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Louis XV et les sciences et techniques

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30 novembre 2022

L'établissement public du château de Versailles commémore en 2022 le tricentenaire du sacre de Louis XV. Certes, la fonction monarchique consistait à protéger et encourager les sciences, mais une inclination naturelle  porte aussi le jeune roi vers ces disciplines. 

une expérience d'électricité au XVIIIe siècle (Collections de la BIU Santé)

Une formation à dominante scientifique

Le Régent Philippe d'Orléans, un des princes les plus versés en sciences de son temps, se soucie de l'éducation du jeune Bourbon. Dès l'âge de sept ans jusqu'à sa majorité à treize ans, il reçoit donc une formation scientifique méthodique par les plus grands savants de la Cour et de l'Académie en géographie, cartographie, astronomie, géométrie, physique, optique et chimie.

Louis XV enfant recevant une leçon en présence du Cardinal de Fleury et du Régent. 
(source : Paris Musées Collections)

Dans le tableau anonyme ci-dessus, la scène se passe en 1717 dans une pièce du château des Tuileries où l’enfant est assis dans un fauteuil, entouré par sept  hommes tous debout, ce qui souligne encore plus son extrême  jeunesse. Le Régent, ceint du ruban bleu de l’Ordre du Saint-Esprit, semble s’adresser à son petit-neveu qui lui répond en désignant de son bras droit un volume oblong ainsi qu’un plan déployé sur une table devant lui. Derrière eux, trois valets de la Maison civile royale dont un qui apporte une autre carte. De l’autre côté de la table,  André-Hercule de Fleury, ancien évêque de Fréjus, nommé précepteur du petit roi, donne la leçon du jour ; les deux autres prélats sont des sous-précepteurs. On peut supposer que l’homme se dirigeant vers la bibliothèque au fond est le maréchal de Villeroy qui, de par sa fonction de gouverneur de l’héritier au trône, est chargé d’assurer une surveillance constante. Cette illustration atteste d'une prédominance scientifique dans ce programme pédagogique avec la présence de cartes, globe, équerre, astrolabe, compas, cadran solaire.  
Une fois intronisé, Louis XV continue à rechercher la compagnie de l'astronome Cassini, les frères Lemonnier dont un astronome Pierre-Charles et l'autre Louis-Guillaume médecin-botaniste, le célèbre Georges-Louis Leclerc comte de Buffon, le botaniste Bernard de Jussieu, le chirurgien La Peyronnie.  
Il se passionne pour la botanique en créant à Trianon le plus beau domaine d'Europe avec 4000 variétés de plantes provenant de tous les continents. 

La physique et l'optique

Dans chaque résidence royale, sont aménagés des cabinets de physique, comme par exemple celui de l'Hôtel des Menus-Plaisirs qui a vocation à enseigner aux Enfants de France la mécanique et la physiqueNous avons conservé l'inventaire interminable des instruments et machines que l'on y trouvait. Parmi lesquels, le microscope tripode, instrument de cabinet destiné à être exposé, reproduit en six exemplaires réservés à l'usage royal et à celui de courtisans scientifiques tels les duc de La Rochefoucault, de Cröy, de Chaulnes. C'est à ce dernier qu'on doit la construction du prototype, à la pointe de la recherche.
 

L'enseignement de cette matière ne prend son plein essor qu'au XVIIe siècle avec les leçons de Pierre Polinière (1671-1734), pionnier des recherches sur l'électroluminescence (c'est-à-dire la lumière électrique) et fondateur de la science expérimentale en FranceAfin de favoriser l'accès des non-initiés à cette discipline, il pratique des expériences au collège d'Harcourt. On sait que le jeune monarque âgé de onze, douze ans, assista à ces séances. A cette époque, Louis-Guillaume Lemonnier puis Benjamin Franklin élaborent les premières théories sur le phénomène de l'électricité. Mais la science expérimentale qualifiée d'amusante devient un objet d'attraction d'abord pour l'élite aristocratique, puis ensuite le grand public. 

Electromanie

Extr. de : Essai sur l'électricité des corps, par M. l'abbé Nollet,...N Le Sueur invenit, R. Brunet fecit.

