De précieux monotypes de Giovanni Benedetto Castiglione exposés à Zürich visibles dans Gallica
A l’occasion de l’exposition Le Feu baroque (Baroque Brilliance) qui ouvre au Kunsthaus de Zürich ce mois-ci, consacrée au peintre, dessinateur et graveur génois Giovanni Benedetto Castiglione, le département des Estampes et de la photographie de la BnF a numérisé les quatre monotypes qu’il possède de l’artiste, inventeur de la technique dans les années 1640.
Giovanni Benedetto Castiglione (1609-vers 1665), artiste ombrageux et fantasque, surnommé « il Grechetto » (« le petit grec », signifiant à l’époque une façon extravagante de s’habiller) partage sa carrière entre Gênes, Rome et Mantoue, où il est sensible tour à tour à l’influence des vénitiens, de Van Dyck, Poussin et Rembrandt. Spécialisé dans les peintures et dessins d’animaux, de paysages ou de scènes plus antiquisantes, il reste renommé pour ses œuvres au style énergique, aux couleurs chaudes et à l’exécution très libre. Ses dessins enlevés esquissés au pinceau et à l’huile ou ses essais d’eaux-fortes sont pour lui autant de terrains d’expérimentation.
Cet artiste novateur se montre ainsi pionnier en matière de technique de l’estampe en inventant le procédé du monotype, dans lequel l’artiste ne grave pas la matrice pour fixer des traits reproductibles mais dépose de l’encre au pinceau sur une plaque de cuivre nue qui est ensuite imprimée sous une presse et l’encre est transférée sur le papier, n’autorisant qu’un seul et unique tirage, un « mono-type » (et éventuellement un deuxième tirage beaucoup plus pâle).
Castiglione en produit un peu moins d’une trentaine, soit par adition, en dessinant à l’encre et au pinceau les motifs sur la plaque de cuivre, soit par soustraction, en couvrant toute la plaque d’encre noire et en faisant ensuite apparaître les motifs en clair, en enlevant de l’encre avec un bâtonnet : c’est cette dernière technique qui est utilisée dans les quatre monotypes du département des Estampes et de la photographie. Il y approfondit ses recherches sur les contrastes d’ombre et de lumière.
Particulièrement frappante est cette Nativité avec Dieu le père et deux anges, où Castiglione a dessiné à travers le fonds noir avec une grande énergie, alternant des traits épais et des lignes plus fines. Le fonds n’est pas uniformément sombre, l’artiste semble avoir tapoté avec un linge sur le fonds encré pour créer des demi-teintes, de même que les traits blancs de certaines zones largement blanches ont dû être obtenus en effaçant légèrement la zone avec une mousseline. Cette pièce a appartenu au grand connaisseur Pierre-Jean Mariette (1694-1774) qui, dans ses Notes manuscrites (BNF), indique qu’il l’a trouvée par hasard dans la collection de François Boucher. Il connaissait l’existence d’un deuxième tirage, beaucoup plus pâle, qui atténue volontairement les contrastes, en la possession du grand collectionneur Antonio Maria Zanetti (1680-1757), aujourd’hui dans les collections de la Reine d’Angleterre à Windsor (RL 3946B). Ces deux épreuves se trouvent en ce moment réunies à Zürich.
Deux autres monotypes de Castiglione proviennent sans doute aussi de la collection Mariette, issus d’un recueil acheté par la Bibliothèque Royale à la vente de sa collection en 1775 : La découverte des corps de saint Pierre et saint Paul, retraçant, dans un ténébrisme mystérieux inspiré de Rembrandt, un épisode de la persécution des chrétiens sous l’empereur Valérien au IIIe siècle, quand les corps des saints apôtres avaient dû être cachés dans des ruines de la Via Appia à Rome.
Le second représente le Passage d’un troupeau au gué, thème de prédilection de l’artiste qui, dans ses eaux-fortes ou dessins, a souvent traité du déplacement en procession animée d’animaux accompagnés de groupes d’hommes et de femmes.
Troupeau au gué, monotype à l'encre noire, 1650
Le dernier monotype du département, une Crucifixion, fut en la possession de l’artiste écrivain, collectionneur, diplomate et administrateur des musées, Dominique-Vivant Denon (1747-1825), et entra au département à la vente de ses collections en 1827. Le corps du Christ est défini par une rangée de traits blancs vigoureux qui l’environnent et le font ressortir de la pénombre qui s’est abattue sur le Golgotha au moment de la mort du Sauveur.
Voir aussi
Les Sélections de Gallica consacrées à l'estampe, en particulier à l'estampe ancienne.
D'autres gravures de Giovanni Benedetto Castiglione dans Gallica, issues notamment des collections de la Bibliothèque municipale de Lyon.
Pour aller plus loin
Voir quelques estampes et dessins de Castiglione exposés à Zürich jusqu’au 6 mars 2022
Castiglione : lost genius ; exhibition, London, The Queen's Gallery, Buckingham Palace1 November 2013 to 16 March 2014, The Queen's Gallery, Buckingham Palace. Timothy J. Standring and Martin Clayton. London : Royal collection trust, 2013.
Baroque Brilliance - Drawings and Prints by Giovanni Benedetto Castiglione. Catalogue de l'exposition. Ed.: Zürcher Kunstgesellschaft / Kunsthaus Zürich, 2021
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