La Librairie de Charles V : Histoire et voyages

Français 2813 : Grandes Chroniques de France

Commandée par saint Louis à Primat, moine de Saint-Denis, cette version française de l’histoire des rois de France fut révisée et augmentée au cours du XIVe siècle, notamment entre 1375 et 1379 sous la direction du chancelier Pierre d’Orgemont. Parmi les quelque cinquante témoins du texte, ce manuscrit (Français 2813), exemplaire réalisé pour le roi Charles V, tient une place prédominante. Véritable « histoire nationale », il présente un récit sans précédent de la royauté française depuis ses origines troyennes jusqu’en avril 1379, soit un an et demi avant la mort du roi, et résume la vision politique du souverain au cours de son règne.

L’exécution de ce superbe manuscrit de 543 feuillets a été confiée aux copistes et artistes proches de la cour de France. Au nombre des peintres qui ont collaboré à son illustration, on reconnaît la main du Maître du Couronnement de Charles VI, du Maître du Livre du Sacre de Charles V et de Perrin Remiet. À l’origine, le manuscrit était divisé en deux volumes, s’ouvrant chacun par une peinture frontispice, présentant dans la bordure inférieure les armes du roi portées par deux anges (feuillet 4 et 265). Au recto du feuillet 263, l’ex-libris de Charles V se devine à la lampe de wood. Comme l’indiquent les inventaires de la Librairie royale, le manuscrit conservé à l’origine dans la tour de la Fauconnerie du Louvre avait été transporté au donjon de Vincennes avant la mort du roi. Il en sortit à une date indéterminée pour entrer dans la collection de Jean de Berry.

Français 9749 : Valère Maxime, Factorum et dictorum memorabilium libri novem, traduction française

Ce fut à la demande du roi Charles V que, en 1375, Simon de Hesdin († 1383), religieux de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, rédigea la traduction française du texte composé par Valère Maxime pour l’empereur Tibère au premier siècle après J.C. Ce manuscrit (Français 9749) est l’exemplaire de dédicace. Copié par Henri de Trevou, copiste attitré du roi, le volume est illustré par le Maître du couronnement de Charles VI et le Maître du Policratique de Charles V. La peinture de la page frontispice est une scène de présentation du livre : dans le registre supérieur Valère Maxime et Simon de Hesdin rédigent, le premier son ouvrage, le second sa traduction ; dans le registre inférieur le traducteur à genoux offre son livre au roi. Dans la bordure inférieure, deux lions, emblèmes de Charles V, soutiennent un écu aujourd’hui gratté. Le manuscrit est décrit dans les deux inventaires royaux de 1380. Emprunté le 6 mars 1380 par Louis d’Anjou, il n’est plus cité dans les inventaires postérieurs de la Librairie du Louvre.

NAF 3576 : Wauchier de Denain (?), Histoire ancienne jusqu’à César ; Faits des Romains 

Le manuscrit est divisé en deux parties clairement indiquées par les incipits et explicits de la table préliminaire et la foliotation d’origine, séparée pour chacun d’elles. Le premier texte est l’Histoire ancienne jusqu’à César, compilation française des premières années du XIIIe siècle par un clerc anonyme, peut-être Wauchier de Denain ; le texte s’achève à l’année 57 avant J.-C. et à la campagne de César contre les Belges. La deuxième partie est constituée des Faits des Romains, vaste compilation anonyme, composée à la même époque, d’après les sources antiques de l’histoire de César (César, Suétone, Lucain). La date d’exécution (1360-1370) du manuscrit, sa copie par Henri de Trevou, « écrivain du roi », la réalisation de la peinture de la Création du feuillet 20 par le Maître de la Bible de Jean de Sy qui œuvra sur d’autres manuscrits royaux attestent que le volume a fait partie de la Librairie de Charles V. Il entra par la suite dans la collection du connétable de Saint-Pol (1418-1475), avant de passer entre les mains de Philippe de Clèves (1456-1528), dont les armes et la devise « A jamais » figurent dans les bordures du premier feuillet.

