Histoire des stations thermales
Le thermalisme en France a connu une histoire mouvementée, faite de périodes d'oubli ou au contraire d'engouement. Penchons-nous sur ses débuts.
Une histoire mouvementée
Très amateurs de balnéothérapie, les Romains ont toujours privilégié les lieux détenteurs d’eaux minérales dans leur politique de conquête territoriale. On construit même des voies reliant les stations entre elles. Mais avec les invasions barbares, le thermalisme connaît un arrêt brutal. Puis les chrétiens à leur tour se détournent de ces sources dédiées à l'origine à des divinités païennes. Du XIe au XIIIe siècle, les Croisés contractent en Orient des maladies telles que la lèpre : c'est l'occasion de redécouvrir les bienfaits des eaux thermales. Convaincu, Henri IV nomme en 1603 par édits et lettres patentes des surintendants chargés de gérer les eaux minérales du royaume de France sous la houlette de son Premier médecin. On invente le commerce des eaux en bouteille. Sous Louis XIV, c'est la Société royale de médecine qui distribue les autorisations d'exploitation des sources. L'Académie des sciences commande des études d'analyse chimique des eaux.
Au XIXe siècle, les établissements européens se livrent à une concurrence féroce en incitant les médecins à leur envoyer leurs malades et en rivalisant d'activités touristiques et de loisirs afin de distraire les curistes : concerts, bals, fêtes, salles de jeux, casinos, courses hippiques.
Premiers curistes
Hautes-Pyrénées
Ce sont tout d’abord les vertus des sources thermales de Eaux-Bonnes et de la station voisine des Eaux-Chaudes qui vont retenir l’attention des autochtones. En effet, le grand-père du futur Henri-IV, Jean d’Albret, aurait constaté leur effet bénéfique sur les blessures par arquebuse de ses soldats revenant de la bataille de Pavie. Sa fille Jeanne d'Albret y fit également des cures et s'en trouva bien. Et Henri-IV qui avait fréquenté les lieux pendant son enfance, en garde de si bons souvenirs que devenu roi, il y fait venir ses maîtresses. Ces mêmes sources sont également réputées guérir les maladies de poitrine, puisque Eaux-Bonnes fut également fréquentée dans sa jeunesse par la future épouse de Napoléon III, Eugénie de Montijo qui y revint ensuite en tant qu’impératrice.
Dans cette même région, c’est Banières (Bagnères-de-Bigorre) qui recueille à son tour les suffrages de Michel Eyquem de Montaigne. Celui-ci a beaucoup souffert des douleurs de la pierre (calculs dans la vessie) et de colique. Dans ses Essais, il se targue d’avoir vu et essayé tous les bains fameux de chrestienté.
La scrofule, plus connue sous le nom d’écrouelles, se caractérisait par des fistules purulentes localisées sur les ganglions lymphatiques du cou. Au siècle suivant, le duc du Maine, bâtard légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan, était atteint d’un vice scrofuleux qui l'avait laissé fort boiteux. Sur les conseils du médecin du roi Fagon, la nourrice des enfants royaux, Françoise d'Aubigné veuve Scarron, décide de l’emmener dans les Hautes-pyrénées en 1675. Dans des conditions de voyage très difficiles, sur des chemins escarpés que l'enfant parcourt en chaise roulante, ils parviennent à Barèges : l’amélioration spectaculaire de l'état de santé du petit duc va contribuer à établir la réputation de ces eaux et dans le même temps à accroître l'influence de la future madame de Maintenon sur le roi.
Triple douche / double douche. Extr. de : Question hygiéno-thérapeutique et industrielle,
ou Résumé comparatif sur le traitement des maladies chroniques de poitrine et autres par le déplacement des malades à la résidence thermale du Dr. Pujade [Amélie les Bains]...1860
Auvergne Rhône-Alpes
Au XVIe siècle, Catherine de Médicis s'intéresse également à la station de Vichy (dans l'Allier) : elle charge Nicolas de Nicolay - qui cumule les fonctions de géographe, diplomate et valet de chambre des rois Henri II puis Charles IX - d'une étude sur les eaux de Vichy parue en 1567.
Mais c'est surtout grâce à Madame de Sévigné qui souffre d’un rhumatisme goutteux que la station va connaître la notoriété. En 1676, à l'âge de 50 ans, elle se rend à Vichy pour y prendre les eaux. Le traitement thermal consiste d'abord à ingurgiter l'eau de la source :
J'ai donc pris des eaux ce matin, ma très-chère : ah, qu'elles sont méchantes ! […] On va à six heures à la fontaine : tout le monde s'y trouve, on boit, et l'on fait une fort vilaine mine; car imaginez-vous qu'elles sont bouillantes, et d'un goût de salpêtre fort désagréable. On tourne, on va, on vient, on se promène, on entend la messe, on rend les eaux, on parle confidemment de la manière qu'on les rend : il n'est question que de cela jusqu'à midi. […] Je me suis assez bien trouvée de mes eaux; j'en ai bu douze verres : elles m'ont un peu purgée, c'est tout ce qu'on desire.
