur de plusieurs tentatives d’insurrection entre la monarchie de Juillet et le début de la IIIe République. Favorable à la collectivisation des moyens de production, il se distingue des autres socialistes de son temps par son scepticisme vis-à-vis des masses, et pense que la révolution exige une tyrannie transitoire exercée par une élite éclairée. En 1870, il publie La patrie en danger. En 1880, il lance le journal Ni Dieu ni maître. Son ouvrage Critique sociale est édité après sa mort, en 1885.

D’abord favorable à la Révolution, Louis de Bonald est heurté dans ses convictions royalistes et religieuses par la Constitution civile et la vente des biens du clergé. Emigré à Heidelberg, il publie en 1796 sa Théorie du pouvoir politique et religieux où s’exprime son hostilité au rationalisme des Lumières, à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen comme aux idées de Montesquieu et de Rousseau. L’Essai analytique sur les lois naturelles de l’ordre social (1800), la Législation primitive (1802) et les Recherches philosophiques (1818) qui prônent un régime théocratique font de lui sous la Restauration la grande figure du légitimisme. 

Homme politique français, Léon Bourgeois est le théoricien du solidarisme. Visant à une synthèse du libéralisme individualiste et du socialisme collectiviste, cette doctrine fondée sur le quasi-contrat et l’association, exposée notamment dans Essai d’une philosophie de la solidarité, justifie le réformisme social. Une libre éducation pour tous, un minimum de moyens d’existence et des assurances contre tous les risques de la vie constituent les obligations du solidarisme. Ces idées influencent le programme économique et social du Parti radical, que Bourgeois définit comme le « parti de la solidarité républicaine et sociale ». Premier Président du Conseil issu du radicalisme (1895), il défend une politique de prévoyance sociale. Promoteur de la Société des Nations, il reçoit le Prix Nobel de la Paix (1920). 

Député whig aux libéralisme et conservatisme modérés, partisan d’un parlementarisme où l’opposition pourrait empêcher l’abus de pouvoir, soutien des colons anglais d’Amérique, favorable à l’émancipation des catholiques d’Irlande, Burke est le premier écrivain à présenter une critique politique de la Révolution de 1789. Ses Reflections on the Revolution in France (1790, traduction française la même année) interprètent sévèrement le volontarisme exacerbé qui fonde les nouvelles institutions selon des principes abstraits. Il jugeait qu’un renversement aussi complet des œuvres du temps et de la raison pratique engendrerait nécessairement la Terreur.

Etienne Cabet, fondateur de l’utopie icarienne, est influencé par Rousseau, Robespierre ou Owen. Issu d’une famille d’artisans aisés, il fait des études de droit et devient avocat avant d’exercer des responsabilités politiques au lendemain de la révolution de Juillet. Sa pensée se radicalise, poussant les idées d’égalité et de fraternité vers un communisme des biens qui préfigure la société communiste. Le modèle décrit dans son roman utopique Voyage en Icarie sera mis en œuvre au lendemain de la révolution de 1848 aux Etats-Unis, au Texas puis en Illinois, dans des communautés dont la dernière disparaît à la fin du 19e siècle.

Philosophe allemand, ami et collaborateur de Karl Marx, Engels contribue étroitement à l’élaboration de la doctrine marxiste. Il étudie la condition ouvrière et le système capitaliste en Angleterre où il mène une activité industrielle et commerciale, rédige avec Marx plusieurs ouvrages parmi lesquels le Manifeste du Parti communiste, et assure l’édition posthume des livres II et III du Capital. Théoricien du matérialisme historique et dialectique, il en expose les principes dans L'Anti-Dühring et dans Socialisme utopique et socialisme scientifique. Ayant activement participé à la révolution de 1848 puis à la fondation de la Ière Internationale socialiste, il est également un grand militant politique. Jusqu’à sa mort, il conseille les socialistes marxistes européens et forme nombre de dirigeants de la IIème Internationale.

Professeur à la Sorbonne, critique littéraire influent, Emile Faguet fut aussi un essayiste et un chroniqueur politique libéral : à ses portraits de Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle (1891), publiés d’abord dans la Revue des Deux Mondes, s’ajoutent des ouvrages consacrés à la pensée politique de Montesquieu, Voltaire et Rousseau. Adhérant (aux côtés de J. Lemaître et de M. Barrès) à la Ligue de la patrie à partir de l’Affaire Dreyfus, ses réflexions inclinèrent vers le nationalisme, l’autoritarisme et la critique de la démocratie parlementaire, « l’apothéose de l’incompétence ».

