La Bibliographie gastronomique de Georges Vicaire, un monument d’érudition gourmande
C’est l’un des plus grands vade mecum de la littérature culinaire, dédié « À tous les amis du livre… et de la gastronomie » : le blog Gallica vous propose de découvrir la Bibliographie gastronomique de Georges Vicaire.
Le goût des livres
Bibliophile et bibliographe de renom, Georges Vicaire (1853-1921) est un amoureux des livres et de la bonne chère. En 1890, il publie sa précieuse Bibliographie gastronomique, qui recense et décrit pas moins de 2 500 ouvrages de cuisine et de gastronomie, des débuts de l’imprimerie à la fin du XIXe siècle. Ouvrons cette bible gourmande…
Une insatiable curiosité
Ce sous-titre nous renseigne sur l’ampleur de l’ouvrage, conçu pour identifier, répertorier et réunir pour la première fois toutes les sources textuelles existantes au sujet de la cuisine. Dans son avertissement au lecteur, Georges Vicaire s'en explique :
Les apôtres de la gastronomie
Dans la Bibliographie gastronomique, on trouve indifféremment des références aussi classiques que surprenantes, rangées par ordre alphabétique, et toujours accompagnées d’une foule de précisions : date des textes, détail des rééditions, identité des éditeurs, type et qualité des papiers d’impression, description des caractéristiques visuelles etc…
L’ouvrage propose une recension exhaustive des livres traitant de l’art culinaire, du plus noble au plus modeste. Parmi les incontournables :
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Le Viandier de Guillaume Tirel, dit Taillevent, grand traité culinaire médiéval, que Vicaire illustre d'une reproduction ;
Bibliographie gastronomique, Georges Vicaire, ed. Rouquette, Paris, 1890, p. 823
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Les 7 volumes parus entre 1803 et 1810 de l’Almanach des gourmands de Grimod de la Reynière, dont Vicaire retrouva le journal intime, ainsi que son Manuel des Amphitryons, édité en 1808 ;
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L’œuvre complète d’Antonin Carême. La notice décrit les changements qui furent apportés au titre de son Pâtissier royal parisien (1815), devenu en 1879 le Pâtissier national parisien, et livre un petit commentaire acerbe au sujet de leur auteur, que Vicaire trouve « très prétentieux, il n’y a qu’à lire ses préfaces pour s’en rendre compte » ;
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La Physiologie du goût de Brillat-Savarin, de sa première édition en 1826 à la dernière réédition alors connue en 1883, sans oublier celle de 1838, suivie d’un Traité sur les excitans modernes de Balzac.
À leurs côtés, une figure fait une timide apparition, avec son Traité sur l’art de travailler les fleurs en cire, publié en 1886… Il s’agit d’Auguste Escoffier, dont le Guide culinaire ne paraîtra qu’après la publication de la Bibliographie gastronomique. La présence de son premier ouvrage au sein de ces grandes références gastronomiques atteste la curiosité et l’acuité dont Vicaire fait preuve.
La cuisine dans tous ses états
La cuisine a sa place dans tous les aspects de la vie : santé, économie, éducation… Et se voit gratifiée en retour d’une production littéraire particulièrement éclectique, que Vicaire s’attache à recenser.
L’art de conserver sa santé par l’École de Salerne (c. XI-XIIe siècle), un manuscrit précieux composé en vers latins et françois, y côtoie des ouvrages tels que le Rôti-cochon (entre 1689 et 1704), une méthode de lecture pour les enfants qui puise ses exemples dans le vocabulaire culinaire.
Bibliographie gastronomique, Georges Vicaire, ed. Rouquette, Paris, 1890, p. 753-6
On y trouve également des livres d’économie domestique du XIXe siècle, qui donneront lieu à de nombreuses rééditions, preuve de l’essor remarquable d’un nouveau genre de littérature culinaire. À titre d’exemple, Le livre des ménages de Béleze en est à sa cinquième édition en 1883.
La cuisine nous plonge aussi dans la grande Histoire : à Paris en 1871, La cuisinière assiégée propose des recettes « pour accommoder le rat, le chien et le cheval »...
La cuisine dans la culture populaire
Dans la Bibliographie gastronomique, les collections de journaux gastronomiques et les annales de société de gourmands côtoient des poèmes et facéties à la gloire du bon manger.
Ainsi, on trouve à la lettre « L » le poème du Sieur Le Cordier, composé de seize chants rédigés en 8 syllabes et sobrement intitulé Le Pont-L’evesqve, dont Vicaire donne un avant-goût :
Bibliographie gastronomique, Georges Vicaire, ed. Rouquette, Paris, 1890, p. 509
À la lettre « A », une facétie de 1540 oppose le Carême aux personnages de Mardi-Gras, affublés des joyeux noms de Tyrelardon et Haren Soureton, tandis que la lettre « C » nous régale d'une Petite omelette poétique de A. Cordier (1871).
Amoureux des livres autant que de la bonne cuisine, Georges Vicaire a apporté le même soin et la même exigence à répertorier des livres de recettes qu’il en a déployé plus tard pour les romans de Balzac ou de Victor Hugo. Les hommes et les femmes de goût, qu’ils soient fins gourmets ou amateurs de littérature, peuvent lui en être reconnaissants.
Valentine Lacoste
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