"
Ignorante de la perspective", la peinture japonaise serait nécessairement "primitive", même si dans
Le Magasin pittoresque (1873), un auteur anonyme se risque à penser "
que le peintre japonais s'écarte volontairement des règles de la perspective". Mais Louis Gonse, dans
L'art japonais (1883), tordant le cou aux idées reçues, rappelle que "
L'histoire de la peinture est, au Japon plus qu'ailleurs, l'histoire de l'art lui-même". Ce qui se découvre, après que la vogue de l'estampe l'ait durablement occulté, c'est l'existence d'un art qui, inscrit dans la longue durée, se révèle n'être pas moins important qu'en Occident. Samuel Bing, dans deux livraisons du
Japon artistique (mai et
juin 1889) se donne pour tâche de retracer
Les origines de la peinture dans l'histoire du pays, tandis que Theodor de Wyzewa, dans
La peinture japonaise (Revue des deux mondes, juillet-août 1890), repris dans
Peintres de jadis et d'aujourd'hui, 1903), constate qu'"
à mesure que l'on avance dans l'étude de la peinture japonaise, on est frappé davantage des ressemblances qu'offrent ses évolutions avec celles de notre peinture européenne".
En 1900, à l'Ecole des Beaux-Arts, l'Exposition des maîtres japonais présente la collection de kakemono (définition du Koji Hôten, 1923) d'Arthur Huc, le directeur de La Dépêche de Toulouse, ami et soutien des Nabis. L'événement, présentée plutôt objectivement dans La Chronique des arts et de la curiosité (19/05/1900), fera l'objet d'une véritable polémique entre Claude-Eugène Maitre, l'auteur de L'art du Yamato (1901) et le propriétaire des oeuvres exposées, dans deux numéros de La Revue blanche (01/06 et 15/05/1900). On peut y reconnaître le conflit entre un collectionneur, marqué par l'esprit du premier japonisme, et un historien d'art, né vingt ans plus tard.
Georges de Tressan, qui appartient à la même génération que Maitre, s'attachera a approfondir cette approche historique avec des articles savants tels que La naissance de la peinture laïque japonaise et son évolution du XIe au XVe siècle (La Revue de l'art ancien et moderne, juillet-août 1909), La renaissance de la peinture japonaise sous l'influence de l'école chinoise du nord du milieu du XIVe siècle à la chute des Ashikaga (1573) (La Revue de l'art ancien et moderne, 1er semestre 1910), ou L'évolution de la peinture japonaise du XIe au XIVe siècle (Revue des deux mondes, 01/09/1912). Sous son pseudonyme de Tei-San, le même auteur consacre toute la première partie de ses Notes sur l'art japonais (1905) à La peinture et la gravure, dans un ordre qui n'est plus celui de la réception de ces deux arts en France et en Europe, mais bien dans celui d'une histoire reconstruite indépendamment du japonisme... De même, ces études contribueront à rapprocher l'art japonais de ses sources chinoises, mettant un terme au mythe de la "supériorité" japonaise des années 1860-70, une étude comme celle d'Ernst Grosse sur Le Lavis en Extrême Orient (1924) envisageant le genre de manière unitaire, dans la continuité des échanges multiséculaires entre les deux pays...