Cet historien mondialement célèbre pour Grandeur et décadence de Rome, soucieux de définir la légitimité du pouvoir et de comprendre ce qui menace le fonctionnement des sociétés, connaîtra quelques années de résidence surveillée pour s’être opposé au gouvernement fasciste. Réfugié en Suisse, de 1930 à 1942, il approfondit ses réflexions sur la Révolution française et l’Empire napoléonien et y observe deux mouvements contraires : le premier tend au libéralisme, le second aboutit à la dictature. Pouvoir, son œuvre ultime, montre l’enchaînement pathologique de la peur et de la force et exalte les principes d’ordre, de mesure et de légitimité, « génies invisibles de la Cité » susceptibles de la préserver de la terreur et de la décadence.

En 1793, Fichte publie anonymement les Contributions destinées à rectifier le jugement du public sur la Révolution française. L’histoire humaine y est analysée selon un mouvement dialectique d’opposition entre despotisme et liberté, résolu par la réalisation de l’idée paix. Après avoir défendu les idéaux de la Révolution, il s’oppose à Napoléon en soutenant le principe d'une monarchie européenne. Avec ses Discours à la nation allemande (1807) il fait de la fondation d'un état national allemand la possibilité pour l’Allemagne unifiée d’assumer une telle position dominante.

La critique du capitalisme et la recherche d’un modèle social qui puisse dépasser, pour son épanouissement, le conflit entre l’individu et la société, font de Fourrier un précurseur du socialisme en France. Partisan d’une organisation communautaire, il analyse le chaos provoqué par le développement industriel et lui oppose « l’industrie sociétaire, véridique et attrayante » dont il pense l’organisation dans le cadre de phalanstères. Il publie sur ce sujet un Traité de l’association domestique agricole (1812), Le Nouveau monde industriel et sociétaire (1829), La Fausse industrie (1836).

Historien et homme d’Etat, il exerce d’importantes responsabilités politiques sous la monarchie de Juillet. Occupant des fonctions de ministre puis de chef du gouvernement, il généralise l’enseignement primaire, crée la Société d’histoire de France et le Service des monuments historiques. Très proche de Louis Philippe, il s’oppose constamment aux demandes d’évolution du suffrage censitaire pour ouvrir plus largement le processus démocratique. Il est renversé par la révolution de 1848. Retiré de la vie politique, il compose à la fin de sa vie les Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps.

Tourné vers l’histoire, spécialiste de l’Angleterre du XIXe siècle et de Jeremy Bentham, le précurseur du libéralisme, il témoigne également d’un vif intérêt pour les théories et les doctrines sociales. A l’issue de la guerre de 1914-1918, son enseignement à Sciences-Po et son œuvre seront de plus en plus marqués par la critique de la politique (sans devenir éditorialiste et sans adhérer à aucun parti) et par la défense farouche de la démocratie et du réformisme contre les dictatures fasciste et communiste qu’il assimile dans le recueil posthume L’Ere des tyrannies (1938).

Député du Tarn en 1885, il est battu en 1889 et en profite pour rédiger une thèse de philosophie. Il étudie Marx, découvre aussi la lutte des classes pendant cette période, en soutenant des grèves dans la ville de Carmaux dont il sera député de 1893 à sa mort. A partir de 1898, il prend parti pour Dreyfus. Elu vice président de la Chambre en 1903, il devient directeur du journal l’Humanité. A l’origine de deux traditions politiques en France : sociale-démocrate et communiste, son combat est celui de l’unité de la gauche sur laquelle il compte pour empêcher la guerre. Il est assassiné le 31 juillet 1914.

Militant et théoricien socialiste allemand, Lassalle participe à la révolution de 1848 et rencontre Marx dont il se proclame le disciple jusqu’à leur rupture. Il énonce la théorie de la loi d’airain des salaires, selon laquelle le salaire de l’ouvrier, dans le système capitaliste, se limite à ce qui lui est indispensable pour vivre et diminue avec le progrès technique. Il prône un socialisme dans lequel l’Etat doit accomplir les réformes sociales et subventionner des coopératives de production destinées à remplacer l’économie capitaliste. Nationaliste, il soutient la politique étrangère de Bismarck. Favorable au suffrage universel, il crée le premier parti socialiste ouvrier d’Europe, dont l’organisation est centralisée et autoritaire. Ses idées, critiquées par Marx, influenceront néanmoins le socialisme allemand.

