Lire Marceline Desbordes-Valmore
Les Pleurs, de Marceline-Desbordes-Valmore, sont au programme de l'agrégation de lettres modernes 2023. C'est l'occasion de compléter le billet « Marceline Desbordes-Valmore, une autrice méconnue », publié en mars 2021. De nombreuses ressources pour préparer l’agrégation sont en effet disponibles dans Gallica.
« Car je suis une faible femme ;
Je n’ai su qu’aimer et souffrir ;
Ma pauvre lyre, c’est mon âme »
écrit Marceline Desbordes-Valmore « à Monsieur Alphonse de Lamartine ». De fait, sa vie fut jalonnée de drames personnels. Sa poésie résonne néanmoins avec les questions existentielles les plus universelles ; elle est, surtout, beaucoup plus intelligente et construite que ne veulent bien le dire ses nombreux commentateurs contemporains.
L'édition originale du recueil Les Pleurs, poésies nouvelles (Paris : Charpentier, 1833. 389 p.)
est disponible dans Gallica. Son jeune éditeur doté d’un solide sens des affaires, Gervais Charpentier, lui avait suggéré comme titre « Mes pleurs » afin de le présenter comme une confidence intime. Mais la poétesse préféra l’article défini, plus universel. C'est également Charpentier qui exige qu'il soir augmenté d'une préface d’Alexandre Dumas, lequel pourtant connaît assez mal l’autrice et enveloppe ses propos de brumes romantiques et de harpes ossianiques !
Les Pleurs comptent de nombreux poèmes déjà publiés dans la presse et les keepsakes, dont on peut lire un échantillon dans Gallica :
- « II. La Vie et la Mort du ramier » dans les Annales romantiques en 1831.
- « XI. Malheur à moi ! » dans le Chansonnier des Grâces en 1830.
- « XIX. L’Adieu tout bas » dans le Chansonnier des Grâces en 1833.
- « XXXII. L’Étonnement » dans le Chansonnier des Grâces en 1831.
- « XXXIII. La Sincère » dans le Mémorial de la Scarpe en 1831, dans les Annales romantiques en 1832 et dans le Chansonnier des Grâces en 1833.
- « XLIX. L’âme de Paganini » dans le Papillon le 23 octobre 1832, accompagné d'un petit commentaire très élogieux de sa directrice, Olympe Audouard :
- « LIII. La Fiancée polonaise » dans La Glaneuse le 18 septembre 1831.
- « LVII. Une ondine » dans le Chansonnier des Grâces en 1833.
- « LVIII. Imitation de Moore » : « Barcarolle, imitée de Thomas Moore » dans la Psyché en mars 1826.
- deuxième nocturne dans la Psyché en avril 1826.
- « LXII. Le Premier Chagrin d’un enfant » dans le Papillon du 19 février 1833.
- « LXIII. Le Coucher d’un petit garçon » dans la France littéraire en 1832.
- « LXIV. L’Oreiller d’une petite fille » dans la France littéraire en 1832.
On peut également lire Les Pleurs dans les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. Textes réunis par Auguste-Jean Boyer d’Agen. Paris : Lemerre, 1886, 1886, 1887 & 1922. Tome 4 : Reliquiæ. p. 53-112.
Portrait de M. Desbordes-Valmore par Constant Desbordes. Catalogue de l’exposition à la BnF, 1959.
Un recueil très élaboré
À partir de poèmes écrits séparément et au fil du temps, sans véritable unité thématique ou formelle, la composition des Pleurs est un savant jeu de construction et de déconstruction. Complexée par sa formation quasi autodidacte, Marceline Desbordes-Valmore apporte toujours un soin anxieux à ses manuscrits. Elle veille à disposer les poèmes non pas de manière chronologique, mais de façon à reconstituer le parcours de la métamorphose d’un esprit, de la souffrance au « détachement » :
et à la légèreté. Elle utilise le motif du roseau, symbole d’humilité, et la métaphore du papillon : du cocon de ver à soie à propos de Louise Labé à « L’éphémère », avant dernier poème :
La versification est souple mais travaillée : on trouve dans le recueil des mètres variés. Même si elle n'y utilise pas encore le vers « impair » de 11 syllabes, que l’on trouvera dans les Poésies inédites de 1860, elle traduit à merveille le souffle court dans les pentasyllabes de « L’Adieu tout bas » ou fait alterner hexayllabes, tétrayllabes et octosyllabes pour évoquer gondoles et barcarolles dans le premier nocturne inspiré de Moore.
