Débats économiques et sociaux - Contestation du droit de propriété

La Révolution française a fait du droit de propriété un droit naturel de l’homme et du citoyen. Dès lors, cette question a été au centre de la critique de même que l’affirmation de la société capitaliste. Cette sélection de textes disponibles dans Gallica en est le reflet.

Chargé de cours en droit administratif à l'École des ponts et chaussées à partir de 1865, Léon Aucoc est aussi membre du Conseil d'État de 1852 à 1879 et membre de l'Académie des sciences morales et politiques. Outre ses travaux sur le droit administratif, il est l’auteur d’un article sur « La question des propriétés primitives » paru dans la Revue critique de législation et de jurisprudence en 1885 ; il y analyse et critique l’article d’Émile Belot (1829-1886) intitulé « Nantucket : étude sur les diverses sortes de propriétés primitives » (Annuaire de la Faculté des lettres de Lyon, 1884).

Homme politique et journaliste, Jacques-Pierre Brissot de Warville est le chef de file des Girondins pendant la Révolution française. Critique de la société d’Ancien Régime, il est très influencé par Jean-Jacques Rousseau. Il exprime ses idées dans Le Patriote françois, le journal qu’il a fondé et qu’il dirige et rédige de nombreux textes, dont Recherches philosophiques sur le droit de propriété considéré dans la nature (1780), où il dénonce l’abus du droit de propriété mais ne prône pas l’égalité dans ce domaine.

Né en 1802, Eugène Cauchy est le fils de Louis François Cauchy, archiviste et rédacteur des procès-verbaux des séances du Sénat sous l’Empire ainsi que le frère du célèbre mathématicien Augustin Louis Cauchy et d'Alexandre Laurent Cauchy, magistrat. Jurisconsulte, Eugène Cauchy succède à son père en tant que secrétaire-archiviste de la Chambre des pairs, charge qu'il quitte en 1848. Il publie plusieurs ouvrages dont Du respect de la propriété privée dans la guerre maritime et Le droit maritime international considéré dans ses origines et dans ses rapports avec les progrès de la civilisation, couronné par l'Académie des sciences morales et politiques en 1862.

Avocat de formation, Charles Comte est également journaliste et économiste. Libéral convaincu, il défend ses opinions dans le journal Le Censeur qu’il fonde en 1814 avec Charles Dunoyer. Il défend l’industrialisme, théorie libérale de la lutte des classes qui met en opposition les producteurs de richesses et les non-producteurs oisifs. Il soutient les théories de Jean-Baptiste Say dont il devient le gendre. Son influence sur Frédéric Bastiat est importante. On lui doit notamment un Traité de la propriété (1834).

Oratorien, l'abbé Antoine de Cournand est nommé professeur de littérature française au Collège royal en 1784. Révolutionnaire, il est membre du Club des Jacobins de 1789 à 1794 et plaide auprès de l'Assemblée pour l'abolition de l'esclavage et la redistribution des terres aux pauvres. Ses positions et ses propositions en faveur d’un droit inaliénable à la propriété pour chaque individu et d’un partage plus égalitaire des terres sont réunies dans son essai De la propriété, ou la cause du pauvre plaidée au tribunal de la raison, de la justice et de la vérité. Poète, il publie des poèmes didactiques et des épîtres en vers et traduit en français des œuvres de poètes antiques grecs et latins.

Après des études classiques, Alfred Fouillée devient enseignant et prépare seul l'agrégation de philosophie à laquelle il est reçu premier en 1864. Il est couronné par l'Académie des sciences morales et politiques pour ses travaux sur Platon et Socrate, dans lesquels il ébauche sa théorie des idées-forces qu'il développe tout au long de sa vie. Il est nommé maître de conférences à l'École normale supérieure en 1872 puis, souffrant, se consacre à ses œuvres. En 1884 paraît La propriété sociale et la démocratie, ouvrage dans lequel il propose une troisième voie entre le socialisme qui cherche à étendre la propriété collective en absorbant la propriété individuelle, et le libéralisme qui cherche à étendre la propriété individuelle en absorbant la propriété collective.

Ingénieur français, adepte des idées de Saint-Simon (il est d’ailleurs membre du Collège de la religion saint-simonienne). Henri Fournel soutient l’idée de lutter contre l’individualisme et l’égoïsme en encourageant l'industrie, l'agriculture, le commerce et l’augmentation de la production ainsi que l’initiation de grands travaux afin d'élever le niveau de vie des Français. Dans le droit fil de l’école saint-simonienne, il pense que la société doit être hiérarchisée selon les mérites de chacun et dénonce la propriété et l’héritage comme des formes d’exploitation de l’homme par l’homme, pour les remplacer par le collectivisme en refusant le libre-échange. Ses textes parus dans Le Globe sont rassemblés en 1831 dans la brochure Articles sur l'hérédité de la propriété.

