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Zoonoses ou les liaisons dangereuses : deux maladies professionnelles en question

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La tularémie et la brucellose sont toutes deux des anthropozoonoses infectieuses provoquées par de petites bactéries en forme de bâtonnets, les bacilles. Elles touchent  particulièrement les éleveurs, agriculteurs, vétérinaires, forestiers, bergers mais également le personnel d'abattoir et de laboratoire. A ce titre, elles figurent dans la liste des maladies professionnelles.

Agriculteurs dans le Béarn. Carte postale. Bibliothèque Pireneas

La tularémie

La tularémie est provoquée par  le bacille de Francis (Francisella tularensis anciennement Pasteurella tularensis). Contagieuse, la maladie est le plus souvent transmise à l’homme par contact avec des animaux infectés. Les principaux réservoirs sont constitués par les rongeurs (lièvres, lapins de garenne, marmottes…), et les tiques qui transportent  l'agent de la maladie aux espèces bien portantes.

"Ce lièvre ignore les périls de la liberté". Qui ? : le magazine de l'énigme et de l'aventure.1950

La maladie est décrite la première fois en 1911 par George Walter McCoy sur les écureuils du Comté de Tulare (Californie) d’où sa dénomination. En 1914, B. H. Lamb et ses collaborateurs identifient des cas de tularémie chez l'homme. En 1924, la présence du microbe est découverte simultanément dans le sang d'un lapin et dans le corps d'une tique des bois fixée sur ce même lapin.

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Tique repue et à jeun. Eugène Caustier, Hygiène à l'usage des élèves de philosophie A et B et mathématiques A et B. 1911

La maladie débute par l’apparition de symptômes pseudo-grippaux tels que la baisse de l’état général des sujets accompagnée de fièvre, frissons, céphalées, myalgies, inflammations ganglionnaires. Le point d’inoculation présente une ulcération.

Cette maladie effectue son tour du monde dans le même sens que le soleil.

Après l’Amérique, elle est signalée au Japon, en Sibérie (1925), en Russie (1928), Scandinavie (1930). A partir de 1936, elle envahit la Macédoine, l'Autriche, la Tchécoslovaquie, notamment les chasses de pays. En 1938, elle apparaît comme une maladie nouvelle des animaux contagieuse à  l’homme.

Ce Soir, grand quotidien d'information indépendant. 21 décembre 1948.

Pour éviter autant que possible la contagion, il est interdit d'introduire en France des lièvres étrangers pour le repeuplement des chasses.

Souhaitons que la contagion ne se propage pas de proche en proche elle achèverait de faire disparaître le peu de gibier qu'on rencontre encore dans nos campagnes.

"Le pointer rapportant un lièvre dans sa gueule n’est-il pas aussi fier que le chasseur ayant rapporté cette belle pièce". Le Matin : derniers télégrammes de la nuit. 20 août 1938

En France, ce n’est qu'en 1946 que le docteur G. Girard de l'Institut Pasteur de Paris décèle cette maladie dans un ménage parisien qui, quelques jours auparavant, avait dépouillé un lièvre tué en Touraine. En 1947, le docteur René Paille constate l’infection sur un cadavre de lièvre et isole la première souche autochtone du germe. A cette même époque, elle atteint la Franche-Comté, la Bourgogne puis la Vendée. D’après le médecin Charles Nicolle, la liste des maladies infectieuses qui menacent l'espèce humaine n'est pas close. Les races microbiennes évoluent avec le temps, et le nombre des maladies communes à l'homme et aux animaux s'allonge peu à peu. Quoi qu’il en soit, la maladie s’est largement répandue et elle inquiète.

Eviterons-nous la tularémie ?

Qui ? : le magazine de l'énigme et de l'aventure. 1950

Un décret du 19 juillet 1947 rend obligatoire la déclaration de la maladie. La même année, un traitement par antibiotique est découvert. Un article paru le 28 avril 1948 dans le journal Ce Soir relate la présentation de vaccins, dont ceux de la tularémie et la brucellose, par la section d'hygiène épidémiologique et microbiologique de l'Académie des Sciences médicales de l'URSS. Ils sont expérimentés et seraient efficaces.
Depuis 2002, la tularémie est inscrite sur la liste des maladies à déclaration obligatoire.
F. tularensis est un agent pathogène particulièrement infectieux. L’inoculation ou l’inhalation de 10 à 50 de ces germes est suffisante pour provoquer une pneumonie sévère. Pour cette raison, la bactérie est  considérée comme un agent susceptible d’être utilisée à des fins de bioterrorisme.

La Brucellose

La brucellose est une anthropozoonose due à un coccobacille du genre Brucella dont il existe plusieurs espèces dont les plus répandues sont B. melitensis (transmise essentiellement par les caprins et les ovins), B. abortus (bovins), B. suis (porcins).

