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Terreurs gothiques chez Ann Radcliffe

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20 avril 2017

Jouant avec les émotions de leurs lecteurs, les femmes de lettres anglaises mettent en scène héroïnes et héros dans des lieux insolites : cachots, précipices, châteaux mystérieux et landes austères. C’est que l’imagination ne leur manque point ! Cette série permet de les redécouvrir, des premiers romans gothiques jusqu’aux folles passions de l’époque victorienne.

L'italien, ou Le confessionnal des pénitents noirs, 1857

Parmi les pionnières de la littérature gothique, Ann Radcliffe s’illustre avec des récits qui tiennent le lecteur en haleine. Impossible d’interrompre la lecture des Mystères d'Udolphe !

C'est en Angleterre que le roman gothique trouve son terrain de prédilection dès le XVIIIe siècle. Initié par Horace Walpole avec Le Château d’Otrante (1764), ce genre littéraire connaît un succès grandissant en Europe. Étroitement lié aux pensées des philosophes des Lumières, le gothique met en scène précipices et gouffres vertigineux, donnant à voir des paysages qui inspirent le sentiment du sublime, tel que le décrit le philosophe irlandais Edmund Burke dans Recherches philosophiques sur l'origine des idées que nous avons du beau et du sublime (1765).

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Ann Radcliffe, Les mystères d'Udolphe. Illustré par J.-A. Beaucé, 1869

Les femmes se distinguent dans ce nouveau genre, et notamment Ann Radcliffe (1764-1823), qui a épousé un éditeur de journal (The English Chronicle) et commence à écrire des fictions comme un simple passe-temps. C’était sans compter sur l’immense succès des Mystères d'Udolphe (1794) qui séduisent un nombre considérable de lecteurs dans toute l’Europe. La terreur psychologique domine le récit, qui repose sur une succession d’événements surnaturels ou imprévus. Les paysages insolites des Pyrénées et de la ville aux canaux labyrinthiques de Venise offrent des décors inhabituels. Le lecteur partage les émotions de l’héroïne, Emilie, une jeune orpheline emprisonnée dans le château d’Udolphe. Comme dans L'italien, ou Le confessionnal des pénitents noirs (1857) ou La Forêt ou l'Abbaye de Saint-Clair, l’auteure met en scène des jeunes femmes innocentes confrontées à de mystérieux héros dans des lieux déroutants, des ruines ou des châteaux sinistres.

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Ann Radcliffe, Les mystères d'Udolphe, 1869, p. 38

Très populaires dans l’aristocratie et la bourgeoisie, notamment auprès des lectrices, ces romans visent à immerger le lecteur dans une atmosphère inquiétante, avec forces détails, le plongeant dans un climat terrifiant. Bandits, vampires, démons, fantômes et femmes persécutées évoluent dans des lieux isolés ou retirés, propices aux apparitions, comme dans le pastiche d'Etienne Lamothe-Langon L'hermite de la tombe mystérieuse, ou Le fantôme du vieux château (1822). Les scènes nocturnes ou dans des espaces clos et sombres, tels des prisons ou des cimetières, sont fréquentes :

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Ann Radcliffe, L'hermite de la tombe mystérieuse, ou Le fantôme du vieux château, 1822, p. 3

Pionnière dans cette écriture gothique, Ann Radcliffe a inspiré de nombreux auteurs, comme Jane Austen, qui en détourne les codes (Northanger Abbey, 1817) ou Mary Shelley avec Frankenstein (1818), roman précurseur de la science-fiction. Certains iront jusqu’à pasticher le style d’Ann Radcliffe, à l’instar de Balzac, qui parodie ses romans dans L'Héritière de Birague, publié en 1822 sous le double pseudonyme de A. de Viellerglé et lord R'Hoone ! Roman gothique ou roman « terrifiant », ce genre continue de séduire de la fin du XIIIe siècle au début du XIXe siècle. Au-delà de l’engouement pour les mises en scène macabres et terrifiantes, les thèmes gothiques continuent de nourrir la littérature anglaise vers un climat fantastique, de Robert Louis Stevenson (Le cas étrange du docteur Jekill et de M. Hyde, 1886) à Oscar Wilde (Le Portrait de Dorian Gray, 1890) et Bram Stocker, qui porte plus loin encore le genre vers le roman d’horreur avec Dracula en 1897.

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Ann Radcliffe, Les mystères d'Udolphe, 1869

 

 

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