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Lire Marceline Desbordes-Valmore

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Les Pleurs, de Marceline-Desbordes-Valmore, sont au programme de l'agrégation de lettres modernes 2023. C'est l'occasion de compléter le billet « Marceline Desbordes-Valmore, une autrice méconnue », publié en mars 2021. De nombreuses ressources pour préparer l’agrégation sont en effet disponibles dans Gallica.

« Car je suis une faible femme ;
Je n’ai su qu’aimer et souffrir ;
Ma pauvre lyre, c’est mon âme »

écrit Marceline Desbordes-Valmore « à Monsieur Alphonse de Lamartine ». De fait, sa vie fut jalonnée de drames personnels. Sa poésie résonne néanmoins avec les questions existentielles les plus universelles ; elle est, surtout, beaucoup plus intelligente et construite que ne veulent bien le dire ses nombreux commentateurs contemporains.

L'édition originale du recueil Les Pleurs, poésies nouvelles (Paris : Charpentier, 1833. 389 p.)

est disponible dans Gallica. Son jeune éditeur doté d’un solide sens des affaires, Gervais Charpentier, lui avait suggéré comme titre « Mes pleurs » afin de le présenter comme une confidence intime. Mais la poétesse préféra l’article défini, plus universel. C'est également Charpentier qui exige qu'il soir augmenté d'une préface d’Alexandre Dumas, lequel pourtant connaît assez mal l’autrice et enveloppe ses propos de brumes romantiques et de harpes ossianiques !
 
Les Pleurs comptent de nombreux poèmes déjà publiés dans la presse et les keepsakes, dont on peut lire un échantillon dans Gallica :

On peut également lire Les Pleurs dans les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. Textes réunis par Auguste-Jean Boyer d’Agen. Paris : Lemerre, 1886, 1886, 1887 & 1922. Tome 4 : Reliquiæ. p. 53-112.

 

Portrait de M. Desbordes-Valmore par Constant Desbordes. Catalogue de l’exposition à la BnF, 1959.

 

Un recueil très élaboré

À partir de poèmes écrits séparément et au fil du temps, sans véritable unité thématique ou formelle, la composition des Pleurs est un savant jeu de construction et de déconstruction. Complexée par sa formation quasi autodidacte, Marceline Desbordes-Valmore apporte toujours un soin anxieux à ses manuscrits. Elle veille à disposer les poèmes non pas de manière chronologique, mais de façon à reconstituer le parcours de la métamorphose d’un esprit, de la souffrance au « détachement » :

et à la légèreté. Elle utilise le motif du roseau, symbole d’humilité, et la métaphore du papillon : du cocon de ver à soie à propos de Louise Labé à « L’éphémère », avant dernier poème :

Marceline Desbordes-Valmore invente une rhétorique naturelle. Ses vers, dont la transparence étudiée est très moderne, semblent couler de source. D'une facture romantique sans ostentation, ses poèmes proposent des images simples ; les marqueurs de l'oralité sont omniprésents : souffles, murmures, sanglots, chants. La poétesse privilégie une écriture chuchotée, elle écrit « tout bas » (« L’Adieu tout bas »).

La versification est souple mais travaillée : on trouve dans le recueil des mètres variés. Même si elle n'y utilise pas encore le vers « impair » de 11 syllabes, que l’on trouvera dans les Poésies inédites de 1860, elle traduit à merveille le souffle court dans les pentasyllabes de « L’Adieu tout bas » ou fait alterner hexayllabes, tétrayllabes et octosyllabes pour évoquer gondoles et barcarolles dans le premier nocturne inspiré de Moore.
 
Sa poésie est donc moderne et inventive, contrairement à ce qu’écrivent la plupart des critiques de son temps, qui ne cessent de la ramener à sa condition de femme, donc d’être de nature et d'instinct :

La réception par les contemporains

Marceline Desbordes-Valmore est certes reconnue mais elle est aussi trop souvent méconnue par ses contemporains : elle est souvent idéalisée pour être mieux marginalisée. Critiques et poètes font l'éloge de son génie naturel, et la cantonnent aux stéréotypes de la poésie féminine toute de cris et de sentiments, alors même que ses poèmes sont une nature cultivée, architecturée, même si l’effort et le travail savent s’y faire oublier.
 
