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Balade auprès des phares de France (2/2)

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20 septembre 2024

La France possède de nombreux phares. Partons à la découverte de l’histoire de certains d’entre eux, qui ont abandonné leur fonction première, ont été transformés, ont disparu puis ont été remplacés par les nouveaux. 

[Phare de la Coubre] Revue illustrée du Tout-Sud-Ouest : annales mensuelles, mondaines, artistiques, sportives ["puis" annales familiales mensuelles : organe de décentralisation], 01-06-1907

Le phare de la Coubre : la mer à l’assaut des dunes

A la pointe de la Coubre, en Charente-Maritime, deux dunes littorales se coupent et forment un angle droit dirigé vers le Sud-Ouest. C’est sur le plateau formé à cette intersection que, de 1892 à 1895, est construit un phare électrique, le plus puissant de France, après celui d’Eckmühl, en Bretagne.

Ministère de l'Agriculture. Administration des eaux et forêts. Exposition universelle internationale de 1900, à Paris. Fixation des dunes. Les paysages des dunes et les travaux de défense contre l'Océan (Charente-Inférieure et Vendée), par M. A. Lafond,..., 1900

Cette tour tronconique, d’une hauteur de 57 mètres, est édifiée sur la commune de la Tremblade pour protéger l’entrée de l’estuaire de la Gironde, afin que les navires puissent contourner les bancs très dangereux de la Coubre et de la Mauvaise et se détourner sur le phare de Cordouan. Mais la très forte érosion des dunes par la mer à cet endroit, met en danger le phare. Construit à l’origine à 1 500 mètres du rivage, il se trouve en 1900 à 188 mètres et les bâtiments adjacents à seulement 135 mètres du bord de la dune ouest qui forme un versant presque à pic sur la mer.

Carte de l’embouchure de la Gironde
Les Travaux publics de la France : Routes et ponts, chemins de fer, rivières et canaux, ports de mer, phares et balises[...] Tome cinquième, Phares et balises / E. Allard, 1876-1883

Malgré tous leurs aménagements, les services des eaux et forêts, en charge de l’entretien et du renforcement des dunes françaises, se montrent impuissants face à la fureur des flots. En 1907, le phare de la pointe de la Coubre s’écroule. Mais face à l’inéluctabilité de sa fin, il avait été remplacé par le nouveau phare, décidé dès 1904, mis en service en 1905 et installé avec prudence à 1 800 mètres du rivage à l’époque.

Bec d'élinde pour la Coubre
Annales des ponts et chaussées. 1ère partie, Mémoires et documents relatifs à l'art des constructions et au service de l'ingénieur, 01/07/1932

Cependant, bien que dragués régulièrement en plus d’un siècle, les fonds marins et les bancs de sable de l’estuaire ont continué d’évoluer. En 2018, le phare se trouvait à 150 mètres du rivage à marée haute.

Le phare-clocher de l’église Notre-Dame-des-Anges de Collioure

Tour de l'église, Collioure, juin 1883

Au XVIIème siècle, Collioure, actuellement dans le département des Pyrénées-Orientales, est tour à tour sous domination espagnole ou française. En 1642, la ville est reconquise par la France.

Plan du siege de la ville, et chasteau de Collioure au Comte de Roussillon, assiegee par l'Armee du Roy tres chrestien Louis XIII, 16.

Sur la carte ci-dessus, le fanal, sur la falaise de droite, à l’entrée du port, est installé sur une tour et constitue le premier des deux phares de Collioure. Sébastien le Prestre, marquis de Vauban, grand architecte et ingénieur militaire de son époque, décide alors de changer les fortifications de la ville, ce qui entrainera la destruction de l’église Sainte-Marie située sur les hauteurs. Les habitants obtiennent de pouvoir reconstruire une nouvelle église, Notre Dame-des-Anges. Dès 1679, Vauban ne veut plus du port de Collioure pour la flotte française, lui préférant celui de Port-Vendres plus profond. La ville profite de cet abandon et décide de transformer le phare en clocher et d’y accoler son église, ensemble toujours visible actuellement.