Louis Garriguet est l’un des représentants de la sociologie catholique qui se développe en France au tournant du XXe siècle. Prêtre, enseignant dans plusieurs institutions religieuses en France, il publie différentes études (La propriété privée, Capital et capitalismePrêt, intérêt et usure, Le contrat de travail, etc.) et un Manuel de sociologie et d"économie sociale (1924) qui les reprend. Son analyse repose sur la doctrine sociale de l’Église et définit les principes d’une économie sociale chrétienne.

Journaliste, essayiste, économiste, homme politique français et gendre de Karl Marx, Paul Lafargue reçoit une formation de médecin. Il s’engage très tôt dans le mouvement socialiste. Membre de la Première internationale, il fonde en 1880 le Parti ouvrier français avec Jules Guesde. Grand théoricien du marxisme, il rédige de nombreux textes, dont La religion du capital (1887) et Le déterminisme économique de Karl Marx (1884). Son œuvre majeure est le Droit à la paresse (1880) qui, démystifiant le travail et son statut de valeur, s’attache à démontrer l’aliénation produite par le système capitaliste.

Né en 1831, Charles Letourneau est reçu docteur en médecine en 1858. S'intéressant à l’ethnographie et à la sociologie, il oriente ses travaux vers les doctrines évolutionnistes. Il entre en 1865 à la Société d'anthropologie de Paris dont il devient secrétaire général en 1887. À partir de 1886, il occupe la chaire d'histoire des civilisations à l'École d'anthropologie. Son cours L’évolution de la propriété entend montrer l’évolution de la propriété commune vers la propriété individuelle chez divers peuples et comment le droit « égoïste et sans frein » de la propriété individuelle a causé la perte de sociétés civilisées.

Par tradition familiale, Eugène Ortolan devient juriste mais mène en parallèle une carrière musicale après des études au Conservatoire de Paris. En 1849, après son doctorat, il est employé au ministère des Affaires étrangères. Son livre Des moyens d’acquérir le domaine international ou propriété d’état entre les nations, d’après le droit des gens public, comparés aux moyens d’acquérir la propriété entre particuliers, d’après le droit privé ; et suivis de l’examen des principes de l’équilibre politique, publié en 1851, a longtemps fait référence dans le domaine du droit international.

Inconnu par ailleurs, Georges Piart est l’auteur de Locataires et propriétaires : étude sociale sur les abus de la propriété à l'égard de la location (1882). Dans la continuité de Proudhon, l’auteur dénonce les inégalités nées de la propriété et en appelle à la mise en place d’une réglementation équitable entre locataires et propriétaires.

Ouvrier, autodidacte, Pierre-Joseph Proudhon est un théoricien du socialisme libertaire. De son parcours personnel et politique et de ses réflexions sur les grandes questions économiques de son époque (Qu’est-ce que la propriété ? en 1840, Système des contradictions économiques, ou philosophie de la misère en 1846, Le droit au travail et le droit de propriété en 1848) sont issues des idées et solutions résolument modernes : l’autonomie de gestion, le mutuellisme, la participation… Son influence, directe sur Marx et sur les révolutionnaires russes, est cependant plus large.

Fils et frère de négociants, il est directeur de la Manufacture des Rames créée par Colbert à Abbeville, président du tribunal de commerce d'Abbeville et membre du Conseil général des manufactures et du commerce. Ce protectionniste convaincu, membre de la Société internationale des études pratiques d'économie sociale, fait également une carrière politique comme membre du Conseil général puis député de la Somme. À l’Assemblée, il est notamment l’auteur d’un rapport sur les pétitions demandant la suppression des courtiers de commerce. Emprisonné après le coup d'État de 1851, il se rallie au nouveau régime. Rapporteur en 1857 du projet de loi sur les tarifs des douanes, il s'éleva contre toute atteinte au régime protecteur. Revenu à la vie privée en 1863, il se trouva mêlé à des entreprises financières qui le firent condamner en correctionnelle.

Né à Lyon, Jean Reynaud entre à l’École polytechnique puis à l’École des mines dont il sort ingénieur des mines. Séduit par les idées saint-simoniennes, il fonde avec Pierre Leroux l’Encyclopédie nouvelle (1834-1847). Il est élu député à l’Assemblée constituante de 1848 et devient ensuite professeur de droit et d’économie industrielle à l’École des mines. Ses interventions dans le débat sur le droit de propriété sont inspirées par le saint-simonisme : Prédication sur la constitution de la propriété: religion saint-simonienne (1831) ; De la Société saint-simonienne, et des causes qui ont amené sa dissolution (1832).

Reçu avocat à Aix-en-Provence, Adolphe Thiers s'installe à Paris où il se fait journaliste. Il écrit pour Le Constitutionnel et fonde en 1830 le journal d’opposition Le National. Partisan de la monarchie constitutionnelle, il contribue à la mise en place de la monarchie de Juillet sous laquelle il se voit confier divers ministères. Il se rallie à la République en 1848 et, à la chute du Second Empire, est élu chef du pouvoir exécutif et réprime la Commune de Paris en 1871. Il devient le premier président de la Troisième République. Il a écrit plusieurs ouvrages d’histoire ainsi que De la propriété, un livre où il démontre la légitimité de la propriété pour combattre les idées socialistes.