La Bibliothèque et les Globes du roi soleil
1 avril 2022
Au cœur du deuxième arrondissement, entre la rue Richelieu et la rue Vivienne, un ancien palais princier abrite depuis trois siècles les collections de la Bibliothèque nationale de France. Parmi les plus spectaculaires figurent deux globes, cadeau d'un prélat au roi Louis XIV.
En 1683, le cardinal d’Estrées, ambassadeur du roi auprès du Saint-Siège, offre à Louis XIV un cadeau digne du roi Soleil : une paire de globes, l’un céleste, l’autre terrestre, réalisés par Vincenzo Coronelli, d’environ 4 mètres de diamètre chacun, et pesant près de 2 tonnes.
Ces deux chefs-d’œuvre artistiques, qui font état des connaissances géographiques et astronomiques de l’époque, étaient initialement destinés à rejoindre le château de Versailles. Cependant leurs dimensions rendent l’installation complexe, et ils restent provisoirement à Paris dans l’hôtel de Lionne, avant de rejoindre le château de Marly en 1703.
Finalement, en 1717, un projet d’installation à la Bibliothèque royale est lancé : Robert de Cotte conçoit un salon pour les exposer à l’arrière de l’aile de la cour d’honneur qui porte son nom. Cette partie du bâtiment nécessitait en effet un gros travail de reprise. Le banquier John Law avait confié le soin à l’architecte Mollet d’édifier cette aile parallèle à l’Hôtel de Nevers pour l’installation de la banque royale, mais, suite à la banqueroute de l’écossais, les travaux n’avaient pu être achevés correctement.
De Cotte reprend l’intégralité de l’édifice puis ajoute derrière l’avant-corps du bâtiment neuf un « salon » destiné à recevoir les deux grandes sphères. Le bâtiment est construit en 1731, mais les globes n’y seront exposés qu’en 1782. A cette époque, les globes sont visibles soit depuis le rez-de-chaussée, soit depuis l’étage, en passant par la salle de lecture ouverte au « grand public ».
Leur accès n’est cependant pas toujours aisé : au début du XIXe siècle notamment, le sculpteur Jean-Antoine Houdon possède son atelier à l’emplacement de l’actuel salon d’Honneur. Pour permettre un meilleur accès aux Globes de Coronelli qui se trouvaient derrière, on chercha à déloger l’artiste pour l’installer dans la future salle dite du « Zodiaque » – qui accueillit le Zodiaque de Dendérah entre 1821 et 1922 –, avant de le pousser à libérer définitivement les lieux en 1800.
La disparition du salon des globes au profit de la construction de la salle Ovale en 1901 occasionne leur départ. Jean-Louis Pascal, architecte de la Bibliothèque, propose un projet de couverture de la cour d’honneur afin d’y loger les globes, et d’autres grandes pièces imposantes relevant du cabinet des Monnaies, Médailles et Antiques. Mais le projet n’ayant pas la faveur de la Bibliothèque ne voit pas le jour.
Un autre projet de l’architecte suggère de les installer dans le nouveau hall à l’entrée de la salle Ovale, mais il n’est pas retenu non plus. Stockés pendant des décennies à Versailles, il faut attendre 1980 pour que le public puisse redécouvrir ces deux œuvres, fraîchement restaurées, lors de l'exposition de cartographie Cartes et Figures de la Terre au Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, puis à la Cité des sciences et de l'industrie à La Villette.
Après de nombreuses hésitations et projets avortés, les globes de Coronelli sont finalement transférés le 4 octobre 2005, dans le hall ouest de la BnF du site François-Mitterrand. Cependant, en raison de leurs dimensions et de leur poids, les mobiliers de présentation – socle de marbre et colonnettes – ne sont pas remontés.
Aujourd’hui encore, les visiteurs du site François-Mitterrand peuvent s’émerveiller devant ces pièces d’exceptions – les plus grandes conservées par la BnF –, partageant la même émotion que les visiteurs du site Richelieu au XIXe siècle.
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Pour aller plus loin :
Richelieu. Quatre siècles d'histoire architecturale au cœur de Paris, dir. Aurélien Conraux, Anne-Sophie Haquin et Christine Mengin, BnF Éditions/INHA, 2017.
Richelieu. Quatre siècles d'histoire architecturale au cœur de Paris, dir. Aurélien Conraux, Anne-Sophie Haquin et Christine Mengin, BnF Éditions/INHA, 2017.
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