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La salamandre tachetée

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26 avril 2024

De par ses couleurs jaunes et noires, s’il est un amphibien particulièrement reconnaissable, c’est bien la salamandre. Partons à sa découverte biologique, écologique, populaire et folklorique.

Historia naturalis ranarum nostratium in qua omnes earum proprietates [...], Augustus Johannes Roesel von Rosenhof, 1758

Taxonomie, distribution géographique et habitat

La salamandre est un vertébré tétrapode (quatre pieds ou pattes), de la classe des amphibiens (du grec amphi « en double » et bios « vie »), des animaux ayant un développement aquatique puis terrestre. La salamandre tachetée ou Salamandra salamandra (nous emploierons « salamandre » par commodité de distinction avec d’autres espèces, comme la salamandre du Japon ou la salamandre noire) fait partie de l’ordre des urodèles, des amphibiens gardant une queue à l'état adulte, contrairement aux anoures (comme les grenouilles et les crapauds) et aux gymnophiones. La salamandre est aussi appelée salamandre commune, salamandre terrestre et salamandre de feu. Elle fait partie de la famille des Salamandridae qui comprend notamment le triton, appelé aussi salamandre aquatique ou salamandre à queue plate.

Variations des tâches chez Salamandra salamandra […]
Reptiles et amphibiens / par Fernand Angel, 1946

On rencontre la salamandre en Europe (centre, sud et ouest), en Afrique (nord-ouest) et en Asie (sud-ouest). Elle habite dans les zones humides des plaines (mares, étangs, fossés, sources, bassins et retenues d’eau stagnante ou de faible débit), dans les forêts de feuillus ou de résineux. Elle se cache sous les roches et les souches, sur des sols riches en humus, recouverts de mousses, de feuilles ou de branches, ainsi que près des ruisseaux des collines ou montagnes, jusqu’à plus de 2000 mètres d’altitude. 

Particularités anatomiques et comportementales

La salamandre a un corps noir tacheté de jaune (parfois d’orange) pouvant atteindre 20 centimètres. Elle a une longue et large queue et des doigts aux pattes. Sa peau luisante est d’aspect huileux. Ses déplacements sont lents mais elle n’a aucun prédateur car elle peut sécréter un mucus contenant une substance empoisonnée, le samandarin (ou salamandrine), qui les repousse. Seul l’adulte produit la toxine et en est immunisé. Cette sécrétion cutanée, produite par les glandes parotoïdes situées derrière les yeux et par une rangée de glandes dorsales, protège la peau humide contre les champignons et les bactéries. La salamandre peut aussi régénérer les parties de son corps, perdues ou blessées.

Manuel zoologique à consulter pendant les cours et les travaux pratiques... traduit sur la 4e édition.... Vertébrés / par Emil Selenka, 1898

La salamandre est un animal nocturne muni de grands yeux noirs. Durant l'hiver, sans connaître une léthargie profonde, elle mène une vie ralentie en fonction de la température. La respiration, comme chez la plupart des amphibiens, s’effectue grâce à des petits poumons, remplaçant ses branchies qui tombent lors de la métamorphose larve-adulte. Selon le principe de la pompe refoulante, commun chez les poissons à poumon (comme le dipneuste), elle peut coordonner l’inspiration et l’expiration (qu’elle réalise en soulevant et abaissant le fond de sa bouche) avec la fermeture et l’ouverture des narines effectuées grâce à sa langue. En dehors des narines, elle possède un deuxième organe olfactif : l’organe voméro-nasal (organe de Jacobson), longue bosse située sur la face externe des conduits nasaux qui lui servirait à s’orienter ou à rechercher un partenaire sexuel (détection des phéromones), organe que l’on retrouve chez les mammifères et les serpents.

Salamandre terrestre
La Nature : revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie : journal hebdomadaire illustré / rédacteur en chef Gaston Tissandier, 29/03/1879

Modes de reproduction et de nutrition

Les accouplements se font à la belle saison. Le mâle dépose au fond de l’eau un spermatophore (masse gélatineuse entourée d’une couche de sperme) que la femelle ramasse avec son cloaque et qu’elle garde en elle jusqu’à la ponte des œufs. La salamandre est généralement ovovivipare : elle garde ses œufs dans son utérus. Après un processus de fécondation bien particulier, ils éclosent intérieurement, pour donner naissance aux larves. Déposées dans l’eau, elles nagent immédiatement et sont pourvues de branchies externes. La vitesse de leur développement dépend de la température de l’eau et de la nourriture disponible. La métamorphose au stade terrestre adulte a lieu entre 3 à 4 mois après l’éclosion des œufs. Notons que quelques populations de salamandre (tout comme ses cousines noires) sont vivipares et donnent naissance à des individus entièrement formés ressemblant aux adultes. 