mais l'on peut aussi découvrir chez la célèbre épistolière un témoignage très précieux sur le déroulement d'une charmante douche avec une acception bien-sûr ironique sous sa plume :
J'ai commencé aujourd'hui la douche; c'est une assez bonne répétition du purgatoire. On est toute nue dans un petit lieu souterrain, où l'on trouve un tuyau de cette eau chaude, qu'une femme vous fait aller où vous voulez. J'avais voulu mes deux femmes de chambre, pour voir quelqu'un de connaissance. Derrière un rideau se met quelqu'un qui vous soutient le courage pendant une demi-heure : c'était pour moi un médecin de Gannat […] Il me parlait donc pendant que j'étais au supplice. Représentez-vous un jet d'eau contre quelqu'une de vos parties, toute la plus bouillante que vous puissiez vous imaginer. On met d'abord l'alarme partout, pour mettre en mouvement tous les esprits; et puis on s'attache aux jointures qui ont été affligées ; mais quand on vient à la nuque du cou, c'est une sorte de feu et de surprise qui ne se peut comprendre; c'est là cependant le nœud de l'affaire. Il faut tout souffrir, et l'on souffre tout, et l'on n'est point brûlée, et on se met ensuite dans un lit chaud, où l'on sue abondamment, et voilà ce qui guérit.
Heureusement un traitement aussi barbare semble porter ses fruits.
Veue des bains de Vichy, 1738. Collection de la BIUS
Mesdames Adélaïde et Victoire, filles de Louis XV ont également contribué à faire connaître Vichy. Elles y vinrent en toute simplicité avec une suite de deux cent soixante personnes et soixante chevaux. Puis la duchesse d'Angoulême, fille de Marie-Antoinette et de Louis XVI, y séjourna également en 1814 dans le vain espoir de soigner sa stérilité. En 1861, Napoléon III arriva à Vichy pour y soigner des calculs dans la vessie. Chaque année, il revint y faire une cure.
Bourgogne Franche-Comté
Moins connu que Vichy, citons Pougues (Pougues-les-Eaux dans la Nièvre) dont les eaux minérales semblaient accomplir des miracles : Henri III, le quatrième fils de Catherine de Médicis et de Henri II sur les conseils de son médecin Miron vint y prendre les eaux et se déclara guéri. En 1603, Henri IV vient y soigner des coliques néphrétiques, puis la goutte. Presque tous les rois jusqu'à Louis XIV lui-même sont venus à Pougues.
Normandie
Les différentes sources thermales de Forges-les-Eaux étaient réputées pour soigner les maladies des voies urinaires, les affections utérines et la stérilité. Dans la décennie 1630, Louis XIII et son épouse Anne d’Autriche y prennent les eaux. Le roi était atteint d’une maladie intestinale. Les historiens de la médecine ont émis l’hypothèse qu’il s’agissait peut-être de la maladie de Crohn - c’est-à-dire d'une inflammation chronique du système digestif. La reine qui attendra vingt ans avant d’avoir son premier enfant tente d’y soigner sa stérilité. Enfin en 1655, suite à ses nombreuses conquêtes féminines, le jeune roi Louis XIV semble avoir contracté ce que son médecin de l’époque se refuse pudiquement à reconnaître comme une maladie vénérienne.
Le 7 septembre 1655, Vallot va trouver résolument le roi et l'adjure de ne pas différer davantage à se traiter sérieusement. Il lui représente les terribles conséquences qui peuvent résulter de son indifférence, lui détaille toutes les infirmités qui l'attendent, finit par exiger un témoignage indéniable de confiance. Le roi, vivement ému, s'en remet à son médecin de tout ce qu'il pourra décider, et accepte, pour commencer, de prendre les eaux de Forges, que lui conseille Vallot. Peu de temps après, Louis XIV partait de Paris pour Fontainebleau, où l'on faisait apporter, tous les jours, « par des officiers du gobelet à cheval », des eaux de Forges ; des relais d'hommes à pied en apportaient, en outre, toute la matinée, une « flottée », dont le roi usait à la manière ordinaire, non sans avoir été préparé par la saignée, après la purgation.
Vosges
Plombières connut une curiste célèbre en la personne de l'impératrice Joséphine qui tentait désespérément de donner un héritier à Napoléon 1er avant sa répudiation.
Dans cette même région, Contréxeville, connue pour les vertus de la source du Pavillon dans les cas de gravelle, attira de nombreux aristocrates comme le Comte d'Artois qui s'y fit même construire une maison.
On voit sans surprise que les influenceurs de l’époque étaient les têtes couronnées ou leur proche entourage. Ce sont eux qui mirent les stations thermales au goût du jour. A une époque où la médecine était encore tâtonnante, les médecins attachés à la famille royale souvent impuissants devant certaines maladies chroniques dont souffraient leurs illustres patients, n’hésitaient pas en désespoir de cause à les envoyer vers des sources disséminées dans diverses régions. Devenu un phénomène mondain, le thermalisme se démocratise plus tard au XXe siècle avec la prise en charge des cures par la Sécurité Sociale.
Pour aller plus loin :
découvrez les sélections du parcours Se soigner par les eaux.
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