"Image traditionnelle (...) début du XXe siècle". Societé d'ethnozootechnie, 2008

Sa transmission  à l'espèce humaine se fait par voie cutanée, par les muqueuses, mais également de façon indirecte par ingestion d'eau ou de légumes souillés par du purin, de lait ou encore de fromages frais contaminés.
La brucella peut persister dans les litières, les fourrures animales, le lait, les urines pendant des mois, voire des années.
Chez l'animal, la maladie se manifeste principalement par de fortes fièvres et des avortements qui auront de graves conséquences socioéconomiques. Ainsi, en 1949, la réduction de la production de lait et de viande bovine fit perdre 37 milliards à la Santé Publique et à l'Agriculture française.
L’homme atteint de brucellose souffrira également de fièvres. Appelée aussi "maladie aux cent visages", les symptômes peuvent être multiples (hépatiques, cardiaques, génitales) et évoluer au cours des mois avec de possibles complications chroniques le plus souvent articulaires ou neurologiques.
Comme le précise le vétérinaire Marcel Veloppé :

Avec la brucellose, s'allonge la chaîne qui relie les médecines humaine et vétérinaire…

Ainsi, deux histoires de la brucellose évolueront parallèlement jusqu’au début du XXe siècle, l'une se manifestant chez les animaux par des avortements et l'autre, aussi appelée "fièvre ondulante" touchant les humains.
En 1859, la brucellose humaine est identifiée sous le nom de fièvre méditerranéenne. Au fur et à mesure de son extension géographique, elle s’appellera  successivement fièvre de Naples, de Crête, de Chypre, du Levant.
A partir de 1885, un jeune médecin, David Bruce, sollicite son admission dans les services sanitaires de l’Armée. Il est affecté à Malte, où une fièvre de nature inconnue observée tout d’abord parmi les troupes britanniques en garnison sur l’île sévit. Il propose alors d’en chercher la cause plutôt que de "perdre son temps à prescrire aux malades des pilules inefficaces ".

Johann Baptist Homann, Insularum Maltae et Gozae. 17..

En 1887, il isole des bactéries à partir de préparations provenant de la rate de sujets décédés de cette "fièvre de Malte". Le germe recevra le nom Micrococcus melitensis. Bernhard Lauritz Frederik Bang, professeur à l’école vétérinaire de Copenhague, et le bactériologiste Valdemar Stribolt isolent et identifient, en 1895, le bacille de la brucellose bovine, le "bacille de Bang" (ou Brucella abortus bovis) dans les produits d'avortement des vaches dont le caractère contagieux est démontré. Deux ans plus tard, Bang développe un vaccin à partir de souches de Br. abortus, afin d'immuniser les bovins. Dangereux, il sera abandonné par les services vétérinaires.
En 1914, Jacob Traum de l’Université de Berkeley (Californie) étudie l'avortement épizootique des truies et trouve un microbe qu'il rapproche de Bacillus abortus. En 1918, la microbiologiste Alice Catherine Evans établit que l'agent de l'avortement épizootique des Bovidés, Bacillus abortus est identique au Micrococcus melitensis trouvé chez la chèvre et chez l'homme. Les deux histoires de la brucellose se rejoignent alors.

 

Miss A[lice] C[atherine] Evans, bactériologiste. 1927

En 1920, Charles Nicolle, à l'Institut Pasteur de Tunis, découvre un procédé de vaccination préventive contre la fièvre ondulante.

Charles Nicolle dans son laboratoire de l'Institut Pasteur de Tunis, vers 1935

En 1931-1932, les vétérinaires M. P. Rinjard et P. Magallon apportent une importante contribution à la pathogénie des brucelloses en montrant que Brucella abortus est pathogène pour l'homme. Plusieurs méthodes seront alors envisagées pour protéger les élevages : le dépistage suivi de l'abattage des animaux et la  vaccination préventive.
Le Bulletin municipal officiel de la ville de Paris paru le 25 janvier 1969 publie la liste des abattoirs autorisés à recevoir les animaux des espèces bovine, ovine et caprine reconnus atteints de brucellose.
Les traitements pour lutter contre la brucellose aigue existent. Les antibiotiques auxquels Brucella est sensible in vitro doivent avoir la particularité d'être à pénétration intracellulaire du fait de la spécificité du bacille. En effet, non seulement actifs sur la bactérie, ils doivent de plus être dotés d'une bonne pénétration tissulaire et cellulaire.
Grâce aux progrès en santé animale, la brucellose est en net recul. Cependant, les pays en développement sont toujours durement impactés et les risques chez les humains restent directement liés à l’état sanitaire des troupeaux d’élevage et a fiortiori les hommes travaillant en lien avec les cheptels. L'OMS estime à 500.000 le nombre de nouveaux cas annuels dans le monde.

Pour en savoir plus sur les zoonoses :

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