Florence Nightingale, la dame à la lampe
Il y a 200 ans, naissait à Florence en Italie, Florence Nightingale, futur sujet britannique. Elle fut surnommée la dame à la lampe par les blessés et malades de la Guerre de Crimée. Pourtant, on ne saurait la réduire à cette image d’une infirmière se dévouant auprès de ses patients.
Une vocation dérangeante
La jeune fille, née en 1820 l'époque victorienne dans la bonne société, reçoit une solide éducation. Elle est élevée selon les précepts plutôt libéraux de l’Eglise Unitarienne (croyance au progrès social, altruisme). Ceci n’est pas sans importance car Florence Nightingale va se démarquer de son milieu social en aspirant à devenir infirmière. Vocation dont on peut faire remonter l’origine à un épisode de grippe durant lequel l’adolescente pratique des soins à son entourage. Shocking ! Le père de Florence Nightingale refuse tout net cette vocation dérangeante : en effet, à une époque où les membres de la bonne société étaient soignés à domicile, les hôpitaux étaient exclusivement réservés aux classes populaires.
Mais la jeune fille ne se résigne pas et décide d’entamer un tour de l’Europe, comme se devaient de le faire tous les jeunes gens bien nés. A ceci près qu’elle profite de ses voyages pour visiter les hôpitaux et les écoles de diaconesses en Allemagne. En 1839, elle entreprend des études de mathématiques : cela se concrétisera par la suite par son appétence pour les statistiques appliquées aux soins médicaux et à la santé publique. En 1844, sa rencontre avec un médecin américain, Samuel Gridley Howe, est décisive : il l’exhorte à ne pas renoncer à ses aspirations.
Ce n’est qu’en 1851, après une grave dépression, que Florence Nightingale finit par obtenir l’assentiment de ses parents pour répondre à ce qu’elle nomme désormais un appel divin. Elle commence à suivre une formation aux soins infirmiers et rédige un premier rapport : The Institution of Kaiserswerth on the Rhine, for the Practical Training of Deaconesses. En 1853, la voici surintendante bénévole d’un établissement londonien, puis bientôt infirmière en chef au King’s College.
L'héroïne des ambulances de Crimée : Florence Nightingale
La guerre de Crimée
Mais c’est durant la guerre de Crimée que les talents d’administratrice de Florence Nightingale se révèlent. Ce conflit qui, de 1853 à 1856, opposa la Russie à une coalition formée de l'Empire ottoman, du Royaume-Uni, de la France et du Royaume de Sardaigne se révéla particulièrement mortifère pour les blessés anglais atteints de choléra, dysenterie, typhus, fièvre typhoïde, du fait de l'incurie des services sanitaires britanniques. On assiste alors à une prise de conscience de l’opinion publique du mauvais traitement infligé aux blessés de guerre couchés sur des paillasses à même le sol dans des conditions hygiéniques déplorables et abandonnés à leur sort. Le ministre de la guerre missionne alors Florence Nightingale : accompagnée de 38 sœurs-hospitalières catholiques ou anglicanes constituant ainsi le premier corps d’infirmières militaires dans un univers exclusivement peuplé d'assistants masculins, elle se rend à Scutari en Turquie pour nettoyer l’hôpital de fond en comble et réorganiser les services sanitaires. La buanderie devient le centre névralgique dans cette vaste opération de désinfection. C’est là que va se forger la légende de la dame à la lampe, ainsi que le raconte également McDonald, un commissaire spécial envoyé par Le Times :
Le soir quand tous les officiers de santé s’étaient retirés et que le silence et l’obscurité régnaient dans les vastes salles de l’hospice, on la voyait encore, une petite lampe à la main, faire sa ronde solitaire.
Le taux de mortalité des soldats hospitalisés baisse presqu’aussitôt : preuve que ce sont bien les mauvaises conditions sanitaires qui avaient provoqué les 9/10e des pertes. La jeune femme s'appuie sur les théories hygiénistes émergentes. Découvrant le nouvel hôpital Lariboisière construit dans les années 1850 à Paris, elle en loue la structure pavillonnaire permettant de regrouper les patients par pathologie et d'isoler ainsi les contagieux. Elle recommande le lavage des mains, la distanciation sociale, la circulation de l'air et calcule le mètre cube nécessaire entre les lits. Les réflexions de la jeune femme sur une meilleure conception sanitaire des hôpitaux militaires se voient saluées par la création du Fonds Nightingale destiné à la formation d’infirmières.
Un rôle incontestable dans la professionnalisation
A son retour en Angleterre, Florence Nightingale est accueillie comme une héroïne. Mais elle tombe malade peu après : les médecins lui diagnostiquent la brucellose, une fièvre sans doute contractée pendant la Guerre de Crimée, conjuguée à un syndrome de fatigue chronique. Bien que contrainte au confinement, cela ne l’empêche pas de rédiger un rapport en vue de la création de la Commission royale pour la santé dans l'Armée ni de théoriser l’expérience qu’elle a acquise en la matière afin de la transposer à la société civile. En 1860 est créée l’École d'infirmières et de sages-femmes de Florence Nightingale au King’s College à Londres : la première école au monde. La même année, elle publie en 1862 Des soins à donner aux malades, manuel d’introduction aux soins infirmiers, réédité en 1869 et devenu un classique. Il prône le care, i.e. la prise en compte du soin dans toutes ses dimensions technique, mais aussi empathique, prenant en considération le patient.
Plus surprenant : la jeune femme a une opinion bien tranchée sur un sujet qui pourrait sembler anecdotique : les goûts musicaux des malades. Elle reçoit par la suite de nombreuses médailles et titres honorifiques. Son oeuvre connaît une renommée internationale : de nombreux pays sollicitent les infirmières en chef issues de son école de nursing afin qu'elles viennent y diffuser l'enseignement reçu.
The war : the farewell at the Postdam railway station (Allemagne, 1870)
Du fait de ses réflexions innovantes sur l'organisation des services de santé, son rôle est assimilable à celui d'un médecin hygiéniste. Après son décès en 1910, son nom est passé à la postérité, en tant que initiatrice des écoles d’infirmières et à ce titre, suffragette à son heure et pionnière dans la professionnalisation du premier métier ouvert aux femmes.
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