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Les dessinateurs des salons caricaturaux 1/2

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De nombreux dessinateurs parmi les plus célèbres du XIXe siècle ont exercé leur regard satirique dans les salles du Salon et en ont publié des comptes-rendus humoristiques : les salons caricaturaux. Cham, Bertall, Nadar, Stop, Gill, Robida sont parmi les plus prolifiques dans cet exercice. Allons donc rire au Salon…

Alfred Le Petit, Les caricaturistes à la douzaine in Grand-Carteret, Les mœurs et la caricature en France, 1888

 

Ces salons caricaturauxs ne sont qu’une des facettes du talent de ces dessinateurs qui pratiquent parfois aussi le dessin comique et parodique sur d’autres sujets, la caricature politique, le dessin « sérieux », l’illustration pour enfants, la peinture, la photographie… Certains de ces caricaturistes mènent ou ont l’ambition de mener aussi une carrière classique et exposent des œuvres au Salon. Ces multiples activités soulignent le caractère polymorphe du genre du salon caricatural.

Occupant une position intermédiaire entre artiste, public et critique, le dessinateur de salon comique peut, par son dessin charge, attirer l’attention ou influencer ses contemporains.

Honoré Daumier (1808-1879)

 
Daumier par Benjamin Roubaud. Le Panthéon charivarique, 1860-1880
« Croquis pris au Salon par Daumier : La promenade du critique influent », Le Charivari, 24 juin 1865

 

Daumier, fin analyste de la vie d’artiste, y a consacré de très nombreuses lithographies, dont certaines figurant des scènes du Salon. Cependant ce sont souvent les comportements des artistes, des visiteurs, des critiques ou le fonctionnement du Salon qui sont l’objet de son observation. Il ne critique que très rarement les œuvres. Quelquesunes de ses caricatures figurent les réactions de visiteurs devant une œuvre particulière mais seules deux caricatures de 1840 (dont l’Ascencion [sic] de Jésus-Christ parue dans La Caricature, 26 avril 1840 ) peuvent ainsi se rapprocher véritablement du genre des salons caricaturaux.

Cham (Amédée de Noé dit, 1818-1879)

 

Dessinateur et caricaturiste extrèmement talentueux et fécond, auteur de milliers de dessins, Cham (contraction de ses prénoms Charles et Amédée ou référence biblique au fils de Noé) rencontre un succès considérable de son vivant. Il collabore de nombreuses années avec Le Charivari et L’Illustration et participe à la vie parisienne des années 1840 à la fin des années 1870.

Aristocrate de santé fragile, doué pour les mathématiques, il échoue cependant à l’Ecole Polytechnique. Après quelques temps au Ministère des finances, il s'inscrit à l'atelier de Nicolas Toussaint Charlet puis à celui de Paul Delaroche et se spécialise dans la caricature.
Auteur de nombreuses publications satiriques parmi lesquelles Histoire de Mr. Lajaunisse, (1839), Histoire de Mr. Jobard (1840), de la parodie du roman d’Eugène Sue, Les Mystères de Paris, à l'initiative de Charles Philipon créateur du Charivari, Cham, à partir de 1843, donnera pendant trente-six ans l'essentiel de sa production à ce journal.

Un salon carictural illustré par Cham (avec texte de Louis Huart) y parait pour la première fois en 1845, puis en 1846 et 1847.

Cependant, Cham s’intéresse surtout à l’actualité, à la caricature politique. Quand la censure est levée, dans les années 1848-1849, ses albums politiques rencontrent un immense écho : Études socialistes, Croquis politiques, L'Assemblée nationale comique. Il revient régulièrement au croquis d’actualité, quand la conjoncture le permet (série d’estampes sur l’expédition d’Italie en 1859…)

À partir de 1851, et jusqu’à sa mort en 1879, Cham livre des salons caricaturaux au Charivari dont il compose dessins et légendes. Paraissant en épisodes, ils sont édités par la suite en brochures. S’il semble attaquer toutes les tendances de l’art et tous les artistes, les caricatures de Cham sont en fait l’écho d’une certaine conception bourgeoise de l’art. Ses dessins au graphisme simple et fort aux légendes pleines d’esprit, d’ironie, de sens de l’absurde, sont très appréciés des bourgeois du Second Empire. Les salons des années 1851 , 1852, 1853, 1857, 1861 , 1863 , 1863 deuxième promenade , 1868 , 1869 , 1870 sont consultables dans Gallica dans leur édition en brochures ou dans Le Charivari pour les autres années.

Cham a aussi fait paraître des salons caricaturaux dans d’autres journaux, L’Illustration, Le Musée des familles, Le Monde illustré…parfois dans plusieurs journaux différents la même année.
Cham entreprend aussi une carrière d'auteur dramatique dans le vaudeville (Le Serpent à plumes, 1864 ; Le Myosotis, 1866) à partir de 1855…

Bertall (Charles Albert d'Arnoux dit, 1820-1882)

 

Connu sous le nom de Bertall ou Bertal, anagramme de son deuxième prénom, dessinateur, illustrateur, caricaturiste, il est parmi les plus féconds du XIXe siècle.

Protégé par Balzac à ses débuts, il illustre Les Petites misères de la vie conjugale, des textes romantiques, ainsi que nombreux autres titres à destination des adultes ou de la jeunesse : ouvrages des collections « La Bibliothèque rose », publiée par Hachette, « Le Nouveau Magasin des enfants » publiée par Hetzel (Tom Pouce, Histoire d'un casse-noisette ), « Albums de trois à six ans » publiée par Hachette (Les Infortunes de Touche-à-tout, Histoire comique et terrible de Loustic l’espiègle…), « Les Romans populaires illustrés »publiée par Gustave Barba (plus de 3000 dessins)… ainsi que ses propres textes, dont La Comédie de notre temps et La Vigne, voyage autour des vins de France.

