Cholem Aleichem
Sous ce nom de plume, transcription de la formule de salutation rituelle hébraïque signifiant « que la paix soit avec vous », Cholem Aleichem fut en son temps le plus célèbre des écrivains ukrainiens de langue yiddish. Nous vous invitons à découvrir son parcours.
Cholem Naoumovitch Rabinovitch est né en 1856 à Pereïaslav, ville de l’oblast de Kiev, alors dans l’Empire Russe, et mort en 1916 à New York. Sous le pseudonyme de Cholem Aleichem, cet écrivain ukrainien, après avoir débuté en hébreu et en russe, est l’un des plus grands promoteurs du yiddish comme langue littéraire, dès la décennie 1880, tant par sa production personnelle que par le soutien qu’il apportera aux autres écrivains de langue yiddish ; soutien intellectuel et moral, mais aussi matériel, jusqu’à la perte de sa fortune personnelle.
Après avoir vécu à Odessa et Kiev, Cholem Aleichem émigre vers les États-Unis, pour fuir la vague sanglante des pogroms de 1905. D’abord installé à New-York, il rejoint Genève, puis retourne à New-York où il meurt en 1916. Alors même que les dernières années de sa vie sont marquées par la maladie, l’exil et la précarité, il bénéficie d’une audience extraordinaire. Ainsi, dans la nécrologie que lui consacre L’Humanité, Cholem Aleichem est-il décrit comme le plus illustre représentant du « rire juif », ce « rire à travers les larmes », et un auteur certes admiré, mais peut-être avant tout aimé, car « tout le monde l’a lu, tout le monde l’a compris ». La très grande popularité de Cholem Aleichem, aux États-Unis notamment, est évoquée dans l’Univers israélite du 2 mai 1930 à travers une anecdote amusante : un « gentil » américain, « italien pur-sang », fasciné par le yiddish, fait ériger une statue du grand auteur dans l’école yiddichiste où il a scolarisé ses enfants…
Qui voudrait découvrir ou redécouvrir l’univers de Cholem Aleichem pourra lire une belle adaptation, parue en 1935 dans Le Journal Juif, de la nouvelle « La Ville des petites gens ». Tout l’univers du grand écrivain s’y trouve en raccourci. Empreint d’une irrésistible fausse naïveté, ce texte célèbre le shtetl imaginaire de Kasrilevké, que l’on retrouve souvent dans l’œuvre d’Aleichem. Si cette ville « célèbre » est belle « comme de l’or » (mais surtout « de loin », ajoute-t-il malicieusement), elle se définit avant tout par ses habitants, ces petites gens qui « sont des êtres gais. Pauvres, mais joyeux ». Non seulement pauvres mais durement frappés par les pogroms, les épidémies et autres « malheurs d’aujourd’hui », à telle enseigne que l’évocation de la ville se clôt par le cimetière, « la seule chose dont ils soient vraiment les propriétaires ». Mais la joie que prête Aleichem à la communauté juive de Kasrilevké résonne à chaque ligne du texte. Car, si un journaliste de La Tribune juive, en 1931, fait de l’auteur-même une figure du Juif errant, qui « souffre dans la vie, et (…) promène sa douleur à travers le monde », une joie vitale traverse l’œuvre comme la vie des « petites gens »:
Quelle est donc la raison de leur joie ? Voilà qui serait difficile à dire. Vive la vie ! Vivre
Pour clore cette brève évocation, on peut se tourner vers quelques recensions dans la presse des pièces de théâtre d’Aleichem (souvent adaptées de ses romans) données à Paris dans les années 20-30, spectacles où se retrouvent en nombre les exilés. Dans Comœdia, le 11 juin 1924 , le critique Matei Roussou , décrivant la représentation de Tévié le laitier par le Théâtre d’art Yiddish, dit à peu près que Cholem Aleichem est au yiddish ce que Frédéric Mistral est au provençal. Cholem Aleichem, figure d’une langue, est aussi le chantre d’une communauté, ces juifs russes « dont la mélancolie s’embrase d’éternels rêves et que chaque jour accable de nouvelles déceptions afin de leur permettre d’inventer des espoirs nouveaux ».On trouvera également dans Le cri des peuples, le Radical ou le Journal un écho de la représentation par le Théâtre Académique Juif de Moscou, à la Porte Saint-Martin, de la pièce Les 200.000, où un pauvre homme attendra, pour redevenir heureux, d’avoir perdu la somme qu’il a gagnée à la loterie et ne lui aura valu que des ennuis… Autant d’évocations enthousiastes de ces soirées qui ne sont « qu’un éclat de rire », comme le dit un journaliste. Seul Le Gaulois parle, de façon un peu condescendante, d’un « théâtre de foire ». Aleichem est également adapté et joué par des troupes d’amateurs, comme ce groupe théâtral juif qui, sous le nom de P.I.A.T. (pour Parizer iddisher arbeter teater), donne deux pièces à la fin des années 30, dont Regards et Ce soir, le journal d’Aragon, donnent un écho enthousiaste, qui est aussi particulièrement poignant ,au moment où le doute sur la « barbarie hitlérienne » n’est plus permis.
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