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Les albums pour enfants d’Hélène Guertik (1897-1937)

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10 mars 2021

Gallica poursuit les festivités autour des 8 millions de documents numérisés, en partageant, pendant 8 jours, 8 trésors qui racontent l’histoire de femmes singulières. Aujourd’hui, les albums pour la jeunesse de l’artiste russe Hélène Guertik (1897-1937).

Reptiles, éd. Flammarion, collection du Père Castor, 1938

Née en 1897 à Saint-Pétersbourg, dans une famille aristocratique, Hélène Guertik étudie les arts dans les Ateliers supérieurs d’art et de technique (Vkhutemas) de Moscou qui enseignent aussi bien les beaux-arts que les arts appliqués (y compris l’affiche et le livre pour enfants). Comme beaucoup d'autres artistes, elle fuit la Russie après la Révolution de 1917 et – après un passage par Yalta, Constantinople et Nice – arrive à Paris au milieu des années 1920, où elle fréquente les milieux artistiques de l’intelligentsia russe. Elle fait la connaissance de l’éditeur Paul Faucher par l’intermédiaire de Nathalie Parain (1897-1958), illustratrice née à Kiev et formée à Moscou au constructivisme, créatrice des premiers albums du Père Castor en 1931. « La conception de livres pour enfants, mise au point par les créateurs soviétiques dans un objectif social d’éducation du peuple, avait conduit à épurer les formes, à simplifier les lignes et à privilégier les couleurs pures », explique la fille de Nathalie Parain.

De 1932 à 1937, date de sa mort accidentelle, Hélène Guertik publie 10 albums au Père Castor, dont 6 livres de coloriage. En 1932, elle illustre avec Nathalie Parain Album magique. Sur chaque page, deux images floues se chevauchent, imprimées l’une en bleu et l’autre en rouge. En les regardant à travers deux feuilles transparentes mises à la disposition du lecteur (bleue et rouge), chacune d’elles devient nette. Ces feuilles, écrit le Père Castor dans sa préface, sont « de véritables baguettes magiques ». Les sujets choisis sont autant d’effets de surprise, bâtis sur des situations contraires ou des enchainements naturels (ex. : la mer calme/la mer démontée). Rose Celli (1895-1982) commente les images en quelques mots qui aident à voir.

Ce procédé largement répandu en Russie sous l’appellation de « Bolchtchebine kartinki » (images magiques), qui fait voir presque simultanément deux moment successifs, est repris en 1933 par Hélène Guertik dans Album fée, dans lequel Rose Celli et Marguerite Reynier (1881-1950) abrègent des contes. Cette technique jointe à l’élégance des personnages silhouettés par Hélène Guertik fait ressentir au lecteur le merveilleux au cœur de ces récits.

Avec Les Bêtes que j’aime, un album de 1934 qui illustre de courts poèmes de Louv’a, et La Ferme du Père Castor en 1937, d’après un texte de Lida (1899-1955), Hélène Guertik s’inscrit dans la lignée des artistes russes (comme Féodor Rojankovsky) qui ont révolutionné l’approche du monde animal.

Ces albums ne figurent malheureusement pas dans Gallica car si Hélène Guertik meurt jeune, les autres autrices et illustratrices sont encore couvertes par le droit d’auteur.

Ah ! La belle journée !, éd. Flammarion, collection du Père Castor, 1934

Hélène Guertik est célèbre pour ses albums de coloriage, présents dans Gallica grâce aux exemplaires numérisés par la médiathèque Françoise-Sagan / Fonds patrimonial Heure joyeuse. En effet, l’éditeur Paul Faucher fut aussi pionnier de l'Éducation nouvelle : ce courant éducatif prône la participation active de l'individu dans sa formation. Les premiers publications du Père Castor sont donc les livres d‘activités de Nathalie Parain, Je fais mes masques et Je découpe en 1931, suivis d’autres titres laissant une place centrale à la créativité de l’enfant.

En 1934, Hélène Guertik publie l’album à colorier Ah ! La belle journée ! La préface signée du Père castor donne des indications sur l’esprit du livre : « il ne s’agit pas de copier un modèle, mais de finir des images inachevées ». Avec 4 crayons de couleur (rouge, bleu, jaune, marron), l’enfant devient lui-même un artiste, digne d’ajouter son nom sur la page de titre : « avec quatre crayons […], vous pouvez faire des images aussi jolies que celles d’Hélène Guertik ». La préface donne des conseils sur la façon de traiter les images (nuances de couleurs, pointillés, contours) et sur le soin à apporter :

Un dernier conseil : imitez les bons ouvriers et les vrais artistes, ne vous hâtez pas. Un album ne se fait pas en un jour. Plus patiemment vous avancerez, plus vos images seront jolies. Croyez-moi, ce sont les choses bien faites qui donnent le plus de plaisir. »

  

Ah ! La belle journée !, éd. Flammarion, collection du Père Castor, 1934

Une note préliminaire de Paul Faucher à Hélène Guertik précise que « l’attention doit se porter avant tout sur le mouvement et non sur le paysage » : les suites de doubles pages esquissent en effet la course des enfants dans le bois, l’envolée de ballons, la rotation du cheval de manège. Les deux séquences d’une même scène montrent sa maîtrise de l’espace visuel et sa volonté d’utiliser le vide du papier comme une incitation à l’acte de colorier.

Nouvelles images à colorier, éd. Flammarion, collection du Père Castor, 1938

Hélène Guertik publie ensuite une série de 4 albums à colorier, marqués par le mariage de couleurs originales et la force des compositions : Des oiseaux, Des légumes, Des fruits, Des reptiles (1938, posthume).

Sur un tout autre principe, les parties à colorier apparaissent cette fois en réserve blanche sur des aplats de couleurs fortes. Procédé particulièrement inhabituel dans la production de l’époque où l’on privilégie la neutralité du papier. Ce type de coloriage était déjà connu en Russie soviétique où les fonds de couleur visaient non seulement à marquer les contrastes, mais aussi à masquer les débordements naturels du crayon de l’enfant. C’est ainsi que le texte qui accompagne les Reptiles justifie ce parti-pris : « si un coup de pinceau, ou un coup de crayon, déborde en dehors des contours, le dessin ne se trouvera pas déformé ». La liberté créative de l’enfant est encore une fois magnifiée :

Quand vous aurez trouvé la couleur juste, posez-là, d’une touche franche et bien en place, sans vous appliquer à suivre exactement les détails des modèles en couleur. »

  

Images à colorier : des légumes, éd. Flammarion, collection du Père Castor, 1935

C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la participation des partenaires de Gallica à la numérisation. Les exemplaires de l’Heure joyeuse recèlent ainsi des trésors comme ces marques d’appropriation par de petites mains, à la peinture et au crayon.

Pour les enfants d’aujourd’hui, Gallica propose une sélection de livres de coloriage.

Pour aller plus loin

Béatrice Michielsen, Hélène Guertik, dix albums d'exception au Père Castor 1932-1937. Meuzac: les Amis du Père Castor, 2011 (Textes fondateurs).
Michel Defourny, Père Castor & les artistes russes. Meuzac : les Amis du Père Castor, 2017.

Rendez-vous demain pour la suite de nos festivités ! Suivez l’événement sur les réseaux sociaux avec le mot-dièse #Gallica8Millions​

Billet rédigé dans le cadre du Forum Génération Egalité.

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