Révolutionnaire, homme d’Etat et théoricien marxiste russe, Lénine défend, dans Que faire ?, texte fondateur du bolchevisme, sa conception d’un parti révolutionnaire d’avant-garde encadrant la classe ouvrière. Cela entraîne une division du Parti ouvrier social-démocrate de Russie entre bolcheviks et mencheviks. Rentré d’exil, il organise la révolution russe d’Octobre 1917 et constitue un gouvernement exclusivement bolchevique qui proclame la dictature du prolétariat. Il fait signer une paix séparée avec l’Allemagne et fonde l’Internationale communiste. Dans un contexte de guerre civile, il crée une police politique (Tcheka), instaure le Communisme de guerre puis est contraint d’adopter une Nouvelle Politique économique (NEP). Bâtisseur de l'État soviétique, il exprime, au soir de sa vie, son désaccord avec Staline et ses craintes devant la bureaucratisation du Parti bolchevique.

D’abord fervent libéral, fondateur du journal Le Globe en 1824, Pierre Leroux participe après les Journées de Juillet (jusqu’en novembre 1831) au mouvement saint-simoniste. Ensuite, le terme de « socialisme », qu’il aurait inventé en 1833 dans un article de la Revue encyclopédique pour alerter sur le danger d’une organisation autoritaire, lui sert pour définir une pensée animée des valeurs « sociales » d’égalité, de solidarité et de fraternité. Son ouvrage De l’humanité, de son principe et de son avenir […] (1840) défend l’idéal d’une société où s’associent la Déclaration de 89 et le message évangélique.

Figure emblématique et martyre de la cause révolutionnaire, Rosa Luxemburg est une théoricienne majeure du marxisme. Membre de l’aile gauche du Parti social-démocrate allemand, elle critique les positions de Bernstein puis de Kautsky. Internationaliste, elle dénonce le militarisme et s’oppose à la guerre. Cofondatrice, avec Karl Liebknecht, de la Ligue spartakiste puis du Parti communiste allemand, elle est arrêtée et assassinée lors de l’insurrection de janvier 1919 à Berlin. Dans L'Accumulation du capital, elle montre que l’impérialisme est nécessaire au capitalisme, en quête incessante de nouveaux marchés, et que la crise du capitalisme est inévitable. Contrairement aux bolcheviks, elle pense que le prolétariat peut déclencher lui-même la révolution par la grève de masse. Cette conception inspire la théorie de la spontanéité révolutionnaire.

Philosophe et économiste allemand, Marx est le théoricien du socialisme scientifique. Héritier critique de la philosophie de Hegel, des socialismes français et de l’économie politique anglaise, il élabore une conception matérialiste de l’histoire dont le moteur est la lutte des classes. Dans la société capitaliste, le prolétariat, dominé économiquement et politiquement par la bourgeoisie, doit devenir l’agent d’une révolution totale permettant l’émancipation de l’humanité par l’instauration du communisme. La dictature du prolétariat assure la transition vers une société sans classes aboutissant à la disparition de l’Etat et à la fin du politique. Auteur, notamment, du Manifeste du Parti communiste et du Capital, cofondateur de la Ière Internationale socialiste, Marx mène une activité intellectuelle indissociable du militantisme. Son œuvre, pluridisciplinaire, connaît une postérité immense.

Philosophe et économiste britannique. Penseur libéral utilitariste, Mill s’est intéressé à de nombreux aspects de la vie en société, parmi lesquels la notion de gouvernement représentatif, l’émancipation féminine (L'assujettissement des femmes, 1869) ou la liberté de l’individu. De son point de vue défendu notamment dans Principes d’économie politique (1848), la science économique concerne les biens et services mais ne s’applique pas à leur répartition. La redistribution des richesses, qu’il estime centrale, dépend des choix politiques et sociétaux et prime sur la croissance. Il intègre également la théorie de l’avantage comparatif établie par Ricardo.

Industriel gallois, Owen prône la philanthropie patronale. Soucieux d’améliorer les conditions de travail et de vie des ouvriers, il transforme sa filature écossaise en usine modèle, encourageant l’éducation populaire. Il cherche à obtenir une généralisation de ces avancées sociales par l’intervention de l’Etat, puis tente de créer des communautés agraires (New Harmony aux Etats-Unis) mais l’expérience échoue. Il institue des bourses du travail et une union syndicale éphémères. Il inspire un mouvement appelé « socialisme », reposant sur un système d’associations coopératives. Sa pensée, exposée dans Le Livre du nouveau monde moral, évolue vers un messianisme social. Affirmant la possibilité de réformer la société à partir d’une communauté exemplaire, il est un des fondateurs du « socialisme utopique ».