Arsenal, ms. 5080 : Vincent de Beauvais, Speculum historiale, traduction française par Jean de Vignay

Chronique universelle en trente-deux livres depuis la Création jusqu’au milieu du XIIIe siècle, le Speculum Historiale est la troisième partie du Speculum majus rédigé par le dominicain Vincent de Beauvais à la demande du roi Louis IX et achevé vers 1257-1258. La scène de présentation du feuillet 1 dépeint Vincent de Beauvais rédigeant son Speculum devant saint Louis et, vis-à-vis, Jean de Vignay composant sa traduction à la demande de la reine Jeanne de Bourgogne entre 1320 et 1330. Le manuscrit de l’Arsenal est le second volume d’une série en quatre tomes, dont le premier est conservé à Leyde (Bibliothèque Universitaire, ms. VGG F 3A) ; le tome III est perdu ; du tome IV nous est parvenu un bi-feuillet conservé aujourd’hui aux Archives d’Indre-et-Loire (2 I. 2).

Commandé pour le duc de Normandie, le futur Jean II le Bon, peut-être à l’occasion de son mariage avec Bonne de Luxembourg (1332), ce luxueux manuscrit a été doté de 450 enluminures par le Maître de la Bible de Jean de Papeleu (Bibl. Arsenal, ms. 5059) et le Maître du missel de Cambrai (Cambrai, BM, ms. 151). Entré par héritage dans les collections du Louvre, il est cité dans les inventaires de la Librairie royale entre 1380 et 1413. Il fut offert, à la demande du dauphin Louis de Guyenne, à Louis VII de Bavière, peut-être pour son mariage avec Catherine d’Alençon cette même année.

Grandes Chroniques de France : Français 2608 ; Français 10135.
Faits des Romains : Français 295.
Fleurs des chroniques : NAF 1409.
Privilèges des papes : Latin 9814.

Espagnol 30 : Abraham Cresques, Atlas de cartes marines dit Atlas catalan

Cet atlas de cartes marines richement illustré, précédé d’un calendrier et d’une description cosmographique, a été attribué à Abraham Cresques, juif de Majorque, « boussolier et maître de mappemonde », qui travailla pour le roi Pierre IV le Cérémonieux et son fils Jean Ier d’Aragon. Formé de six doubles feuillets de parchemin collés sur cinq planches de bois, l’atlas comporte douze peintures à pleine page couvrant l’espace des îles de l’Atlantique à la Chine, et de la Scandinavie au Rio de l’or en Afrique. Reflétant un savoir encyclopédique sur le monde, l’iconographie de la carte est conforme à l’esprit des récits de voyages du XIIIe et du XIVsiècles : rapports de marchands, comme Le Devisement du Monde de Marco Polo, ou de missionnaires comme le livre d’Odéric de Pordenone, moine Franciscain qui se rendit à la cour du grand Khan vers 1300. Le recto du deuxième feuillet et le recto du troisième offrent un tableau de l’Asie orientale depuis l’océan jusqu’à l’Inde : y figurent le Jugement Dernier et le prince de Gog et Magog ; gardant les Montagnes Caspiennes se dresse Alexandre le Grand.

NAF 4515 : Jean de Mandeville, Voyages

L’ouvrage est la première partie du manuscrit vraisemblablement séparé en deux volumes au XIXe siècle quand il se trouvait entre les mains du bibliophile Joseph Barrois. Le premier volume est le plus ancien témoin daté de la version continentale du texte des Voyages composé par Jean de Mandeville en 1355-1356 ou 1357 ; le second volume (NAF 4516) offre la traduction française du traité De morbo epidemiae de Jean de Bourgogne, parfois identifié à Jean de Mandeville. Copié en 1371 par un des écrivains du roi, Raoulet d’Orléans, le manuscrit fut offert au roi Charles V par son médecin Gervais Crestien. Dans la partie supérieure de la peinture frontispice divisée en quatre compartiments quadrilobés, le Maître de Jean de Mandeville, ainsi désigné d’après l’illustration de ce manuscrit, a mis en scène l’auteur rédigeant son ouvrage, puis l’offrant au roi. Au feuillet 102 du second volume figurait l’ex-libris royal, aujourd’hui effacé. Conservé en 1380 dans la Librairie du Louvre, le manuscrit fut emprunté par le roi Charles VI au mois de novembre 1392 et figure dans l’inventaire des déficits établi en 1411. On ignore dans quelles circonstances il passa par la suite dans la librairie de Jean d’Angoulême : il est cité dans l’inventaire de 1467.