Sa poésie est donc moderne et inventive, contrairement à ce qu’écrivent la plupart des critiques de son temps, qui ne cessent de la ramener à sa condition de femme, donc d’être de nature et d'instinct :
La réception par les contemporains
Marceline Desbordes-Valmore est certes reconnue mais elle est aussi trop souvent méconnue par ses contemporains : elle est souvent idéalisée pour être mieux marginalisée. Critiques et poètes font l'éloge de son génie naturel, et la cantonnent aux stéréotypes de la poésie féminine toute de cris et de sentiments, alors même que ses poèmes sont une nature cultivée, architecturée, même si l’effort et le travail savent s’y faire oublier.
Comme Alexandre Dumas dans sa préface aux Pleurs, Alphonse de Lamartine, dans son poème « à Madame Desbordes-Valmore » inclut dans le recueil, insiste sur les souffrances de la poétesse :
« L’âme chante dans les tortures ;
Et chacune de ses blessures
Lui donne un plus sublime accord !
Sur la lyre où ton front s’appuie
Laisse donc résonner tes pleurs ! »
En 1833, Charles-Augustin Sainte-Beuve (dans « Poètes et romanciers modernes de la France. VII. — Mme Desbordes-Valmore ». Revue des Deux Mondes, période initiale, tome 3, août 1833, p. 241-255), n'échappe pas aux stéréotypes de la poésie féminine. Ce premier article est pourtant le prélude à une amitié profonde. En 1870, il lui consacre une biographie suivie par une partie de sa correspondance, Madame Desbordes-Valmore : sa vie et sa correspondance.
La tendance est la même chez les autres critiques, par exemple :
- H. C. de Saint-Michel. « Revue Critique. Les poètes du trimestre ». Revue de Paris, période initiale, tome 51, juin 1833, p. 312-322.
- Antoine de Latour. « Les Femmes poètes au XIXe siècle. III. Madame Desbordes-Valmore ». Revue de Paris, tome 36, décembre 1836, p. 187-200.
- Paul de Molènes. « Simples essais d’histoire littéraire. I. Les Femmes poètes ». Revue des Deux Mondes, période initiale, tome 31, 1842
- ou Jules Janin. « Madame Desbordes-Valmore ». Critique : portraits et caractères contemporains. Paris : Hachette, 1859, p. 330-337.
Peu après sa mort, Charles Baudelaire fait le portrait de Marceline Desbordes-Valmore, dans un article ensuite transformé en chapitre de son Art romantique (1868, p. 338-343) : dès 1861, il évoque « l’oubli » dont la poétesse fait l’objet, et affirme qu'elle fait exception parmi les femmes poètes, et ne trouve grâce à ses yeux, qu'en raison de sa féminité même : elle « ne fut absolument que femme [...] son chant garde toujours l'accent délicieux de la femme ; pas d'emprunt, pas d'ornement factice, rien que l'éternel féminin. »
Grand pourfendeur de femmes de lettres, Jules Barbey d’Aurevilly (« VII. Mme Desbordes-Valmore ». Les œuvres et les hommes. 3, Les poètes. Genève, 1862, p. 145-158) lui reconnaît la qualité de n'être pas un « bas-bleu » mais pas celle de s'élever au-dessus de sa condition de femme pour être poète :
Paul Verlaine fait à Marceline Desbordes-Valmore l'honneur d'être la seule femme parmi ses « poètes maudits » (« IV. Marceline Desbordes-Valmore ». Les Poètes maudits. Paris : Léon Vannier, 1888, p. 55-76), mais c'est encore pour louer le naturel absolu de ses vers, et noter en toute mauvaise foi sa manière judicieuse et innovante d'utiliser la métrique « sans trop le savoir » !
Bien plus tard, Yves Bonnefoy, dans la préface qu'il consacre à l’édition des Poésies de Marceline Desbordes-Valmore chez Gallimard en 1983, rend hommage à leur intensité lumineuse :
« au cœur même de ces poèmes qu'on trouve parfois négligés [...] apparaît ce qu'on ne peut dire autrement que par l'idée de lumière. Comme si les mots retrouvaient une intensité, une qualité d'évidence qui seraient en puissance dans chaque chose, un vers puis un autre et un autre encore se détachent de la méditation ou du souvenir, illuminant comme d'une foudre l'horizon entier de la terre. »
Les critiques contemporains rendent à sa suite justice à la poétesse. On trouvera de nombreuses références dans la bibliographie pour préparer l'agrégation de lettres modernes proposée sur le site de la BnF.
