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Horace Walpole et l’art des jardins au XVIIIe siècle

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25 septembre 2020

Pour prolonger la rencontre Gallica du 22 septembre 2020, découvrez comment, dans la France au XVIIIe siècle et notamment grâce Horace Walpole, l'un des chantres théoriques du jardin anglais, la perception des espaces naturels est modifiée par le regard des esthètes, des écrivains et des peintres.

Laurent Guyot, Jardin anglais de M.r le Comte de M. , vue de la Fontaine et du Temple de l'Amitié, 17.. 
Au XVIIIe siècle, les randonnées pédestres deviennent à la mode en France et outre-Manche. On doit à La Nouvelle Héloïse (1761) de Jean-Jacques Rousseau, ainsi qu’à ses Rêveries d’un promeneur solitaire, à Paul et Virginie (1787) de Bernardin de Saint-Pierre et à Goethe (Les Affinités électives,1809) cette nouvelle relation à la nature. Nouvel objet esthétique, le jardin se révèle comme un lieu de sociabilité, où l’on se montre, où l’on cause, où des fêtes sont données.
 

Jean-Jacques Rousseau, Illustrations de Julie ou la nouvelle Héloïse, d’après Quentin de La Tour, 1774
 

Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, illustrations de Maurice Leloir, Paris : C. Tallandier, 1899
 

François-Antoine Aveline, Vignette pour les Rêveries d'un promeneur solitaire de Rousseau

 
Toute l’Europe se prend de passion pour les jardins. Philosophes, poètes, aristocrates et politiciens partagent leurs réflexions autour d’une nouvelle conception venue d’Angleterre : le « jardin paysager » ou landscape gardening. Cette nouvelle théorie s’inspire de vues picturales comme celles de Claude Lorrain ou de Nicolas Poussin, ainsi que des perspectives théâtrales.
 

Claude Gellée, Paysage d'Italie

 
L’art de la promenade permet désormais d’apprécier le paysage autour de sensations engendrées par un déplacement physique. Le paysage agit comme un art qui dirige la vue à l’aide de nombreux artifices qui jouent avec le regard à partir de cadrages, de découpes, de belvédères soigneusement conçus et de larges panoramas où les paysagistes s’amusent à disséminer fausses ruines, temples ou pagodes. Le jardin du XVIIIe siècle voit apparaître des folies artificielles et des trompe-l’œil dans une succession de « points de vue ». L’illusion, alliée à l’étrangeté et au goût de l’exotisme, règne dans les jardins anglais de Stowe, Chiswick ou Carlton House...
 
Les promeneurs y découvrent des cheminements sinueux ouvrant sur des points de vue pittoresques, là où un peintre poserait volontiers son chevalet. Par ailleurs, c’est l’occasion de planter diverses espèces ornementales de formes et de couleurs variées, des arbustes, des fourrés. L’itinéraire laisse une grande part à la surprise et à la découverte avec des rochers posés ça et là, des statues qui surprennent au détour d’une allée et des bancs pour admirer les perspectives. L’esthétique s’éloigne du jardin à la française avec ses allées rectilignes qui guidaient les pas des promeneurs. Désormais, on se laisse aller à une sorte d’errance poétique.

 

Jardin de la Maison de Carlton dans Pall-Mall, a feu M. la Princesse de Galles ; La Pagode, la Mosquée, l'Alhambra ou Temple Moresque dans les déserts de Kew, Paris, 1777.

 

Horace Walpole : écrivain, esthète et collectionneur

Né en 1717 à Londres, Horace Walpole était le troisième fils du célèbre ministre Robert Walpole. Après des études à Cambridge, il entreprit le Grand Tour avant de débuter une carrière politique. Il se tourna néanmoins vers les arts et la littérature et développa rapidement un goût pour l’art des jardins. Lors de ses séjours en France, Walpole observe et décrit les propriétés dans lesquelles il est reçu par la haute société :
 

Adolphe de Lescure, Rivarol et la société française pendant la Révolution et l'émigration (1753-1801) : études et portraits historiques et littéraires, d'après des documents inédits, Plon et Cie, 1883, p. 281.

 
 
Richard Bentley, Escalier à Strawberry Hill, aquarelle, Urbi, Centre de recherche et de rencontres d'urbanisme, 1986, p. XXXVIII.
 
