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Le cyprès

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Il se rassemble pour parer aux vents et pour servir de décor aux ballets et secrets chuchotés. Son grand corps sombre habite les paysages de soleil et d’étoiles de Van Gogh et sa forme de quenouille enchante l’enfance d’Apollinaire. Le cyprès fait partie du paysage mais n’y fait pas de figuration.

Ferdinando Tacca (1619-1686), Illustration de l’Acte IV, scène III : Jardin avec des fontaines, pour le ballet « Ercole in Tebe », de Giovanni Andrea Moniglia, en l’honneur du mariage de Cosme III et Marguerite Louise d’Orléans (1661).

Le cyprès est un conifère sempervirent de la famille des Cupressaceae. On compte pas loin d’une vingtaine d’espèces réparties entre le bassin méditerranéen, l’Afrique du Nord, la côte occidentales de l’Amérique du Nord, l’Amérique Centrale, ainsi que l’Extrême-Orient, mais nous connaissons surtout le Cupressus sempervirens, l’élégant de la flore méditerranéenne qui peuple les jardins antiques.

Le cyprès s’adapte bien aux situations de sécheresse récurrente ainsi qu’aux sols caillouteux peu accueillants, mais il ne boude pas les sols riches et frais des hauteurs comme en témoigne le Cyprès de Lawson qui croît dans les montagnes du nord de la Californie, ni les climats plus océaniques avec le Cupressus macrocarpa que l’on retrouve sur les côtes atlantiques françaises. Il est aussi capable de s’adapter aux milieux très humides comme le prouve le cyprès chauve (Taxodium distichum (L.) Rich.), emblème de la Louisiane dont le feuillage caduc ressemble à celui de l’if et dont les racines produisent des pneumatophores que l’on rencontre chez les arbres de mangrove.

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Pierre de Pannemaeker (1832-1904), “Chamaecyparis boursieri (cup laws.) Pyramidalis alba nana (hort.),”Revue d’horticulture belge et étrangère, 1878.

Le cyprès est un arbre de taille moyenne à haute dont les feuilles persistantes, aciculaires dans ses jeunes années, prennent la forme de petites écailles recouvrant totalement ses rameaux au fil du temps. Sa morphologie est très variable en fonction des espèces et si nous sommes plus sensibles à sa forme fastigiée, il peut aussi présenter un branchage plus étalé comme le cyprès de Montpellier.

Jean-Joseph-Bonaventure Laurens, « Cyprès horizontal dit arbre de Montpellier » (18..)

Arbre monoïque, le cyprès porte ses inflorescences globuleuses, étamines et pistils, sur un même pied. La floraison se déroule entre mars et avril et il faut attendre environs deux années avant que les cônes femelles n’arrivent à maturité et libèrent leurs graines. La capacité de ses racines à lignifier lui permet alors de s’ancrer solidement dans le sol.

Le cyprès est doté d’une résistance et d’une longévité rares en dépit de conditions climatiques parfois extrêmes. Le cyprès des Ajjers (Cupressus dupreziana), que l’on trouve dans les monts Tassili du Sahara, en est un exemple éclatant. Découvert en 1925, cette espèce très rare de cyprès dérivant de Cupressus sempervirens, peut vivre jusqu’à 1800 mètres d’altitude et atteindre 2000 ans.  Son mode de reproduction en apomixie mâle permet à son seul pollen de produire une graine rendant possible sa survie.

Toutes ces caractéristiques de grande résistance et de grande résilience font du cyprès un arbre à haut potentiel symbolique. Il doit son nom à Cyparisse, jeune mortel dont le dieu Apollon s’était épris, et qui périt de tristesse après avoir tué malencontreusement un cerf sacré que le dieu lui avait offert. Cet arbre né de la mort et imprégné de tristesse, résiste néanmoins à cette interprétation univoque. Plus que l’arbre de mort signalant la présence d’un cimetière, il est l’essence par laquelle on accède à la vie éternelle. Le cyprès pointe en direction du ciel et habite les lieux saints comme le Sinaï et le Jardin des Oliviers. Son bois imputrescible a longtemps servi à la fabrication des cercueils des papes et de certains notables.

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André Robert, Le Rocher des 70 Anciens d’Israël (ca 1931), Institut Catholique de Paris.

Arbre de peu mais toujours vert, il peuple les représentations miniatures de la littérature persane et l’on admire ses capacités à protéger les jardins de la sécheresse et de la stérilité. Il est célébré par les poètes qui en font un symbole d’éternité, et de générosité dans le dénuement. Sa taille haute et élancée peut aussi faire référence au prince (ou au bien-aimé) dont on loue la stature.

Ḥakīm Awḥad al-Dīn, Dīvān-i ānvarī, (éd. 1625-1626). "Une fête est donnée dans un jardin par un prince [dont les traits rappellent ceux de Šāh ʿAbbās Ier], assis entre deux cyprès et contemplant deux danseuses".

Ainsi, le cyprès, arbre funèbre par excellence, a traversé les âges et démontré aussi ses capacités à structurer les espaces, protéger les cultures et promettre, peut-être, l’éternité.

Pour aller plus loin :

Présentation et répartition de Cupressus macrocarpa, sur INPN Espèces : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/93585
Présentation du cyprès chauve du Jardin des pivoines, sur le site du MNHN : https://www.mnhn.fr/fr/cypres-chauve

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