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Le Livre pour sortir au jour ou Livre des Morts des Anciens Égyptiens

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27 mai 2020

Le fonds de papyri égyptiens de la Bibliothèque nationale de France est composé en très grande partie de Livres pour sortir au jour, texte plus connu sous l’appellation de Livre des Morts. 160 cotes sur les 249 que compte le fonds égyptien du département des manuscrits sont des fragments de ce grand recueil funéraire. Tous sont numérisés et consultables dans Gallica.

Égyptien 62. Papyrus d’Ânkhésénaset (fin de la 21e dynastie, ca. 1069-943 avant n.è.). Vignette initiale, en hiéroglyphes, avec l’image de la défunte en prière devant Osiris, typique des Livres pour sortir au jour de la Troisième période intermédiaire

Ces livres, à l’origine en grands rouleaux pouvant aller jusqu’à 37 mètres de long (papyrus Greenfield au British Museum) pour 30 à 40 cm de largeur, ont souvent été découpés et mis sous cadre au 19e siècle. À un livre se trouvent donc associées plus d’une cote, comme pour celui en 27 morceaux au nom d’Ânkhésénaset, (Égyptien 62 à Égyptien 88). Un travail d’identification réalisé dans les années 2007-2011 a permis de déterminer l’existence d’au moins 32 grands ensembles depuis la 18e dynastie (1550-1323 avant n.è.) jusqu’à la période romaine, avec le papyrus de Pamonth, qui est actuellement l’exemple de Livre pour sortir au jour le plus tardif connu au monde. Il faut y ajouter les deux papyri (inv. 53-1 et inv.53-2) conservés au département des Monnaies, médailles et antiques parmi la collection Luynes.

À partir de la 18e dynastie, sur papyrus ou sur rouleau de cuir, Le Livre pour sortir au jour accompagne le défunt pour le guider et l’équiper des formules adéquates pour sa transfiguration dans l’Au-delà. Il peut être placé dans le cercueil voire glissé dans la momie, parfois placé dans le socle d’une statuette de Ptah-Sokar-Osiris. Certaines versions sont directement écrites sur des bandelettes de momie dans un usage qui devient plus répandu aux époques tardives.

 

Inscrit en hiéroglyphes, hiératique ou démotique, il s’étoffe pour passer de 150 formules durant la 18e dynastie à 192 pour la période ptolémaïque (332-30 avant n.è.), souvent accompagnées de vignettes qui en renforcent la présence et la puissance. Aucun des Livres retrouvés n’en compilent l’intégralité. Dans les fonds de la Bibliothèque, le papyrus de Nésyménou (Égyptien 118-127) est celui qui en rassemble le plus grand nombre avec 72 chapitres.

Le Livre pour sortir au jour consiste en un recueil d’incantations prononcées par le prêtre ritualiste pour accompagner le défunt dans sa transformation post-mortem. Il contient aussi des formules et réponses que doit produire le défunt dans les épreuves du Royaume des Morts pour lui permettre de devenir un akh, un être transfiguré doté de pouvoirs et de la capacité d’agir dans les deux mondes, des morts comme des vivants. Cet akh peut intercéder en faveur des vivants dans l’au-delà ou même exercer des représailles en affligeant des tourments.

Selon Paul Barguet, les formules peuvent être regroupées en quatre grands ensembles. Un premier groupe réunit les chapitres introductifs où le défunt arrive dans la Douat et cherche à regagner sa liberté de mouvement.

Pour parvenir à la renaissance et s’assurer la victoire à la manière dont le démiurge a vaincu ses ennemis lors de la Création, le défunt s’équipe, il recouvre ses sens et les éléments de sa personnalité (nom et cœur).

Le troisième ensemble est celui de la transfiguration où le mort est identifié à la fois au dieu soleil et à Osiris. Au terme du voyage dans la barque solaire, il gagne sa sortie au jour, qui lui permet notamment de revenir sur terre profiter du culte des vivants lui assurant sa survie dans l’Au-delà et de séjourner dans les champs paradisiaques des souchets. Il parvient enfin au tribunal où il est acquitté et devient un Osiris (chapitre 125).


Égyptien 132. Papyrus de Djéhoutyirydès (période ptolémaïque). Chapitre 110. Champs des souchets

Enfin, les dernières formules concernent l’identification du défunt à Rê, voyageant dans sa barque et muni de connaissances de l’Au-delà. La liberté d’aller-et-venir lui est assurée.

Certaines formules ou vignettes peuvent aussi être recopiées de manière isolée sur les parois des tombes ou sur des éléments du mobilier funéraire, par exemple le chapitre 162 « faire advenir un feu sous la tête », pour la protection de la tête, qui orne les hypocéphales, placés sous la tête des momies :

Le titre du recueil en égyptien peut se traduire par « formules pour sortir au jour ». L’appellation de Livre des Morts vient de la première traduction et édition scientifique effectuée par Richard Lepsius en 1842, intitulée Das Todtenbuch der Ägypter. L’égyptologue allemand numérota les formules, aussi nommées chapitres, à partir d’un des papyri les plus développés qui en comprenait 165. Il ne semble pas exister de recension canonique et d’ordre établi égyptien avant quelques tentatives tardives. Cependant cette numérotation est celle qui continue d’être utilisée en égyptologie, par commodité.
 
