Rire aux dépens des critiques et des visiteurs du Salon
Evénement central de la vie artistique, culturelle et sociale au cours du XIXe siècle, lieu mondain et populaire où l’on veut à la fois voir et être vu, le Salon attire des centaines de milliers de visiteurs. Les salons comiques et caricaturaux s’amusent de ce « théâtre » parisien. Allons donc rire au Salon…
Des critiques en embuscade
Public particulier du Salon, particulièrement attentif, les critiques sont des visiteurs assidus, avisés courtisés et craints. Le Salon, évènement considérable, a entraîné, dès ses premiers temps, la naissance de la critique d’art pratiquée par des journalistes, grands écrivains… qui se font ainsi « salonniers ».
Les salons caricaturaux, représentent les critiques, journalistes, chroniqueurs, écrivains arpentant le Salon l’air important, sentencieux ou indifférent, très sollicités, assiégés par les artistes… Leur jugement jugé arbitraire est souvent dénoncé.
Des modèles plus ou moins gracieux, vaniteux et chatouilleux
Un autre public spécifique est particulièrement attentif aux œuvres et à leur disposition : les « exposés », c’est à dire les modèles ayant posé pour la réalisation d’une œuvre ou y figurant. Les salons caricaturaux qui les croquent souvent face à l’œuvre les représentant, mettent l’accent sur leur vanité et rapportent leurs diverses réactions, contentement, contestations auprès de l’artiste…
Un public compact, toujours plus nombreux et des visiteurs bien typés
Chaque salon est l’objet d’un véritable engouement. Des milliers de visiteurs les plus divers, près d'un million en 1846, s’y pressent. Cet intérêt est lié au développement d'une bourgeoisie urbaine éduquée et aux progrès de l’alphabétisation des classes populaires.
Ce public donne l’occasion d’établir des typologies de personnages, des physionomies, dans la lignée des physiologies (selon la catégorie sociale, le métier, le caractère, l’apparence physique…). Ci-dessous, un échantillon de spectateurs exprime des réactions diverses devant la toile de Thomas Couture, Romains de la décadence :
Le Salon dépeint par Bertall. Journal amusant, 1867, 15 juin
Le Salon de 1874 / Stop. Journal amusant, 1874, 16 mai
A l’écoute des visiteurs
Attentifs à la réception des œuvres, reconnaissant la légitimité du jugement des visiteurs, les caricaturistes représentent souvent leurs réactions. Les beaux-arts, à la différence des autres arts autorisent le commentaire à voix haute devant l’œuvre. Ces réflexions sont utilisées pour faire rire, les auteurs des salons comiques semblent ainsi simplement les recueillir…
Les caricaturistes choisissent les réactions exprimées par un public « de sortie au Salon », qui n’est pas un public de connaisseurs : goût bourgeois, conservateur et souvent hostile à toute innovation, goût des sujets facilement lisibles et « ressemblants », valorisation de la compétence technique, de la qualité d’exécution traditionnelle et du bon sens, incapacité à apprécier les vrais talents, ton censeur, expéditif, plein de préjugés…
L’incompréhension, la perplexité, la naïveté devant les œuvres sont courantes… tout comme l’ennui :
Les salons caricaturaux présentent aussi souvent les réactions du public confronté à des œuvres jugées « inconvenantes ». Les caricaturistes moquent pères de famille et autres hommes qui ne sont pas insensibles aux charmes des belles visiteuses ou des odalisques, baigneuses et nudités représentées. Un autre public est réellement ou faussement choqué, jaloux… et il convient de veiller à détourner le regard des enfants et des jeunes filles de certaines œuvres…
Ce public, est aussi représenté épuisé après cette visite bien éprouvante…
…impatient de pouvoir se reposer au buffet…
Situé près des salles des sculptures, refuge et réconfort attendu par un public parfois plus connaisseur et gourmet de cuisine que de peinture, le buffet semble un lieu toujours trop petit, pris d’assaut par une foule affamée…
Il est source de nombreuses plaisanteries artistiques et culinaires.
Pour aller plus loin
- Toute la série de billets sur les Salons comiques et caricaturaux (en cours)
- La bibliographie sur les Salons comiques et caricaturaux
- Les mémos chercher & trouver « Salons et expositions artistiques en France » et en particulier les onglets Salons illustrés et Salons comiques
- La base Salons 1673-1914 (Musée d'Orsay-INHA) qui permet d’identifier les œuvres exposées
- Les séries de billets de blog Gallica La critique d’art et Femmes artistes à l’Académie
- Les sélections Gallica Presse satirique, Collection Deloynes
- Honoré Daumier et Gustave Doré dans les Essentiels de la BnF.
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