Comme Alexandre Dumas dans sa préface aux Pleurs, Alphonse de Lamartine, dans son poème « à Madame Desbordes-Valmore » inclut dans le recueil, insiste sur les souffrances de la poétesse :

« L’âme chante dans les tortures ;
Et chacune de ses blessures
Lui donne un plus sublime accord !
Sur la lyre où ton front s’appuie
Laisse donc résonner tes pleurs ! »

En 1833, Charles-Augustin Sainte-Beuve (dans « Poètes et romanciers modernes de la France. VII. — Mme Desbordes-Valmore ». Revue des Deux Mondes, période initiale, tome 3, août 1833, p. 241-255), n'échappe pas aux stéréotypes de la poésie féminine. Ce premier article est pourtant le prélude à une amitié profonde. En 1870, il lui consacre une biographie suivie par une partie de sa correspondance, Madame Desbordes-Valmore : sa vie et sa correspondance.

La tendance est la même chez les autres critiques, par exemple :

 

 
Peu après sa mort, Charles Baudelaire fait le portrait de Marceline Desbordes-Valmore, dans un article ensuite transformé en chapitre de son Art romantique (1868, p. 338-343) : dès 1861, il évoque « l’oubli » dont la poétesse fait l’objet, et affirme qu'elle fait exception parmi les femmes poètes, et ne trouve grâce à ses yeux, qu'en raison de sa féminité même : elle « ne fut absolument que femme [...] son chant garde toujours l'accent délicieux de la femme ; pas d'emprunt, pas d'ornement factice, rien que l'éternel féminin. »

Grand pourfendeur de femmes de lettres, Jules Barbey d’Aurevilly (« VII. Mme Desbordes-Valmore ». Les œuvres et les hommes. 3, Les poètes. Genève, 1862, p. 145-158) lui reconnaît la qualité de n'être pas un « bas-bleu » mais pas celle de s'élever au-dessus de sa condition de femme pour être poète :
 

Paul Verlaine fait à Marceline Desbordes-Valmore l'honneur d'être la seule femme parmi ses « poètes maudits » (« IV. Marceline Desbordes-Valmore ». Les Poètes maudits. Paris : Léon Vannier, 1888, p. 55-76), mais c'est encore pour louer le naturel absolu de ses vers, et noter en toute mauvaise foi sa manière judicieuse et innovante d'utiliser la métrique « sans trop le savoir » !

Bien plus tard, Yves Bonnefoy, dans la préface qu'il consacre à l’édition des Poésies de Marceline Desbordes-Valmore chez Gallimard en 1983, rend hommage à leur intensité lumineuse :

« au cœur même de ces poèmes qu'on trouve parfois négligés [...] apparaît ce qu'on ne peut dire autrement que par l'idée de lumière. Comme si les mots retrouvaient une intensité, une qualité d'évidence qui seraient en puissance dans chaque chose, un vers puis un autre et un autre encore se détachent de la méditation ou du souvenir, illuminant comme d'une foudre l'horizon entier de la terre. »

Les critiques contemporains rendent à sa suite justice à la poétesse. On trouvera de nombreuses références dans la bibliographie pour préparer l'agrégation de lettres modernes proposée sur le site de la BnF.
 

Marceline Desbordes, par Martin Drolling. Catalogue de l’exposition à la BnF, 1959.

 
Marceline Desbordes-Valmore dans Gallica

On peut bien sûr lire aussi dans Gallica les autres œuvres de Marceline Desbordes-Valmore, ses recueils poétiques antérieurs :

et postérieurs ou posthumes :

ainsi que ses romans, nouvelles et contes :

des biographies :

ainsi qu’une exposition :

et une conférence à la BnF en 2009 :

Pour aller plus loin

et deux éditions numériques qui proposent des outils de recherche lexicale dans les poèmes :

Autres ressources en ligne de la BnF

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