Le Blog
Gallica
La Bibliothèque numérique
de la BnF et de ses partenaires

Théroigne de Méricourt

0
31 octobre 2022

Il y a 260 ans naissait  Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt (1762-1817). Elle va connaître les temps troublés de la Révolution française, échappe de justesse à la guillotine mais son sort est-il enviable pour autant ?

Théroigne de Méricourt en 1791 / Fouquet, Jean

Originaire de la région de Liège, Théroigne connaît une existence tumultueuse et romanesque. Quittant la Belgique, elle traverse de nombreux épisodes rocambolesques en Italie et en France. Pourvue d’un physique agréable, la Belle Liégeoise – comme on la désignait à l’époque – acquiert une réputation sulfureuse de demi-mondaine se faisant entretenir pour subvenir à ses besoins. Personnage haut en couleurs, féministe avant l’heure, elle rejoint les rangs des Girondins à l’Assemblée nationale en 1789 et se fait connaître en rédigeant elle-même ses discours.

En 1793, les Montagnards prennent l’ascendant et se débarrassent des Girondins. La jeune femme est prise à partie par des tricoteuses à l’Assemblée nationale et subit une fessée en public. Est-ce à l’origine du basculement de sa raison ? Faut-il attribuer sa folie aux ravages de la vérole (ou syphilis) contractée quelques années auparavant ? ou bien encore à la peur de la guillotine après son arrestation par les révolutionnaires ?  En effet, à partir de 1793, l’épisode de la Terreur avec son climat de menace permanente et son terrible instrument, la guillotine font basculer certains individus dans la folie. On imagine les affres par lesquelles passaient les prisonniers dont les noms étaient susceptibles de figurer sur la liste quotidienne des condamnés à mort. Une peur atroce qui se répétait parfois pendant des jours, voire des semaines. Ainsi à l’Asile de Bicêtre, certains survivants prétendaient qu’on leur avait tranché la tête et recousu celle d’un autre à la place. En 1793, Philippe Pinel, directeur de Bicêtre estime que 33% des aliénés ont été traumatisés par la Révolution, opinion que partage son élève Esquirol.

Toujours est-il que le constat de l'état de démence de Théroigne de Méricourt la sauve de la décapitation. Elle est internée d’abord aux Petites-Maisons, puis passe vingt ans à l’hôpital de la Salpêtrière. De nouvelles loges pour aliénées y avaient été construites par l’architecte Charles-François Viel en 1789. Les anciens locaux particulièrement vétustes et malsains des basses loges ainsi que le matériel de coercition (chaînes, carcans) ne seront supprimés qu’au début du XIXe siècle, sous l’impulsion donnée par le médecin-chef de l’hôpital, Philippe Pinel.

Esquirol. Tardieu, Ambroise (Bibliothèque centrale du Museum national d'histoire naturelle)

A partir de 1812, c’est l’autre grand aliéniste Jean-Etienne Esquirol qui s’intéresse à son cas et le classifie. Dans Des maladies mentales, il prend Théroigne comme exemple de Lypémanie (du verbe grec signifiant chagriner). Il prétend désigner ainsi la tristesse pathologique du mélancolique. Mais ce terme rencontrera peu de succès.

A son arrivée [à la Salpêtrière en 1807], elle était très agitée, injuriant, menaçant tout le monde, ne parlant que de liberté, de comités de salut public,  révolutionnaire, etc…accusant tous ceux qui l’approchaient d’être des modérés, des royalistes, etc…En 1810, elle devint plus calme et tomba dans un état de démence qui laissait voir les traces de ses premières idées dominantes. Teroenne ne veut supporter aucun vêtement, pas même de chemise. Tous les jours, matin et soir, et plusieurs fois le jour, elle inonde son lit ou mieux la paille de son lit, avec plusieurs seaux d’eau, se couche et se recouvre de son drap…Elle se plaît à se promener nu-pieds dans sa cellule dallée en pierre et inondée d’eau…

Les signes de sa folie sont particulièrement attractifs pour les curieux : agitation extrême, exhibitionnisme, rituel d’aspersion d’eau glacée sur sa paillasse - ce qu’on appellerait aujourd’hui un TOC. La malheureuse est de ce fait traitée comme un animal de foire lors des visites dominicales à la Salpêtrière :

Contre toute attente, Théroigne survit pendant vingt-sept années à un tel régime, faisant preuve d’une résistance physique surprenante. L'opinion publique prendra progressivement conscience des conditions d'existence scandaleuses réservées aux aliénés.
 

Théroigne de Méricourt aliénée / Vestier, Antoine

Pour aller plus loin

Billet de blog Gallica Les Petites Maisons
Billet de blog Gallica Les asiles d'aliénés

Billet mis à jour en octobre 2022.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.