L'abbé Nollet divertit le roi et la Cour avec une expérience d'électricité statique le 14 mars 1746 dans la Galerie des Glaces. Fort de son succès, le physicien augmente progressivement le nombre des participants : 

La vogue de l'expérience de Leyde fut immense, universelle on ne s'abordait plus qu'en se demandant si l'on en avait éprouvé les effets. L'abbé Nollet, qui l'avait intronisée en France, dut subir les suites de cette imprudence et se résigner, non-seulement à électriser dans son cabinet les personnes de tout rang et de tout sexe (car les dames n'étaient pas les moins empressées à se donner ce nouveau genre de plaisir) qui assiégeaient sa porte du matin au soir et sollicitaient de lui la faveur d'une commotion, mais encore à colporter à la cour, à la ville et dans la campagne, sa machine et sa noie électriques. Il eut l'heureuse idée de satisfaire plus vite aux demandes du public, d'électriser à la  fois plusieurs personnes, en leur recommandant de se tenir par la main de manière à former ce qu'on nomme la chaîne. Il se plaçait lui-même à l'une des extrémités; la personne qui représentait le dernier chaînon tenait en main la bouteille. Tout à coup le savant abbé, touchant de la main le fil métallique plongeant dans le vase, mettait en communication les parois interne et externe de celui-ci, et aussitôt la commotion se faisait sentir simultanément sur toute la ligne. Cette manière d'opérer eut le plus grand succès l'expérience, exécutée de la sorte en commun, acquérait pour les amateurs un surcroît de charme et devenait une véritable partie de plaisir. Tout le monde était possédé de l'électromanie.

D'autres scientifiques participent aussi à cette spectacularisation comme par exemple Giuseppe Pinetti (1750-1800) qui présente dans le théâtre des Menus-Plaisirs du roi l'araignée artificielle.

Astronomie et horlogerie

Le souverain s'intéresse forcément à l'astronomie, la science digne des rois. En 1761, des observations sont effectuées grâce au plus grand télescope existant, à son Cabinet d'optique et de physique établi dans le parc de son petit château de La Muette

Suitte de XXI planches : représentant les Elevations et Couppes de plusieurs Telescopes et Microscopes,
qui se voyant audit Cabinet à Passy pres la Meute : estampe, 1773-1788

La pendule astronomique est une sphère mouvante qui abrite un planétaire représentant le système solaire héliocentrique selon Copernic avec la position des sept planètes alors connues. Les mécanismes d'horlogerie dissimulés à l'intérieur font tourner les globes terrestre et céleste sur eux-mêmes. Claude-Siméon Passemant (1702-1769) - dont le titre exact est Ingénieur du roi pour les ouvrages donnant une juste mesure du temps -  passe vingt ans à établir les tables astronomiques jusqu'en 9999, puis huit autres années à imaginer le mouvement. Puis l'horloger du roi Louis Dauthiau (1713-1769) consacre à son tour douze ans à combiner et exécuter ledit mouvement. Le mécanisme est validé par l'Académie des sciences lors d'une séance en août 1749, puis présenté à Louis XV qui l'acquiert avant de commander aux ciseleurs Caffiéri un grand cabinet en bronze doré dans le style Rocaille pour l'abriter. Outre la valeur ajoutée artistique qu'apportent les sculpteurs aux instruments scientifiques, le rôle que jouent les bronzes dans leur stabilité et donc leur précision n'est pas négligeable. C'est pourquoi on recherchera cette symbiose en commandant à l'ingénieur Passemant et aux bronziers Caffiéri  la fabrication d'autres objets. A partir de 1754, date de l'entrée à Versailles de la pendule de Passemant, tous les 31 décembre à minuit, la famille royale se presse pour admirer le mécanisme qui synthétise les savoirs de l'époque. En 1753, le duc de Luynes décrit ainsi le chef d'oeuvre :

La pendule de M. Passemant est arrivée aujourd'hui ici ; elle est de la plus belle forme du monde, avec de fort beaux bronzes dorés qui en forment le pied. Les côtés et le derrière sont de glace avec un globe dessus, où l'on voit le soleil, représenté comme une boule d'or, dans le milieu et toutes les planètes tournant autour.

 

Pendule astronomique, globe terrestre, globe céleste. Extr. de : "Illustrations de The Construction
and principal uses of mathematical instruments",1758.

L'architecture

Le marquis d'Argenson dans son Journal rapporte :

La marquise et ses amis disent qu'on ne peut amuser le Roi absolument que de dessins d'architecture ; que Sa Majesté ne respire qu'avec des plans et des dessins sur sa table, ce qui ruine les finances.

Très inspiré par tout ce qui se rapporte aux bâtiments, le monarque travaille sur des projets divers avec son Premier architecte Ange-Jacques Gabriel pendant des heures. En 1747, sur son ordre, on crée l'Ecole royale des ponts-et-chaussées afin de former de nouveaux ingénieurs.

On imagine que le monarque aux fréquents accès de mélancolie et réputé inamusable, a pourtant dû été surpris et diverti par des objets et expériences scientifiques aussi innovateurs pour l'époque !

Pour aller plus loin 

Exposition Louis XV passions d'un roi, Château de Versailles du 18 octobre 2022 au 19 février 2023.

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