Science progrès découverte : publié avec la participation du Palais de la découverte, 29-06-1889

Extrêmement voraces, les larves de la salamandre dévorent quantité de tubifex (vers rouges), de larves d’insectes (éphémères, chironomes, moustiques), d’invertébrés aquatiques ou bien encore de larves d’autres amphibiens. Elles sont souvent cannibales et, contrairement aux adultes, ont de nombreux prédateurs : poissons (truite, saumon, chabot), insectes adultes (carabes, dytiques, punaises aquatiques), larves de libellules, rongeurs (musaraigne aquatique). L’adulte, tout aussi vorace, est friand d’insectes (coléoptères), de vers (lombrics jusqu’à 20 cm de long), de mollusques (limaces), d’araignées et autres myriapodes, voire d’autres amphibiens (tritons ou grenouilles). Elle peut cependant supporter de longs mois d’abstinence.

Folklore, représentations culturelles et populaires

Ordonnances, loix, statutz et edictz royaulx de tous les roys de France, depuis le règne de sainct Loys jusques au roy Henry, second […], 1547

Selon les croyances populaires des Anciens, la salamandre possède la faculté de traverser le feu sans se brûler, de vivre du feu ou de l’éteindre avec son corps fait de glace. Pline et Aristote mentionnent déjà cette capacité mais ce dernier la nuance. Pline précise que Sextus la niait, tout en accablant la salamandre de bien des maux et en affirmant qu’elle vient du limon de la Terre corrompu. Les théologiens du Moyen Âge divisent les fées en plusieurs groupes d’esprits immortels dont ceux du feu appelés salamandres.

Médaille, 1504

A la Renaissance, le roi François Ier en fait son emblème. Sa devise « Nutrisco et extinguo » (je nourris et j'éteins) est dérivée de celle écrite sur une médaille émise alors qu’il était âgé de 10 ans : « Notrisco al buono stingo el reo » (je me nourris du bon [feu] et éteins le mauvais). La salamandre est représentée crachant des gouttes d'eau pour éteindre le mauvais feu ou avalant les flammes pour se nourrir du bon deu. A Chambord, un plafond à caisson en comporte 330. La salamandre se retrouve par exemple dans les armoiries de la ville du Havre ou de Vitry le François et au château de Blois.

« Responce des oracles d'Apollo revelée par la saincte sibille Cumée […] », 1501-1600

A contrario de ses pouvoirs destructeurs, la salamandre aurait le pouvoir de guérison ou de conférer l’immortalité. Selon Paul Sébillot, dans son ouvrage Le folk-Lore de la France. La faune et la flore, pour se rendre immortel, un magicien doit se transformer chaque nuit en un reptile différent : crapaud, serpent et enfin salamandre. On trouve mention d’une « Salamandre chimique » en lien avec la pierre philosophale, une « nature » conférant le pouvoir de transformer les métaux en or ou de guérir les maladies et difformités humaines. 

[Illustrations de Icones animalium quadrupedum viviparorum et oviparorum..., vol. I] / Non identifié ; Conrad Gesner, aut. du texte, 1560

Dès l’Antiquité, la salamandre a la réputation d’un animal calamiteux et mauvais, au point que la peine de mort est requise à Rome contre ceux qui font manger sa chair à d’autres citoyens. En 1960, M. André Maury mentionne que la salamandre fait partie de « ces espèces que la crainte ou l’ignorance populaire ont accusées des pires méfaits et que les humains, pour cela même, ont martyrisées ».

Les animaux nuisibles et ceux qui sont faussement réputés tels / par Alphonse Karr, 1856

Pour lutter contre les fables et la répulsion, nombreux sont ceux qui se sont évertués à défendre la salamandre, démontrer son caractère inoffensif et rétablir la vérité, notamment auprès du monde agricole qui en avait horreur, comme ce préfet en 1844, à propos de son venin.

Magasin d'exposition et de vente 77bis rue Richelieu. La Salamandre, cheminée roulante... : [affiche] / [Jules Chéret], 1889

Le mot salamandre a été utilisé pour nommer des appareils en lien avec le feu ou la chaleur. Ainsi on trouve trace d’une « cheminée roulante à feu visible & continu » ou encore d’un fer à repasser. L’amiante, matériau contre le feu, est nommée laine de salamandre. On retrouve la salamandre associée à bien des domaines, du roman ou livre éducatif sur l’histoire de Fontainebleau (autre demeure du roi François Ier) jusqu’au théâtre, conte, danse et musique.

La salamandre n’est plus un animal mal-aimé. Par temps de pluie et de nuit, avec un peu de patience, vous pourrez-peut être apercevoir ce bel animal tout de noir et jaune vêtu

Pour aller plus loin

BnF Essentiels. « La salamandre de François  Ier », par Mino Gabriele (traduit de l'italien par Jean-Maurice Teurlay)

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