Ernest Capendu (1826-1868)
Un beau matin de 1785, Herbois et Renneville se rendent à Versailles, au milieu de jeunes gens de diverses origines dont certains se nomment Ney, Tallien, Murat, Saint-Just, Fouché, Bonaparte, Talma, Danton, etc. Ainsi débute le premier volet d’un cycle de quatre romans (L’Hôtel de Niorres, Le Roi des gabiers, Le Tambour de la 32e demi-brigade et Bibi-Tapin, publiés en 1861 et 1862.
Le Capitaine La Chesnaye, par Ernest Capendu...
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5834609s
Son auteur, Ernest Capendu, est né en 1826 dans une famille aisée de la capitale. Il fuit Paris en 1849 lors d’une épidémie de cholera, gagne Marseille, Oran et visite l’Algérie, le Maroc et la Syrie. On retrouve les traces de son voyage dans plusieurs ouvrages (La Popote ou Les Colonnes d’Hercule). Auteur de pièces de théâtre, notamment en collaboration avec Xavier de Montépin, il a surtout écrit en à peine une décennie une soixantaine de romans. Son premier succès est un roman de mœurs, Le Pré Catelan, mais Capendu va se diversifier, abordant surtout le roman historique (Le Capitaine La Chesnaye), le roman fantastique et ésotérique (Le Chevalier du poulailler), le roman maritime (Marcof le malouin), le roman de mœurs, le roman militaire (La Vivandière de la 17e légère), etc. Le romancier ajoute à des aventures échevelées quelques touches d’érotisme, parfois de sadisme, introduit un brin d’occultisme et saupoudre le tout d’exotisme. Une partie de ces récits sont liés entre eux par nombre de correspondances, et s’organisent souvent sous forme de cycles. Le plus célèbre est sans conteste celui qui s’amorce avec L’Hôtel de Niorres.
Dans un article de la revue Europe (juin 1974), Roger Ripoll fait une brillante analyse de la « méthode Capendu ». Si ce dernier émaille sa narration de personnages historiques il n’est cependant pas dans le même registre qu’Alexandre Dumas qui voulait raconter l’Histoire de France par le roman. Ici prime la trame fictionnelle, l’Histoire n’étant qu’un arrière plan qui ancre le récit dans le réel. Plusieurs intrigues se chevauchent, de nombreux personnages se croisent sans toujours se connaître, de nouvelles interrogations surgissent alors que d’anciens mystères ne sont pas encore résolus. Cette discontinuité virtuose du récit donne un rythme effréné au roman et l’information parcellaire délivrée au lecteur l’apparente aux structures du roman policier alors en train de naître. Capendu a créé également un personnage, Camparini, qui écrase tous les autres, deus ex machina du roman, diable incarné comme on en avait pas vu depuis longtemps. Ce roman, célèbre en son temps (cinq rééditions avant 1900) n’est malheureusement plus disponible depuis 1932 et mériterait d’être redécouvert. Le lecteur d’aujourd’hui se plongerait probablement avec délices dans les machinations de ce génie du mal qui peut s’écrier sans honte ni remord : « J’aime le sang, […] j’aime le meurtre, j’aime le pillage, le désordre, l’anarchie ! Ce qu’il me faut pour vivre et respirer à l’aise, c’est une atmosphère chargée de toutes ces effluves magnétiques que dégagent les plus mauvaises passions humaines. »
Roger Musnik - Direction des Collections, département Littérature et Art
Publié initialement le 3 mars 2011.
Ajouter un commentaire