Grands auteurs de la pensée économique au XVIIIe siècle
Au-delà de la physiocratie, le XVIIIe siècle est réellement le siècle des « Lumières économiques ». Le lecteur trouvera ici une sélection des principaux textes marquants de théorie économique publiés au cours de ce siècle et disponibles dans Gallica.
Né en Irlande vers 1680, Richard Cantillon passe une grande partie de sa vie à Paris où il exerce en tant que banquier. Il reprend l'établissement bancaire en faillite d'un oncle du même nom et fait fortune à la chute du système de Law en revendant ses actions à temps, avant de se retirer à Londres. Son unique ouvrage, Essai sur la nature du commerce, publié en 1755, influence fortement les physiocrates, dont Mirabeau. Il y développe notamment des théories sur la valeur, la démographie et le fonctionnement du circuit économique. Il est considéré comme un auteur de transition entre le mercantilisme et le libéralisme dont les idées inspirent des économistes tels qu’Adam Smith.
Né en 1684, Nicolas Dutot est caissier de la Compagnie des Indes créée par John Law. En 1738, il publie Réflexions politiques sur les finances et le commerce en réponse à l’Essai politique sur le commerce de Jean-François Melon. Dutot défend l’immutabilité de la monnaie et s’oppose à ce que le souverain puisse faire varier arbitrairement sa valeur, pratique courante sous l'Ancien Régime. Son livre permet de comprendre les débats qui agitent les économistes sous la Régence. Il défend le Système de Law dont l’échec, selon Dutot, vient d'une mauvaise application. Il est également considéré comme précurseur de l’économie quantitative.
Issu d'une famille du négoce, François Véron Duverger de Forbonnais entre dans le monde des lettres en produisant des traductions, des articles de l’Encyclopédie et des essais sur l'administration des finances et du commerce comme Éléments du commerce, Recherches et considérations sur les finances de France, Essai sur l'admission des navires neutres dans nos colonies, Examen des avantages et des désavantages de la prohibition des toiles peintes. Il est nommé inspecteur général des monnaies en 1756 et devient premier commis du contrôleur général des finances Silhouette en 1759. À la Révolution, il conseille le comité des finances de l'Assemblée constituante sur la réforme du système monétaire. Il devient membre de l'Institut national des sciences et des arts dès sa fondation en 1795.
L'Écossais John Law, financier et aventurier, auteur de mémoires sur les banques et la circulation monétaire, convainc le Régent, Philippe d'Orléans, qu'il peut liquider la dette de l'État grâce à un système de crédit fondé sur le papier-monnaie. Il met sur pied une Banque générale en 1716 puis fonde l'année suivante la Compagnie d'Occident ou Compagnie du Mississippi, dont le capital est formé par la vente d'actions de 500 livres payables uniquement en billets d'État. Les premières actions se nomment « mères » puis, le succès initial aidant, viennent les « filles » et les « petites-filles ».
Économiste français. Jusqu’en 1720, Melon fréquente les cercles proches du pouvoir royal, travaille pour John Law et acquiert une expérience des pratiques politiques et financières de l’époque. Il publie l’Essai politique sur le commerce (1734), un texte majeur qui contribue à la naissance de l’économie politique française. Dans cet ouvrage il s’intéresse à la dette publique et réaffirme le bien-fondé de la théorie mercantiliste tout en proposant certains principes libéraux. Il expose également les bienfaits d'une législation économique pour éviter les abus et protéger les consommateurs, clients et employés.
Magistrat à la Chambre des comptes de Paris, il occupe diverses charges auprès de la famille royale. Membre de l’Académie royale des sciences de Suède, il se fait connaître par ses Remarques sur les avantages et les désavantages de la France et de la Grande-Bretagne par rapport au commerce et aux autres sources de la puissance des États (1754). Membre du cercle de Vincent de Gournay, il est attaché à une liberté économique adoucie par la protection des personnes.
Philosophe et économiste écossais, Adam Smith est considéré comme le fondateur de l’économie politique. Professeur de philosophie morale à l'université de Glasgow, il consacre dix années à l’écriture de La richesse des nations, publié en 1776. Il inspire les grands économistes qui poseront les grands principes du libéralisme économique. Dans son œuvre, Smith met à jour la valeur du travail et défend la libre circulation des biens : « Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de leur souci de leur intérêt propre » écrit-il. La traduction française est disponible dans Gallica, dans son édition de 1790, sous le titre Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations.
Homme politique et économiste français, Anne-Robert-Jacques Turgot devient magistrat vers 1750. Il participe à l’Encyclopédie et publie des textes sur la tolérance et la séparation de l’Église et de l’État. Nommé intendant de la ville de Limoges en 1761, il expérimente des réformes libérales consignées dans ses Réflexions sur la formation et la distribution des richesses, qu’il tentera de mettre en œuvre à l’échelle du pays en tant que contrôleur général des finances de Louis XVI.
Militaire et économiste espagnol, Gerónimo de Uztáriz y Hermiaga occupe dans l’administration des postes en rapport avec le commerce extérieur et les finances. Il prône l’adoption du colbertisme en Espagne et rédige en 1724 un traité de référence sur ce sujet, Théorie et pratique du commerce et de la marine. Il défend ainsi l’adoption de mesures protectionnistes et la construction d’infrastructures de transport pour favoriser le développement de manufactures privées. Dans ce schéma, l’État intervient a minima comme régulateur des relations commerciales.
Commissaire général des fortifications (1678) et lieutenant-général du royaume (1688), Vauban a une fine connaissance de la France de Louis XIV. Il se montre attentif aux conséquences de la politique du souverain et rédige différents traités, parfois critiques, sur la situation économique et sociale du royaume (Oisivetés, dont fait partie par exemple le Mémoire pour le rappel des huguenots, 1689). Son Projet de dîme royale (1698, publié en 1707), qui prévoit un impôt proportionnel et universel, ne fut pas instauré mais constitue un jalon dans l’histoire de la fiscalité.