 

Formé à la scène de genre dans l’atelier du peintre Martin Drolling, il chronique par ses caricatures, les mœurs du Second Empire dans la presse ou dans des albums, et donc bien sûr le Salon. Il est l’auteur du premier salon caricatural en 1843. Ses salons au trait vigoureux, sec et ramassé, à l’esprit malicieux et plein de verve, sont publiés tout d’abord dans L’Illustration entre 1843 et 1847, puis surtout dans Le Journal pour rire qui devient Le Journal amusant, entre 1849 et 1870 en feuilletons de plusieurs semaines, le plus souvent aux mois de mai et juin. Il en publie aussi dans Les Guêpes illustrées, Le GrelotBertall partage avec Cham des goûts artistiques plutôt conservateurs et une tendance à parodier les oeuvres novatrices.

Pionnier de la photographe, il ouvre son atelier en 1866 et devient un portraitiste à succès.

Nadar (Gaspard-Félix Tournachon dit, 1820-1910)

 


Carlo Gripp, Dernière incarnation de Nadar in La Lune, 20 mai 1866 (Nadar en ballon fait des croquis du Salon)
 

Né à Paris dans une famille d'imprimeurs, attiré par la littérature, Nadar, essentiellement connu de nos jours pour son activité de photographe et sa pratique du portrait, se consacra à de nombreuses activités, publiant dans de multiples journaux de la «petite presse» des comptes rendus théâtraux, feuilletons de presse, romans, caricatures … et aussi de la critique d’art et des commentaires du Salon de 1852 à 1877.

Caricaturiste confirmé – la Galerie des gens de lettres est parue en 1847, le Panthéon Nadar en 1854-, connaisseur de la peinture par sa fréquentation du Louvre, de musées étrangers et du Salon, de la critique de son temps par son amitié avec Théophile Gautier et Charles Baudelaire, il publie des salons caricaturaux sous le titre Nadar jury au Salon, dans L’Eclair en 1852 (7 livraisons), en brochures en 1853 et 1857 avec un texte assez développé, puis dans le Journal amusant en 1859 (4 juin, 16 juillet) et 1861 avec de simples légendes.

Les salons caricaturaux de Nadar au texte plus long, humoristique et parfois caustique, lui permettent d’énoncer certaines convictions artistiques : critique de l’académisme, des portraits d’Ingres, refus du réalisme du Courbet, défense de Delacroix, des artistes romantiques, de Millet, de la peinture de paysages de plein air (Rousseau, Daubigny, Troyon et surtout Corot), même si l’image est toujours ironique. Laissant parfois transparaitre ses idées politiques démocratiques sous ses jugements esthétiques, Nadar attaque les portraits bourgeois et souligne les qualités essentielles pour un artiste à ses yeux, souci du vrai, observation, alors qu’il recherche la vérité psychologique dans ses propes portraits.

Nadar porte un regard critique sur son travail de caricaturiste et abandonnera cette pratique.

Il eut aussi une activité de critique d’art « sérieux », et est l’auteur de comptes rendus des Salons de 1855 dans Le Figaro et de 1866 dans le Grand Journal.

Stop (Louis Morel Retz dit, 1825-1899)

 

Louis Pierre Gabriel Bernard Morel Retz, dit Stop, peintre, caricaturiste et graveur, mais aussi écrivain, musicien, fils du vice-président du tribunal de Dijon étudie le droit ainsi que la peinture. Devenu avocat il travaille à Dijon puis à Paris. En 1849 il expose à l’exposition retrospective à Dijon et en rend compte, déjà par un album comique. A Paris, il fréquente l’atelier de Charles Gleyre aux Beaux-arts, commençant une carrière classique de peintre de guerre, portraitiste, aquarelliste, graveur. Il exposera au Salon en 1857, 1864 et 1865.

Mais c’est commme caricaturiste qu’il rencontre le succès. Il fait paraitre dans L’Illustration sous le pseudonyme de Stop - nom de son chien -, des vignettes comiques (mœurs, mode, politique…,) ainsi que L’histoire de M Verdreau, M Pinsonnet. Il collabore aussi au Musée des familles, au Charivari, au Magasin pittoresque, au Petit journal pour rire, à L’Esprit follet et au Tout Paris.

 

En 1850, il rejoint le Journal pour rire qui devient Le Journal amusant en 1856. Il y rend compte du théâtre, publie des séries humoristiques, parfois sous forme d’animaux ou d’ombres chinoises, des souvenirs de voyages, des scènes de mœurs. A partir de 1872, après le départ de Bertall pour L’Illustration, il y dessine les salons caricaturaux. Vingt sept années durant, plusieurs livraisons paraissent aux mois de mai et juin durant le Salon. Ces salons, parodie pleine de verve et de malice, sans méchanceté, firent sa popularité auprès du public.

Stop illustre aussi divers volumes des Tribunaux comiques de Jules Moineaux, Leurs Excellences de Brada, et surtout Bêtes et gens (1877 et 1880, volume 2) fables en vers dont il est aussi l’auteur.

Il écrit le livret de l’opérette Terreurs de Mr Peters, la saynète Une histoire de brigands, et d’autres petites pièces et dessine des costumes de théâtre pour Offenbach et d’autres. Musicien, il illustre des couvertures de partitions, des programmes et compose de la musique, notamment religieuse.
 

À suivre prochainement…

Salons caricaturaux. 5, Les Dessinateurs des salons caricaturaux 2/2

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