 
R. Lepsius, Das Todtenbuch der Ägypter, nach dem hieroglyphischen Papyrus in Turin, Leipzig, 1842, exemplaire de l’IFAO annoté par Auguste Mariette et numérisé dans le cadre du projet Bibliothèques d’Orient.
 
Dans l’histoire européenne de l’égyptologie et la connaissance du Livre pour sortir au jour, la collection de papyri de la Bibliothèque nationale a joué un rôle de premier plan. La première copie de texte funéraire connue dans un livre imprimé est celle de l’Égyptien 46 par le voyageur François de La Boullaye-Le Gouz, en 1653 :

Le premier fac-similé intégral d’un Livre pour sortir au jour est celui fait par Marcel Cadet du papyrus de Padiamonnnébnésouttaouy (Égyptien 1-19, période ptolémaïque). Découvert lors de l’Expédition d’Égypte, il fut repris avec d’autres dans la Description de l’Égypte.

Jean-François Champollion fut le premier à comprendre la nature de rituel de ce texte. Il y travailla avec de nombreuses notes sur la Description, au Cabinet du Roi (les papyri égyptiens étaient alors encore conservés au département des Monnaies, médailles et antiques) et à Turin. Il put aussi les confronter avec les parois des tombes visitées en Égypte :


Papiers de J.-Fr. Champollion le jeune (1790-1832). 1re série. VII-VIII Notes sur le Livre des morts. NAF 20309

Le Chapitre 125, le jugement, est un moment-clef souvent représenté sous la forme d’une grande vignette. Introduit devant les 42 assesseurs le défunt déclare : « Salut à toi, grand Dieu, Seigneur de Justice ! Je suis venu à toi, mon Maître, afin que tu me conduises pour que je puisse contempler ta magnificence, car je te connais et je connais ton nom et je connais les noms des quarante-deux dieux qui t’accompagnent dans cette salle des deux Maât ».

Nous vous proposons de parcourir avec nous celle du papyrus de Padiamonnnébnésouttaouy (Égyptien 19, période ptolémaïque), à travers un nouvel outil mis au point par Gallica, actuellement en cours de test par les chargés de collection de la BnF, et qui sera prochainement enrichi en fonctionnalités et ouvert aux Gallicanautes (pour plus de précisions, voir la fin de ce billet) :

Dans cette animation, on vous parle de ces éléments à retrouver en illustrations derrière les liens :

- La corniche à gorge égyptienne sur des stèles, comme sur cette dédicace à Ptolémée IX,
- les colonnes lotiformes fermées dans les temples égyptiens,
- les vases canopes,
- le dieu démiurge, assis sur une fleur de lotus, émergeant du Noun.

Découvrez en vidéo le papyrus de Padiamonnnébnésouttaouy, sur la page Facebook de la BnF.

Présentation du prototype permettant une présentation animée du document Gallica

Dans le cadre du projet européen The Rise of Literacy (La construction de l'Europe des savoirs), Gallica a bénéficié d’un co-financement par le programme Mécanisme d'interconnexion Européen (Connecting Europe Facility) de l’Union européenne (accord de subvention INEA/CEF/ICT/A2016/1332086) pour la création d’un outil innovant de médiation des collections numérisées. Cet outil est actuellement en cours de test par les chargés de collection de la BnF. Permettant l’appropriation des collections numérisées de manière scientifique ou ludique, il sera prochainement enrichi en fonctionnalités, ouvert au public et accessible depuis Europeana et Gallica.

Bibliographie

- T. G. Allen, The Book of the Dead or Going Forth by Day: Ideas of the Ancient Egyptians Concerning the Hereafter as Expressed in Their Own Terms (SAOP ; 37), Chicago, 1974.
- Paul Barguet, Le livre des morts des anciens Égyptiens, Paris, 1967.
- Jean-Marcel Cadet, Copie figurée d’un rouleau de papyrus trouvé à Thèbes dans un tombeau des rois, Strasbourg, 1805.
- "Les papyrus mythologiques égyptiens : entretien avec Émile Joubert", Chroniques chartistes, hypothèses.org, 2019.
- Chloé Ragazzoli, "Les papyrus égyptiens de la Bibliothèque nationale de France", Bulletin de la Société française d'égyptologie 182, 2012, p. 6-32.
- Barbara Lüscher, Der sogenannte "Calendrier Égyptien" oder die Mumienbinden der Aberuai (BN 89 + BN 229 / Louvre N. 3059 u.a) : zur frühen Rezeptionsgeschichte eines späten Totenbuches (Beiträge zum Alten Ägypten ; 8), Bâle, 2018.
- Jean-Louis de Cénival, Le Livre pour sortir le jour : le Livre des Morts des anciens Égyptiens, Paris, 1992.

Commentaires

Soumis par Monique Delcroix le 10/04/2022

bonjour, très interessant la découverte du papyrus avec cet outil Merci!(par contre les "chairs" vertes pas chaires..)

Soumis par Francois le 01/09/2022

on peut tout savoir, on peut revenir en arriere, bien regarder, zoomer !!! votre procéder est super bravo il nous plonge dans le papyrus même telle une piscine , nous allons au plus prés des détail dans un parcours passionnant de surlignage de son auteur merci

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