En 1764, Walpole publie son Essai sur l’art des jardins modernes. S'il faut en croire Walpole, amateur averti, les premiers agents du changement furent les « architectes-jardiniers » Charles Bridgeman et William Kent, qui ôtèrent les clôtures des jardins anciens, brisèrent les murs qui séparaient les propriétés afin d’ouvrir de vastes perspectives. Ce voyageur éclectique avait également publié en 1764 son célèbre roman Le Château d’Otrante. Fervent collectionneur, Walpole s’était fait construire un jardin anglais autour de sa demeure de Strawberry Hill, située à Twickenham  dans les environs de Londres dès 1749. Les travaux se prolongèrent jusqu’en 1776 pour inaugurer un style qualifié de Gothic Revival :
 

George P.-A. Healy, « Souvenirs d’un portraitiste », Bibliothèque universelle et Revue suisse, Lausanne : Delafontaine et Rouge, 1895, p. 559
 

Amphitheatre de Claremount à 6 lieues de Londres, Paris, 1775.

 
 
S’appuyant sur les thèses d’Edmund Burke sur le Beau et le Sublime et de William Gilpin sur le Pittoresque, l'art du jardin élaboré par Horace Walpole offre une nouvelle manière de sublimer le paysage, de le transposer, tout en s’inspirant de la poésie ou de la peinture. Un peu partout en Angleterre et en Europe vont naître des paysages conçus sur ce modèle anglais autour de demeures d’aristocrates, d’artistes ou d’écrivains. En Angleterre, la demeure palladienne du comte de Burlington située à Chiswick, près de Londres, fut l’une des premières à disposer de vastes pelouses verdoyantes et de bosquets d'arbres irrégulièrement placés, de cascades, de statues et de fausses ruines gothiques.
 
 
De même, l’écrivain Pope aménagea son jardin dès 1720 autour de sa demeure de Twickenham, y plaçant un obélisque, une grotte, des bustes ainsi qu’une allée sinuant entre les bosquets. C’est William Kent qui, le premier, commença à « planter des tableaux » à la façon d’agréables panoramas, qui rompent avec l’artificialité du jardin « à la française ».

 

Jean-Baptiste André, Second Cahier de Jardins Anglo-Chinois à la mode, Paris : Chez Le Rouge, 1775.
 
Parallèlement, on voit fleurir de nombreuses publications autour des questions paysagères et esthétiques : Observations on Modern Gardening (1770) de Thomas Whately, The English Garden (1772-1781), un long poème de William Mason et l’essai d’Horace Walpole, qui par ses séjours en France, diffusa l’imaginaire du jardin anglais outre-Manche. Le jardin à l’anglaise est en complète opposition au style de jardin à la française par son agencement et ses formes irrégulières. Il en prend le contre-pied, aussi bien esthétiquement que symboliquement, en se proclamant avant tout paysage et peinture. Par ce refus de la symétrie, il devient un symbole d’émancipation vis-à-vis de la monarchie et de ses représentants, notamment sous la Révolution française, alors que l’influence française prédominait jusque-là. Une esthétique privilégiant la redécouverte de la nature sous son aspect sauvage et poétique fut alors la priorité des concepteurs de l’époque, l’objectif n’étant plus de contrôler la nature mais d’en jouir. Cette conception va submerger l’Europe et perdurera jusqu’au XIXe siècle…
 

 

Digitens


L'objectif du projet DIGITENS est de construire un cadre afin de mieux appréhender les interactions, les tensions, les limites et les paradoxes propres aux modèles européens de sociabilité et d’étudier la question relative à l'émergence et la formation des modèles européens de sociabilité tout au long du XVIIIe siècle. Il s’agit d’un projet européen RISE (Research and Innovation Staff Exchange) piloté par le laboratoire HCTI (Héritages et Constructions dans le Texte et l’Image) de l’Université de Bretagne occidentale basée à Brest qui rassemble 11 partenaires originaires de France, de Pologne, du Royaume-Uni et du Canada.

Les résultats de cette recherche collaborative, internationale et intersectorielle sera la mise en ligne de la première Encyclopédie numérique à accès ouvert de la sociabilité en Grande-Bretagne au siècle des Lumières. Cette encyclopédie numérique comportera une anthologie historique de sources textuelles ou iconographiques et proposera à un large public une cartographie des savoirs. Pour cela, des échanges de chercheurs entre les différentes institutions partenaires (The National Archives, Warwick University, Greiswald University, Kazimierz Wileki University, MacGill University, BnF) sont prévus.
Le projet DIGITENS est financé par le programme cadre de recherche et innovation Horizon 2020 de l’Union européenne (accord de subvention n°823863).

 

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