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Le Capitaine Danrit (Emile Driant, 1855-1916) 1/2

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26 juin 2024

Le Capitaine Danrit, de son vrai nom Emile Driant, est un militaire, un homme politique et un héros de guerre. Il est aussi un écrivain d’anticipation, se focalisant sur les guerres à venir et une France seule face au monde entier triomphant de tous les obstacles grâce à son armée.

Le commandant Driant, sénateur, photographie de presse, Agence Meurisse, 1913

Cet extrait d’un livre fameux de la fin du 19e siècle, La Guerre de demain, et qui connut une fortune considérable, représente bien le Capitaine Danrit, pseudonyme presque transparent de Driant, militaire français qui, outre ses nombreux textes, fut également homme politique et héros de guerre. On y trouve la précision de lieux stratégiques, l’anticipation (ce roman date de 1889), une description toute militaire. Et le tout écrit dans un style rythmé, avec un suspense certain.

La Guerre de demain par le Capitaine Danrit, A. Fayard, affiche, Louis Bombled (1862-1927)

De son vrai nom Emile Cyprien Driant, il voit le jour à Neufchâtel-sur-Aisne le 11 septembre 1855. Fils d’un magistrat, il suit des études au lycée de Reims. Il a quinze ans quand il regarde défiler avec colère les troupes allemandes dans sa ville, ce qui le marque. Passionné d’histoire, il obtient le premier prix dans cette matière au Concours général. Puis il continue par des études de lettres et de droit, mais ne veut pas succéder à son père : il aspire à être soldat. C’est pourquoi à vingt ans, le 25 octobre 1875, il intègre l'Ecole militaire de St-Cyr, où il choisit l’infanterie. Un de ses supérieurs écrit de lui :

petit, mais solide, santé à toute épreuve, très actif et toujours prêt ; monte fort bien à cheval et a un goût très prononcé pour l'équitation, très intelligent a devant lui le plus bel avenir.

Il est envoyé en Tunisie et devient l’officier d’ordonnance du général Boulanger, qu’il accompagne à Paris quand ce dernier devient ministre de la Guerre. Il ne le suivra pas dans sa tentative de coup d’Etat, mais en revanche épousera sa fille Marcelle, avec qui il aura quatre enfants. En 1889, il publie son premier récit, La Guerre de demain, sous le pseudonyme du capitaine Danrit, anagramme de son patronyme, pour ne pas avoir d’ennuis avec sa hiérarchie. Il va cependant connaître un certain nombre de problèmes, dus à son franc-parler et ses opinions conservatrices. Ainsi, en 1892, il prend huit jours d’arrêt pour avoir défendu la mémoire de son beau-père, qui venait de se suicider. Durant l’Affaire Dreyfus il se range évidemment du côté de l’armée. Quelques années plus tard, lors de "l’affaire des Fiches" (on disait que le ministre de la Défense bloquait l’avancement des officiers catholiques grâce à des fiches de renseignements politiques et confessionnelles rédigées indépendamment des notes attribuées par la hiérarchie militaire), il décide de démissionner, le 24 décembre1905.

La Guerre de demain, Capitaine Danrit, Paris, 1889

Il se lance alors en politique. Proche des nationalistes Paul Déroulède et Maurice Barrès, il est élu en 1910 député de Nancy. Il va batailler contre les députés de gauche, cautionnant par exemple les syndicats "jaunes", ce qui ne l’empêche pas de voter pour certaines mesures sociales (la journée de dix heures, ou la possibilité d’une retraite). Il s’intéresse surtout à tous les débats (et ils sont nombreux) concernant la Défense nationale. Il soutient la loi des trois ans (portant à 36 mois le service militaire). Mais il a parallèlement continué à écrire des romans d’aventures, presque tous à connotation militaire, souvent des anticipations à court terme, et qui connaissent un beau succès. Il va d’ailleurs postuler pour entrer à l’Académie française. En 1915 encore, il est rapporteur du projet de loi créant la Croix de Guerre.

En 1914, il a cinquante-neuf ans. Il demande alors à reprendre du service pour la guerre qui vient. On lui donne le commandement des 56e et 59e Bataillons de chasseurs à pied. Fin 1915, il prend en charge le secteur du bois de Caures, près de Verdun. Quand les troupes allemandes lancent leur grande offensive il fait face à toute une armée. Ses deux bataillons tiennent vingt-quatre heures, mais finissent pulvérisés par les bombardements incessants. Lui-même est fauché par la mitraille. On est le 22 février 1916. S’il ne reste pas le tiers des chasseurs à pied, ces derniers ont cependant ralenti suffisamment leur ennemi pour que les renforts puissent arriver et tenir Verdun. Dès lors, le mythe prend forme : Driant est considéré comme un martyr et est célébré comme tel : déjà chevalier (1893) puis officier (1914) de la Légion d’honneur, il reçoit à titre posthume cette Croix de Guerre qu’il avait contribué à créer. Après-guerre, on érige un mausolée dédié à lui et ses soldats sur lequel on peut lire : "Ils sont tombés, silencieux sous le choc, comme une muraille".

Monument au lieutenant colonel Driant et à ses chasseurs, photographie de presse, Agence Rol, 1922

C’est alors autant la disparition de l’écrivain Danrit que du soldat Driant que l’on célèbre. Car le Capitaine Danrit a eu des lecteurs, beaucoup de lecteurs. Et ce dès son premier récit, La Guerre de demain, publié en feuilleton en 1889. Ce roman de plus de 1400 pages qui le fait connaître du grand public, imagine les contours de la guerre à venir entre notre pays et l’Allemagne. Ce texte indique dès le départ le sujet principal de toute son œuvre : le conflit entre la France et les autres nations. Son but est de montrer comment notre pays peut (et doit) vaincre les autres, grâce à ses forces morales, mais aussi ses inventions et la Science, fondée sur un idéal, "et de cet Idéal, le Patriotisme est la forme la plus pure" (L’Alerte). Toute son œuvre, qu’on survolera dans un autre billet, y sera consacrée.

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