De souche paysanne, issu d’une famille pauvre, Proudhon fait ses études au Lycée de Besançon grâce à une bourse. Malgré des résultats brillants, la précarité de sa condition l’oblige à abandonner pour gagner sa vie. Il acquiert ainsi une solide expérience de l’entreprise et décide de se consacrer à l’émancipation de la classe ouvrière. L’anarchie, ou refus de la domination de l’homme par l’homme, est à la base de sa doctrine. Ce principe politique lui permet d’éviter les deux écueils opposés que sont la société capitaliste atomisée et l’absolutisme étatique, de droite comme de gauche.

Philosophe, économiste, humaniste, Saint-Simon prend acte de l’entrée de la France dans l’ère industrielle. Sa doctrine exposée dans Du système industriel (1821), ou Catéchisme des industriels (1823), combat l’exploitation des masses laborieuse par une élite oisive. L’élite doit être laborieuse, elle aussi. Issue de chaque classe elle a pour fonction de comprendre et de défendre les intérêts de l’ensemble qu’elle représente. Après sa mort, le saint-simonisme répand et enrichit sa pensée dans le sens d’une planification par l’Etat de la production, de la répartition et de la transmission des richesses.

Ce polytechnicien, la quarantaine passée, développe une théorie politique et sociale à géométrie variable où l’interprétation originale du marxisme (lutte des classes sans fin de l’Histoire) se mêle au syndicalisme révolutionnaire qui promeut le mythe de la grève générale et l’action directe (Réflexions sur la violence, 1908). Durant la Grande Guerre, en raison du dégoût que lui inspire « l’Union sacrée », qui atteste de la décadence et de l’immoralité bourgeoises, son anti-intellectualisme et son anti-parlementarisme s’exacerbent. Admirateur de Lénine, admiré par Mussolini, Georges Sorel, qui se considére comme « un fidèle serviteur du prolétariat », rassemble le dernier état de sa pensée autoritaire et véhémente dans Matériaux pour une théorie du prolétariat (1919) et De l’utilité du pragmatisme (1921).

Cet éminent critique littéraire fut aussi un grand observateur de la vie politique. Ses Princes lorrains (Barrès et Poincaré) en 1924 et La République des professeurs en 1927 (titre qui s’explique par la prépondérance à la Chambre des normaliens et des agrégés), le feront considérer comme le fondateur de l’histoire des idées politiques en France. Les Idées politiques de la France (1932) offre un tableau des idéologies constituées tout au long du XIXème siècle (traditionalisme, libéralisme, industrialisme, catholicisme social, jacobinisme et socialisme), six familles d’esprit en évolution qui « s’arrangent […] souvent plus mal que bien, avec des systèmes d’intérêts [et] avec des groupes parlementaires ».

Aristocrate, magistrat, homme politique et philosophe français, penseur du libéralisme, Tocqueville met en évidence l’avènement « irrésistible, universel » de la démocratie, fruit de l’égalisation des conditions et s’interroge sur la manière de concilier les deux forces animant le mouvement démocratique, la liberté et l’égalité. Un voyage aux Etats-Unis lui inspire De la Démocratie en Amérique. A partir du modèle américain, il analyse l’influence de la démocratie sur les institutions, ses avantages, ses risques et les moyens de les éviter. Dans L’Ancien Régime et la Révolution, il montre que la Révolution française hérite de la centralisation monarchique, menaçante pour la liberté. Si son œuvre revêt une dimension historique et sociologique, le « Montesquieu du XIXème siècle » est aussi un grand moraliste.

Révolutionnaire et homme politique russe, penseur marxiste influent, Trotski, d’abord proche des mencheviks, préside le soviet de Saint-Pétersbourg durant la révolution de 1905. Exilé, il rentre en Russie en 1917, se rallie aux bolcheviks, organise avec Lénine la révolution d’Octobre, crée l’Armée rouge et la dirige durant la guerre civile. Après la mort de Lénine, il s’oppose à Staline qui l’expulse d’Union soviétique et le fait assassiner en 1940 au Mexique. Pour combattre le fascisme et le stalinisme bureaucratique, il fonde la IVème Internationale (1938). A l’encontre de la thèse stalinienne de la construction du socialisme dans un seul pays, il développe la théorie de la révolution permanente selon laquelle le prolétariat doit accomplir la révolution socialiste à l’échelle nationale puis mondiale.