« Recueil de plans » de villes et de places fortes françaises et étrangères. Tome I. (le phare-clocher est représenté par un petit cercle à côté de l’église)

[Collioure] : [dessin] / d. L. [de Lespinasse], 178.

Le phare de Faraman : naufrages au large de la Camargue

Carte topographique du cours du Rhône depuis Tarascon jusqu'à la mer..., 1828

Ce phare est édifié en novembre 1830, à une dizaine de kilomètres au sud de Salin de Giraud, sur la rive gauche de l’embouchure du vieux-Rhône, en Camargue. Ce n’est alors qu’une charpente en bois soutenue par des équerres métalliques. Cette structure est remplacée 10 ans plus tard par une tour maçonnée, plus solide, avec un foyer lumineux à 38 mètres au-dessus des flots. Ce phare posséde à l’époque un feu fixe qui n’apparait que par intervalles par temps de brouillard et est régulièrement confondu avec le feu à éclipses (toutes les 30 secondes) du phare de Planier au large de Marseille. De ce fait de nombreux naufrages ont lieu sur cette côte de Camargue au XIXème siècle.

Carte illustrée de la Camargue. 5 kms, 1935 

Un petit feu rouge lui est adjoint en 1868, ce qui n’empêche pas les confusions avec également le phare du Grand Rouveau (construit entre 1861-1863), au large du cap Nègre, au sud de Bandol, ou avec le phare de la pointe de l’Espiguette (construit en 1869 ; à l’est de la carte ci-dessus), au sud du Grau du Roi. De plus, l’érosion de la mer Méditerranée gagne d’année en année sur la digue du phare de Faraman : situé à 675 mètres du rivage en 1835, il n’est plus qu’à 420 mètres en 1841, 250 mètres en 1860 et 190 mètres en 1864. C’est pourquoi, en 1892, un nouveau phare est construit à 1 200 mètres en arrière du premier détruit par la mer et dont il ne reste que quelques ruines encore visibles de nos jours.

[Nouveau phare ]
Le Chêne : revue trimestrielle / publiée par Le Chêne, société forestière, 01/01/1935

Ce changement de position n’empêche pas d’autres naufrages dans la première moitié du XXème siècle. Mentionnons quelques-uns d'entre eux : en janvier 1901, malgré la différence entre le nouveau feu de Faraman et de Planier, " La Russie" fait un naufrage retentissant avec ses 101 passagers en détresse, sauvés par les pêcheurs de Carro après plusieurs jours d’attente ; en septembre 1906, le vapeur autrichien Emilia, chargé de phosphates, s’échoue après confusion avec le phare de cap Couronne mais est renfloué ; enfin en février 1913, le Sertico, un navire italien, s’échoue et est perdu.

[échouage du Sertico]
Journal politique quotidien, 15/02/1913

En 1924, le nouveau phare est doté d’une  lanterne cinq fois plus puissante, afin d’améliorer sa visibilité et sa reconnaissance, diminuant nettement les naufrages mais ne les interrompant pas complètement, comme en témoigne le paquebot anglais City-of-Paris, échoué le 18 octobre 1933 et remis à flot le lendemain. Avec le développement du radar à partir de 1934-1935 pour détecter les côtes, les progrès faits depuis pour mieux identifier les phares et les dangers qu’ils signalent, et ceux faits pour mieux communiquer avec les bateaux à l’approche, les côtes de Camargue sont fortement sécurisées, au même titre que le reste des côtes françaises.

N’hésitez pas à rendre visite aux phares de notre littoral pour des balades hautes en couleurs et en histoire, à venir admirer ces vigies protectrices qui sauvent bien des vies, et éclairent les nuits marines.

Pour aller plus loin

Série de billets de blog Gallica « Promenades aux phares »

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