Le chansonnier Nivelle de la Chaussée
Ce manuscrit musical du XVe siècle au nom curieux, originaire de la vallée de la Loire, est une source remarquable à la fois par sa provenance et par son contenu. Nous vous présentons en détails cette pièce actuellement exposée par le musée de la BnF.
![](https://gallica.bnf.fr/blog/sites/default/files/image_en_une_18.png)
Le département de la Musique de la BnF ne conserve que peu de documents antérieurs à 1500, ceux-ci étant historiquement l’apanage du département des Manuscrits ou, pour les imprimés, de l’actuelle Réserve des livres rares. Les quelques manuscrits médiévaux et incunables du département de la Musique proviennent donc soit de l’ancienne bibliothèque du Conservatoire, soit de collections privées. Ainsi le manuscrit du XVe siècle dit « Chansonnier Nivelle de La Chaussée » (département de la Musique, Rés. Vmc ms. 57), actuellement exposé au Musée, est-il entré en 1979 grâce à la dation de la collection Geneviève Thibault, comtesse de Chambure, qui l’avait elle-même acquis en vente le 7 mars 1939.
Le terme « chansonnier » désigne ici un recueil de chansons polyphoniques. Les spécialistes s’accordent pour penser que le manuscrit a vu le jour dans la vallée de la Loire, sans doute à Blois, Tours ou Bourges, à la fin des années 1460 ou au début de la décennie suivante. Quant au nom de Nivelle de La Chaussée, inscrit au XVIIIe siècle au fol. 1v, au-dessus de la première pièce, il pourrait être celui du possesseur de l’époque. L’écriture ne correspond toutefois pas à celle du dramaturge Pierre Nivelle de La Chaussée (1692-1754).
Le chansonnier contient soixante-six chansons, la plupart à trois voix, effectif le plus fréquent au XVe siècle, quelques-unes à quatre, ce qui sera la norme au siècle suivant, toutes sur des textes français. Dix-huit d’entre elles ne se trouvent pas ailleurs. Vingt-trois chansons, soit un tiers du contenu, restent d’auteur inconnu. Les autres se répartissent entre une quinzaine de compositeurs nommés dans le manuscrit ou identifiés par comparaison avec d’autres sources. Les mieux représentés sont Antoine Busnois avec dix à treize pièces (quelques-unes sont attribuées ailleurs à d’autres compositeurs), puis Jean Delahaye, connu seulement par ce manuscrit, avec sept pièces, Jean Ockeghem avec quatre à sept chansons, Guillaume Dufay et Jean Fédé avec trois ou quatre œuvres chacun. En revanche, les deux compositions que le manuscrit attribue à Gilles Binchois lui sont contestées dans d’autres sources par Walter Frye et Dufay.
Ces chansons mettent en musique des textes d’auteurs généralement inconnus. À côté de quelques attributions possibles à des poètes assez obscurs, notre chansonnier contient la seule mise en musique connue d’un texte de François Villon, le rondeau Mort j’appelle de ta rigueur de Delahaye (fol. 67 v°-68 r°).
La plus grande partie du contenu a été notée par un même copiste. Pour une raison inconnue, certaines des chansons qu’il a copiées ont été ensuite totalement ou partiellement effacées. Son travail a été complété par un enlumineur qui a peint les majuscules initiales en camaïeu d’or. Ces lettrines ont été rapprochées de manuscrits enluminés dans la région de Tours, comme les Heures de Louis de Laval, œuvre de Jean Colombe et de son atelier (département des Manuscrits, Latin 920), les Heures de Thomas Berbisey (ibidem, Latin 1374), ou encore des Heures à l’usage de Tours (ibidem, Latin 1202) et surtout des Heures de Charles de France (Bibliothèque Mazarine, Ms. 473), dûes à l’atelier de Jean Fouquet.
En revanche, les initiales de la première et des sept dernières chansons, copiées par trois autres scripteurs, n’ont pas été peintes.
Dans les pièces à trois parties, le verso (page de gauche) contient la voix supérieure ou superius et s’il y a lieu le texte des strophes suivantes, tandis que sur le recto suivant (page de droite) sont notées les deux voix inférieures, respectivement appelées tenor et contra, abréviation de contratenor. Ces deux parties sont pluôt destinées aux instruments, car contrairement au superius, elles ne comportent que les premiers mots (incipit) du texte chanté.
Pour en savoir plus sur ce manuscrit :
- Paula Higgins, introduction à Chansonnier Nivelle de La Chaussée (édition en fac-similé), Genève : Minkoff, 1984 (https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb43348903p)
- Jane Alden, Songs, scribes, and society : the history and reception of the Loire Valley chansonniers, New York : Oxford University Press, 2010 (https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb423304318)
- F-Pn Rés. Vmc ms. 57 (Nivelle de la Chaussée Chansonnier), in Digital Image Archive of Medieval Music (https://www.diamm.ac.uk/sources/2374/#/) : la création d’un compte (gratuit) est nécessaire pour consulter la totalité des données
Commentaires
Manuscrits lusicaux
Un grand merci pour cette publication éblouissante. Je passerai regarder de plus près.
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