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La cardère à foulon

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27 septembre 2021

Sa tête hérissée d’épines a longtemps fait l’objet d’une culture très soignée et rentable. En effet, la cardère à foulon était utilisée pour lainer les draps fins et leur donner ce toucher soyeux.

Leonhart Fuchs, De historia stirpium commentarii insignes, Bâle, 1542

La cardère à foulon ou cardère à lainer tire son nom français du latin carduus qui signifie chardon, mais elle n’appartient pas au genre Carduus. Elle se rattache même à une autre famille que le chardon, à savoir les caprifoliacées comme le chèvrefeuille ou la scabieuse. Son nom botanique est Dipsacus sativus, c’est-à-dire qu’elle est cultivée (« sativus ») et désaltère les assoiffés  (du grec « dispsan akeomai » : « je guéris de la soif »). En effet, une autre espèce appelée cardère sauvage possède des feuilles soudées à leur base, formant une cuvette qui se remplit d’eau et lui a donné son surnom de cabaret des oiseaux, baignoire de Vénus ou cuvette de Vénus. Cette espèce sauvage – Dipsacus fullonum – , dite aussi chardon bonnetier sauvage, ne doit pas être confondue avec l’espèce domestique dont les noms (cardère à foulon, chardon à bonnetier) peuvent prêter à confusion.

Gustave Heuzé, Les plantes industrielles. Plantes oléagineuses, tinctoriales, salifères, à balais, à cannes, condimentaires, à cardes et d’ornement funéraire, Paris, 1859

La tête de la cardère à foulon est plus droite et plus longue que son homologue sauvage. Elle servait à l’étape du lainage dans le traitement des draps de laine fins : toiles de billard, chéchias, couvertures en mohair, loden… Ses petites épines tiraient les filaments laineux sans les arracher afin de former un duvet de feutre chaud et très serré. La tête hirsute de la cardère sauvage n’aurait pu atteindre un tel résultat et n’était bonne qu’à carder les draps.

La plante, bisannuelle, peut atteindre la taille d’un homme et possède plusieurs têtes épineuses ou capitules, dont les noms reflétaient l’usage. La tête principale se nommait bourdon, reine, chardon-mâle ou chardon-bonnetier, tandis que les têtes secondaires prenaient le nom d’aile, chardon-drapier ou chardon-foulon ; les plus petites têtes montraient leur moindre intérêt économique dans leur dénomination : turlupin, rondelle, tête-de-linotte, camion.

Joseph Pitton de Tournefort, Elemens de botanique, ou Methode pour connoître les plantes. III, Paris, 1694

La culture s’effectuait en cardonière, sur de bonnes terres aérées, car plus rentable que la culture du blé. Les plants étaient repiqués en plein champ en novembre, avec une exposition au sud. Cette culture spécialisée trouve son terrain de prédilection dans le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône autour de Saint-Rémy-de-Provence et s’y maintient jusqu’à la fin du 20ème siècle. On compte 2300 hectares de cardères en 1862. La récolte des têtes s’effectue du 10 au 20 juillet, suivie d’une phase de séchage de quatre à cinq jours.

Henri-Louis Duhamel Du Monceau, Art de la draperie, principalement pour ce qui regarde les draps fins, Paris, 1765

Une fois bien sèches, les têtes sont montées sur des croisées en bois comportant 14 têtes. Le lainage peut alors commencer. Une tête est utilisée 150 fois pour donner 40000 griffures. Il ne faut pas moins de 140000 coups de cardère pour qu’une pièce de drap puisse mériter le titre de drap superfin. Au 19ème siècle, cette opération est mécanisée, et les têtes de cardère sont installées en série sur des tambours mécaniques. Mais cette greffe du végétal sur le mécanique ne dure qu’un temps, et la culture de la cardère périclite. Il faudra un appel aux jardiniers bénévoles pour faire revivre cette plante à la fin du 20ème siècle. Si vous vous en procurez des graines, vous pourrez profiter de cette plante spectaculaire tout en songeant au dur labeur des lainiers.

Pour aller plus loin

La Hulotte, 62, 1989
Découvrez les étapes de la fabrication d’un tissu dans le parcours Gallica consacré au textile, et d’autres plantes industrielles dans la section botanique du parcours Gallica La Nature en images.

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