Les archives de l’Opéra de Paris, de l’Opéra-Comique et de la Comédie-Italienne sont conservées à la bibliothèque-musée de l’Opéra et forment un ensemble d’environ 3 000 registres reliés. Contrairement aux archives de la Comédie-Française, conservées dans leur quasi intégralité depuis 1680, celles de l’Opéra de Paris sont relativement lacunaires : ce n’est qu’à partir du milieu du XIXe siècle que l’administration théâtrale se préoccupe de la conservation de ses archives.
Il ne subsiste plus grand-chose des archives de l’Opéra pour la période allant de 1669 jusqu’à la création des Indes galantes de Rameau. En effet, le document le plus ancien remonte à l’année 1735 et correspond à un registre de comptabilité, dit de « recettes à la porte » : sont mentionnés, pour cette année-là, les dates des spectacles, le nombre de billets vendus, par catégorie de place, pour chaque représentation, ainsi que la totalité de la recette générée, avant déduction du droit des pauvres. De nombreuses raisons expliquent le caractère lacunaire de cette collection. Le fait que ces papiers aient longtemps été considérés comme inutiles et sans grande valeur n’est certainement pas étranger au peu d’intérêt qu’on leur a porté. Par ailleurs, les nombreux changements de direction à la tête du théâtre s’accompagnaient souvent d’une liquidation totale ou partielle des archives de l’institution musicale : nombreux étaient les directeurs, à l’instar de Louis-Joseph Francœur, qui partaient de l’Opéra avec leurs archives sous le bras ! Enfin, les déménagements successifs intervenus pendant plus de deux siècles (treize changements de salle pour la période allant de 1671 à 1875) doivent eux aussi être pris en considération.
L'Incendie de l'Opéra. Huile sur bois de H. Robert, 1781
Fort heureusement, les trois incendies qui ont ravagé l’Opéra ne semblent pas avoir eu de conséquences désastreuses sur l’état des collections : déposées dans un magasin près du Louvre jusqu’en 1860, mais aussi à l’Hôtel de ville de Paris, les archives ont ainsi échappé aux spectaculaires incendies de 1763 et 1781. Après 1860, elles furent installées dans un local « humide », au rez-de-chaussée de l’Opéra de la rue Le Peletier. Pour les mettre à l’abri des courants d’air et des moisissures, Charles Nuitter, devenu « conservateur à titre honorifique » en 1863, puis officiellement « archiviste de l’Opéra » en 1866, songea à les y soustraire et à les déposer au sein du Nouvel Opéra de Charles Garnier, alors en cours d’achèvement : le célèbre architecte avait prévu en effet un espace destiné à accueillir les archives. Aussi, lorsque la salle Le Peletier fut à son tour la proie des flammes en 1873, l’incendie épargna-t-il salutairement ce dépôt, à la différence de celui de l’Hôtel de Ville de Paris intervenu en 1871, qui réduisit en cendres les dernières liasses qui s’y trouvaient.
Tout au long de sa carrière à l’Opéra, Charles Nuitter a employé toute son énergie à réunir les archives de ce théâtre alors dispersées sur plusieurs sites. C’est lui qui, le premier, les a d’abord inventoriées, classées et protégées contre toute destruction abusive, puis décrites et valorisées, en indiquant dans ses publications tout l’intérêt que présentaient, par exemple, les volumineuses correspondances administratives et artistiques, ou en insistant encore sur les précieux renseignements qu’offraient pour l’histoire littéraire les registres de comptabilité. Plus tard, c’est grâce à lui encore que les registres des autres théâtres parisiens, tels ceux de la Comédie-Italienne et de l’Opéra-Comique, ont pu être « sauvés » : abandonnées dans la salle Ventadour, alors menacée de démolition, ces archives furent rachetées in extremis par Nuitter en 1879 et déposées ensuite dans la précieuse bibliothèque dont il avait la charge.
Galerie des archives. Plan de Charles Garnier pour le Nouvel Opéra de Paris, vers 1878
Au fil des ans, les archives de l’Opéra n’ont cessé de s’enrichir. Elles sont relativement complètes jusqu’à la Grande Guerre. En 1932, une partie des archives des XVIIIe et XIXe siècles réunies par Nuitter fut transférée aux Archives nationales, soit l’équivalent de 1 180 liasses. En revanche, il fut décidé que les registres d’archives reliés resteraient à la bibliothèque de l’Opéra : ainsi le théâtre continua-t-il de les déposer pendant quelques années encore – le dernier versement significatif ayant eu lieu en 1984, pour les journaux de régie des années 1915 à 1983.
L’ensemble de ces registres fournit une matière extrêmement riche sur la vie des théâtres et leur répertoire, des comédies de Marivaux aux opéras des XIX
e et XX
e siècles, en passant par la grande vogue de l’opéra-comique. Administration, régie, comptabilité, engagements des personnels, salaires, suivi des carrières, tous ces aspects y apparaissent au grand jour. Les données qui sont ainsi mises à la disposition du chercheur permettent de retracer à nouveaux frais l’histoire des spectacles, sous l’angle inédit de l’histoire administrative et de l’histoire comptable des théâtres.
Tentative d'attentat à la bombe contre Napoléon III, le 14 janvier 1858, devant l'Opéra Le Peletier, rapportée dans le journal de la régie
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nouvelle rubrique qui leur est consacrée.
Repères bibliographiques
- Charles Nuitter, « Archives et bibliothèque », dans Le Nouvel Opéra, Paris, Hachette, 1875, p. 199-211.
- Charles Nuitter, Archives de l’Opéra-Comique déposées au Théâtre Ventadour, Manuscrit, [1879], BnF Opéra, Archives Sources, 14 (2).
- Valérie Gressel, Charles Nuitter. Des scènes parisiennes à la bibliothèque de l’Opéra, Hildesheim, Olms, 2002.
- Mathias Auclair, « Charles Garnier et la bibliothèque-musée de l’Opéra », dans Charles Garnier. Un architecte pour un empire, Paris, Beaux-arts de Paris les éditions, 2010, p. 120-131.
- Pascal Denécheau, « Archives de l’Opéra » dans Dictionnaire de l’Opéra de Paris sous l’Ancien Régime (1669-1791), Paris, Classiques Garnier, 2019, t.1, p. 220-222.
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