Louise-Julie Constance de Rohan-Rochefort-Montauban, comtesse de Brionne (1734-1815) est restée célèbre pour être la seule femme à avoir obtenu la charge de Grand Écuyer de France sous le règne de Louis XV. Revenons sur cette personnalité à l’occasion de l’exposition Cheval en majesté, actuellement visible au château de Versailles.
Le titre de Grand Écuyer de France
Depuis le règne de François Ier, l’Écurie du roi est une institution bicéphale : d’un côté, la Grande Écurie, placée sous l’autorité du Grand Écuyer de France appelé « Monsieur le Grand », a la charge des chevaux de main - c’est-à-dire menés par un cavalier monté sur un autre cheval - dressés pour la chasse et la guerre ; en face, la Petite Écurie, dirigée par le Premier Écuyer appelé « Monsieur le Premier », gère les animaux utilisés au quotidien, pour les attelages et les voitures. Pendant les guerres, Monsieur le Grand a la prééminence sur Monsieur le Premier. Construites par Mansart entre 1679 et 1682, les écuries royales versaillaises sont calquées sur ce modèle. Ces deux titres étaient très convoités car pourvoyeurs de revenus très conséquents. Deux familles d'aristocrates en avaient obtenu l'exclusivité et la survivance du titre à la génération suivante : les Lorraine et les Béringhem.
Les fonctions multiples du Grand Écuyer consistaient en :
Source : la Galerie agréable du monde... / publié par Pieter Boudewyn Van Der Aa, graveur et éditeur d'estampes, 1729.
Faveurs accordées par le roi
En 1760, le comte de Brionne tombe malade et s’éteint. Mais avant de disparaître, il écrit à Louis XV pour demander à ce que sa charge de Grand Écuyer de France - principale source de revenus de la famille de Lorraine depuis plus de cent ans - soit transmise à son fils Charles-Eugène, prince de Lambesc. Bien que celui-ci ne soit âgé que de dix ans, cette faveur lui est finalement accordée. Comme un enfant de cet âge ne peut manifestement pas remplir les nombreuses fonctions attachées à cette charge et que sa mère, la comtesse de Brionne, craint qu’un intrus ne s’immisce dans la place, elle sollicite une fois encore le roi en demandant à assurer elle-même l’intérim jusqu’à la majorité de son fils.
En 1761, une première ordonnance royale accorde à la jeune veuve de 27 ans le contrôle sur les dépenses de la Grande Écurie. Mais cela ne la satisfait pas et elle revendique l'intégralité des fonctions de cette charge fort lucrative. Amusé par l’audace de la jeune femme et le piquant de la situation, le roi cède et lui donne autorité sur tout le personnel. Cependant, le service quotidien auprès du roi consistant à l'accompagner lors de ses chevauchées ne pouvant être assuré ni par un enfant ni par une femme est suspendu jusqu’à la majorité du prince de Lambesc.
Page : [maquette de costume] / Louis-René Boquet, dessinateur, 17..
La parité n'existait pas encore !
La réputation flatteuse faite à Madame de Brionne d'avoir mené de main de maître pendant dix ans la Grande Écurie et d'avoir, par ses connaissances techniques, suscité l'admiration de Louis XV et du roi de Suède Gustave III, très féru en matière de chevaux, apparaît malheureusement usurpée. En effet, la Chambre des comptes s’opposa à cette nomination qui lui apparaissait irréaliste. Madame de Brionne très attachée aux intérêts de la famille de Lorraine transigea en proposant que le service ordinaire, la gestion de l’écurie et l’achat des chevaux, soient assurés par Monsieur de Briges, homme dévoué et sérieux. Elle conserva cependant la main sur les nominations et organisa différentes cérémonies pendant son intérim. Et surtout, le plus important à ses yeux, elle gérait les finances de la Grande Écurie. Âpre au gain, elle batailla à diverses reprises pour défendre les intérêts de son fils.
La comtesse de Brionne : buste sculpté par Jean-Baptiste Lemoyne
Bien que bénéficiant d'un somptueux logement de fonction au sein de la Grande Écurie, on vit très peu la comtesse de Brionne dans les stalles. Douée d'un sens politique très affûté, elle préféra se limiter à ses domaines réservés.
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