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Les mal-logés…

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Loin de l'image véhiculée par les caricaturistes au XIXe, la réalité sociale est autre. Les concierges vivent dans des conditions modestes, voire miséreuses, sans véritable salaire. Des revendications vont naître, soutenues par des journaux syndicaux, mais il faudra attendre 1939 pour qu'ils obtiennent un statut.

« Concierge ramassant des boîtes à ordures », Agence Rol, 1931

« Les chevaliers du cordon » ripostent !

Henry Le Maçon, concierge à la Villette, pousse la rime en chanson sur l’air de la femme à barbe pour défendre les concierges contre tous les caricaturistes, romanciers et chansonniers qui les tournent en dérision.

Henry Le Maçon, La Défense des concierges, 1866

Les méchants, les sots et les fous,
Au théâtre comme à la ville,
A tout instant sont contre nous,
D’une manière peu civile,
Provinciaux et parisiens,
Nous regardent comme des chiens ;
Aboyant, mordant tout le monde.
Amis, combattons cette fronde !

Le Larbin est une tribune permanente ouverte aux revendications des domestiques qui leur apporte leur soutien :

« Tribune pour la défense des concierges », Le Larbin, 1er janvier 1898

En 1909, les docteurs Henry Thierry et Lucien Graux publient L'Habitation urbaine : chambres de domestiques, cuisines et loges de concierges. Ce rapport est adopté par la Société d'art populaire et d'hygiène. Il décrit l’extrême insalubrité des loges de concierges dans lesquelles la tuberculose fait des ravages. La « Chronique immobilière » du journal Gil-Blas se fait l’écho de cette enquête dans son édition du 11 août 1910.

Léon Doinet, « Les loges de concierge », Gil-Blas, 11 août 1910

Le journal Le Matin du 22 juillet 1906, s’il vilipende les concierges, décrits comme des gens peu sociables et intéressés, prend la défense des « petits pipelets » qui grandissent confinés dans des taudis sordides.

« Les petits concierges », Le Matin, 22 juillet 1906

En 1937, le reportage de la journaliste Henriette Nizan restaure l’image du concierge caricaturé par le vaudeville et la satire. En dressant un portait réaliste du concierge, elle montre que le personnage du Pipelet n’est pas représentatif. Le concierge type n’existe pas. Elle constate que 80 000 concierges à Paris vivent toujours dans des conditions modestes, dans des loges pour la plupart insalubres, voire des taudis. Leurs conditions de vie sont précaires, le salaire n’est pas fixe. Il comprend trois éléments principaux. D’abord, le salaire variable, puis les étrennes données par les propriétaires et les locataires et enfin les deniers à Dieu.

Reportage sur les conditions de vie des concierges à Paris
Une journaliste vous ouvre leurs portes

Henriette Nizan, « Concierges de Paris », Regards, édition du 2 décembre 1937

Henriette Nizan, « Concierges de Paris, suite et fin », Regards, édition du 9 décembre 1937

Les concierges réclament un véritable statut et un salaire fixe

L’union fait la force. Plusieurs journaux syndicaux prennent leur défense : le Journal des concierges, créé en 1901 par le Syndicat des concierges ; le Bulletin des loges, journal du Syndicat de Paris créé à la même époque ; l’Écho des concierges et le Bulletin des loges réunis, créé en 1928 par le Syndicat national des concierges, qui paraît jusqu’en 2017. Enfin, il y a Le Concierge, organe du Syndicat des concierges de Seine-Seine et Oise, adhérent à la CGT, fondé en 1935.

Concierges Mme Meyer et Mme Mercier, Agence Rol, 1929,

Le Figaro du 10 juin 1936 rappelle les principales revendications des concierges :

L’établissement collectif de contrat de travail, la reconnaissance du droit syndical, la qualité d’employé logé, l’extension à trois mois de délai de congé, la suppression des étrennes et des deniers à dieu, l’hygiène des loges, le cordon automatique de nuit ou la suppression du cordon et le droit d’absence pour les concierges en état de grossesse.

Les concierges s’agitent et revendiquent, la presse titre

Un bref rappel chronologique à travers la presse permet d’éclairer leurs revendications :

 

 

La loi du 13 janvier 1939 donne un nouveau statut aux concierges et la loi du 4 juillet 1957 les libère enfin du cordon. Cette dernière oblige en effet les propriétaires d’immeubles à usage d’habitation situés dans les communes de plus de 500 000 habitants à installer un système d’ouverture automatique de la porte commune (ou à remettre à chaque locataire une clef de ladite porte). Le portier électronique, système de commande électronique de porte, l’interphone et le digicode remplacent désormais le cordon. Mis en concurrence avec des sociétés privées d’entretien, le métier de concierge aurait pu disparaître, mais les bailleurs sont de nouveau de plus en plus nombreux à leur confier le gardiennage de leurs immeubles.

 

Pour aller plus loin

Didier Chappet, Les concierges font parler !, Blog Gallica, 24/11/2023
Didier Chappet, Parlez au concierge !, Blog Gallica, 17/11/2023
Sophie Robert, "L’Anti-concierge" de Jules Jouy et Sapeck, 1881-1883, Blog Gallica, 13/09/2023

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