Le Trecento et l’essor de l’Humanisme
Le XIVe siècle est un siècle très contrasté, oscillant entre récession et innovation. En Italie, il marque la fin du Moyen Âge. Les graves crises économiques et démographiques alternent avec des périodes de prospérité et de grande créativité, notamment avec l'essor de l'Humanisme.
La stabilité politique qui avait caractérisé les XIe-XIIIe s. avait favorisé la croissance économique ainsi que démographique, provocant un important mouvement de population vers les villes. Au XIVe siècle la situation change nettement. L’arrêt des défrichements et les nombreux fléaux climatiques compromettent à plusieurs reprises les récoltes, favorisant le retour des famines et, avec elles, le lot de maladies et d'épidémies dont la plus dramatique est celle de la peste. Le Toscan Giovanni Boccaccio tirera de cet évènement tragique un chef d’œuvre littéraire, en italien « vulgaire », Le Décaméron, composé en 1348, en pleine Peste noire.
Allégorie de la peste, Giovanni Boccaccio, Il Decameron. Manuscrit italien 63 (1427)
Les guerres européennes (notamment, celle de Cent Ans, 1337-1453) contribuent largement à l'appauvrissement des populations en raison de la multiplication des levées d'impôts pour les financer provoquant ainsi de nombreuses jacqueries.
Bataille d’Azincourt, Martial d’Auvergne, Vigiles de Charles VII, Manuscrit français 5054 (vers 1484-85)
En Italie centrale et septentrionale, la compétition aiguë entre les différentes cités-États et les seigneuries naissantes ne font que multiplier le phénomène des bandes de mercenaires menées par un condottiere.
En effet, dès le XIIIe siècle, avec la structuration des chancelleries citadines sur le modèle impérial et papal, cette catégorie socio-professionnelle avait considérablement augmenté en nombre et en influence puisqu'elle contrôlait le secteur administratif et diplomatique des communes. Les notaires, tout particulièrement, ont largement contribué au développement du mouvement humaniste par leur pratique quotidienne de l’ars dictaminis (composition des textes) et la relecture précoce des textes classiques latins, dont les citations ornaient les documents et chartes officiels.
Double page de la Summa dictaminis, Recueil de traités divers, [Normandie ?]. Manuscrit latin 1093 (XIIIe siècle)
Leur rôle est également fondamental dans la diffusion de la langue vernaculaire (le futur italien) puisqu’il était régulièrement utilisé pour la rédaction des statuts des villes. Avec le temps, surtout pendant l’époque des seigneuries (XVe-XVIIe siècles), il n’est pas rare de voir l’homme de loi, lettré, devenir le conseiller du prince : le cas le plus connu est certainement celui de Machiavel.
Les académies savantes, espace de circulation de nouvelles idées philosophiques et littéraires, sont animées par des enseignants laïcs, exerçant souvent des charges publiques. Elles ont joué un rôle significatif dans la formation d’une nouvelle génération de lettrés et la sécularisation de la culture. L’œuvre de pédagogues tels que Gasparino Barzizza et Vittorino da Feltre, et, un peu plus tard, Marsilio Ficino, reste incontournable dans l’essor de l’Humanisme et, ensuite, de la Renaissance.
Enfin, la naissance d’ordres mendiants s’accompagne d’une nouvelle littérature religieuse qui popularise le concept de renovatio de l’Église pour la rendre à son humilité primitive et proche du petit peuple. L’Ars predicandi des Franciscains et des Dominicains n’hésite pas à prêcher en langue vernaculaire les enseignements moraux contenus dans des textes latins, mais transposés dans une nouvelle forme littéraire plus simple et harmonieuse comme les laudas ou les courts poèmes narratifs-didactiques. Les célèbres Fioretti de Saint François sont en effet tirés d’un texte latin bien plus savant, Actus beati Francisci et sociorum eius, attribué au frère Ugolino da Monte Santa Maria, actif dans l’Italie centrale vers la fin du XIIIe siècle.
Saint François recevant les stigmates, Maitre du Mont des Oliviers de Dutuit, estampe. Réserve EA-6-4 Pièce Fol.235v (XVe siècle)
Francesco Petracco, dit Pétrarque, voit le jour dans ce climat culturel proto-humaniste, en 1304, à Arezzo. Fils de ser Petracco di Parenzo di Garzo, homme de culture et notaire florentin, il est considéré comme le premier humaniste accompli et l'initiateur de la philologie moderne.
Pour aller plus loin :
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Bibliographie sur Francesco Petrarca (1304-1374)
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La pensée politique de la Renaissance et du XVIe siècle , Sélection Gallica
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Renaissance et humanisme en Italie (14e-16e siècles), BnF Les Essentiels
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Fernand BRAUDEL, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II (2017)
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François BRIZAY, Sophie CASSAGNES-BROUQUET, Le prince et les arts en France et en Italie : XIVe-XVIIIe siècle
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Sophie CASSAGNES-BROUQUET, Bernard DOUMERC, Les condottieres : capitaines, princes et mécènes en Italie : XIIIe-XVIe siècle (2011)
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Elisabeth CROUZET-PAVAN, Renaissances italiennes, 1380-1500 (2013)
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Jean FAVIER, La guerre de Cent Ans (2018)
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Massimo MONTANARI, La faim et l'abondance: histoire de l'alimentation en Europe (1995)
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Peter MOREL, Peter et les Condottières, Épisode 47 du podcast Passion Médiévistes (2021)
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