Marceline Desbordes, par Martin Drolling. Catalogue de l’exposition à la BnF, 1959.
Marceline Desbordes-Valmore dans Gallica
On peut bien sûr lire aussi dans Gallica les autres œuvres de Marceline Desbordes-Valmore, ses recueils poétiques antérieurs :
- Élégies, Marie et romances. Paris : F. Louis, 1819. 72-92-52 p. + 4 pl.
- Poésies de Mme Desbordes-Valmore. Paris : F. Louis, 1820. 196 p.
- À mes jeunes amis, Album du jeune âge. Paris : A. Boulland, 1830. 305 p.
et postérieurs ou posthumes :
- Pauvres fleurs. Paris : Dumont, 1839. 333 p.
- Bouquets et prières. Paris : Dumont, 1843. 307 p.
- Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore. Publiées par M. Gustave Révilliod. Paris : E. Dentu, 1860. 281 p.
- Les chefs-d’œuvre lyriques de Marceline Desbordes-Valmore. Choix et notice de Auguste Dorchain. Paris : A. Perche ; Bruxelles : Spineux ; Lausanne : E. Frankfurter, 1909. 106 p.
ainsi que ses romans, nouvelles et contes :
- Contes et scènes de la vie de famille, dédiés aux enfants. Paris : Garnier, 18... 362-382 p.
- L'atelier d'un peintre : scènes de la vie privée. Paris : Charpentier, 1833. Tome 1 et tome 2.
- Violette. Paris : Dumont, 1839. Tome 1 et tome 2.
- Le livre des mères et des enfants : contes en vers et en prose. Lyon : L. Boitel, 1840. Tome 1 et tome 2
- Les anges de la famille. Paris : A. Desesserts, 1849. 246 p.
- Jeunes têtes et jeunes cœurs : contes pour les enfants. Paris : L. Bonneville, 1855. 234 p.
- Charles-Augustin Sainte-Beuve. Madame Desbordes-Valmore : sa vie et sa correspondance. Paris : Michel-Lévy frères, 1870. 246 p.
- Arthur Pougin. La jeunesse de Mme Desbordes-Valmore. Paris : C. Lévy, 1898. 377 p.
- Jules Lemaître. « Marceline Desbordes-Valmore ». Les contemporains : études et portraits littéraires. Paris : H. Lecène et H. Oudin, 1899, p. 1-46
- Lucien Descaves. La vie douloureuse de Marceline Desbordes-Valmore : les femmes illustres. Paris : éditions d’art et de littérature, 1910. 318 p. et La vie amoureuse de Marceline Desbordes-Valmore. Paris : Flammarion, 1925. 183 p. (Leurs Amours)
- Stefan Zweig. Marceline Desbordes-Valmore : das Lebensbild einer Dichterin. Leipzig, 1927. 260 p.
ainsi qu’une exposition :
- Marceline Desbordes-Valmore : 1786-1859 : exposition organisée pour le centenaire de sa mort. Paris : Bibliothèque nationale, 22 déc. 1959-5 mars 1960. Catalogue par Roger Pierrot, Marie Cordroc'h et Edmond Pognon. Paris : Bibliothèque nationale, 1959. 57 p.-8 p. de pl.
et une conférence à la BnF en 2009 :
- Marceline Desbordes-Valmore (1785-1859) : conférence du lundi 19 janvier 2009. Conférence de Christine Planté ; textes lus par Sabine Haudepin. Paris : Bibliothèque nationale de France, 2009. 2 h.
Pour aller plus loin
- Société des études Marceline Desbordes-Valmore avec un ensemble de pages concernant « Les Pleurs au programme de l’agrégation »
et deux éditions numériques qui proposent des outils de recherche lexicale dans les poèmes :
- Les Pleurs. Dans l’outil Voyant Tools (édition Goullet de 1834)
- Les Pleurs. Dans l’outil Métrique en ligne (édition Guégan de 1932)
Autres ressources en ligne de la BnF
- « Marceline Desbordes-Valmore, une poète romantique ». Conférence de Christine Planté ; textes lus par Sabine Haudepin. Cycle Autrices oubliées de l’histoire littéraire, 3, 17 mars 2021. Vidéo. 2h 03 min.
- « Marceline Desbordes-Valmore, une autrice méconnue ». Billet de blog. Gallica, 15 mars 2021
- « Marceline Desbordes-Valmore ». Bibliographie, 2021
- Toutes les bibliographies pour préparer l’agrégation de lettres modernes 2023
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