Ecrits et témoignages sur la colonisation pénale
Ce n’est pas de Nouvelle-Calédonie dont il est question, mais de la Guyane. Bien plus tard, en 1969, Henri Charrière, le célèbre Papillon, publie le récit de sa rocambolesque évasion du bagne… guyanais là encore. Existe-t-il donc pour la « Nouvelle » comme pour Cayenne des témoignages écrits de la vie au bagne ?
Albert Londres, « Notre enquête au bagne », Le Petit Parisien, 8 août 1923
Le bagne de Nouvelle-Calédonie, une prison dorée ?
« Au bagne », L'Assiette au beurre, 5 octobre 1907
« Rivière dans les montagnes de Kanala », 1870-1871
Si l’on peut convenir que la vie au bagne est certainement plus rude en Guyane qu’en Nouvelle-Calédonie, les chiffres de la mortalité et des tentatives d’évasion permettent d’en relativiser le caractère idyllique… Un témoin, le docteur Grosperrin décrit avec émotion les punitions corporelles infligées aux bagnards de l’île Nou, ainsi que le régime spécial plus sévère infligé aux « nouveaux ». Le docteur Delacour relève tout de même 48 décès entre octobre 1867 et juin 1868 sur une population de 3550 transportés et reconnaît, certes, que la mortalité au bagne de Guyane représente plus du double de celle du bagne de Nouvelle-Calédonie. Quant aux évasions, 381 « évasions définitives » sont comptabilisés de 1864 à 1885, soit une moyenne de 18 évasions par an, et près de 1000 tentatives d’évasion ont lieu certaines années : il y en eut 949 en 1884 !... Ce qui prouve que les détenus ne devaient pas apprécier les conditions de vie qu’offrait cette « villégiature ».
Ces statistiques concernent la population des « transportés », c’est à dire des condamnés aux travaux forcés et ne s’appliquent pas aux colons pénaux « déportés », condamnés politiques dont le sort est moins rigoureux. Ces derniers jouissent, en effet, sur le territoire limité de la presqu’île de Ducos ou de l’île des Pins, « de toute la liberté compatible avec la nécessité d’assurer la garde de leur personne et le maintien de l’ordre », selon les termes de la loi du 23 mars 1872 désignant de nouveaux lieux de déportation.
Des traces écrites nombreuses et variées
Ils proviennent de colons, parmi lesquels un certain Ben-Mill, qui dénonce la position des organes de presse parisiens à l’occasion de l’insurrection kanak, à l’exception du Siècle, dont il partage la position, favorable à une répression sévère au nom des intérêts français. Léon Moncelon, colon, élu de Nouvelle-Calédonie, est tout aussi sévère à l’égard des naturels et se montre défavorable à la colonisation pénale, qui nuit, selon lui à la colonisation libre.
Paul Mimande est le pseudonyme de Paul Marie-Armand de Beuvrand de La Loyère, directeur de l'Administration pénitentiaire en Nouvelle-Calédonie de juin 1887 à décembre 1891. La Revue des deux mondes a publié deux articles qu’il a consacrés au bagne, en mai et en juillet 1893. Son Criminopolis, défend l’administration et est favorable à une pérennisation des convois vers l’archipel. Des militaires, Luc Dangy, Charles de Pélacot, ont aussi couché par écrit leurs souvenirs des antipodes.
Les témoignages des bagnards eux-mêmes foisonnent. Outre ceux laissés par Louise Michel et Henri Rochefort dont il sera question dans des billets ultérieurs, les écrits de Jean Allemane, figure de la Commune et, plus tard, du mouvement socialiste, et d’Alfred Julia, dit Julius Praetor, sont remarquables. Jean Allemane dénonce la brutalité des surveillants, les privations et vexations infligées. à son retour en métropole, il dépose plainte contre l’administration pénitentiaire, avec certains de ses codétenus. Ce qui entraîne la mise en place d’une commission d’enquête.
Sélection bibliographique, sitothèque
- Krakovitch, Odile, Les femmes bagnardes, [Paris], Perrin, 1998.
- Île d’exil, terre d’asile : les déportations politiques et les et les expulsions en temps de guerre en Nouvelle-Calédonie, Nouméa, Musée de la Ville de Nouméa, 2004. URL : https://www.noumea.nc/sites/default/files/ile_dexil_terre_dasile_catalogue-web.pdf
- Tonnerre-Seychelles, Stéphanie, « Nouvelle-Calédonie : Le temps de la colonisation pénale (1864-1931) », blog Gallica, 2018. URL : https://gallica.bnf.fr/blog/25072018/le-temps-de-la-colonisation-penale-1864-1931
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