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Eileen Gray : de l’Art déco à l’utopie sociale

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Architecte et designer, Eileen Gray est connue pour son mobilier Art déco fait de laques et de matériaux subtils, qui sont remarqués pour leur raffinement subtil. Mais c’est aussi avec la célèbre Villa E-1027, co-construite avec Jean Badovici sur la Côte d’Azur, que l’architecte va poser les principes de l’architecture moderniste.

Leonetto Cappiello, Mai-novembre Paris 1937 : Arts et techniques : exposition internationale, affiche, 1937. (détail)
 
Née Kathleen Eileen Moray Smith, Eileen Gray est née en 1878 dans le sud de l’Irlande. Après des études de peinture à la Slade School of Fine Art en 1901, elle suit les cours de l’Académie Julian à Paris, où elle se forme aux techniques de laque auprès de Seizo Saguwara. Elle s’installe au 21 rue Bonaparte et s’initie au tissage de tapis.


Eileen Gray, commode, L'Amour de l'art : revue mensuelle, Paris, février 1924, p. 106.

La période Art déco

C’est au Salon des artistes décorateurs de 1913 qu’elle expose ses premiers travaux : des panneaux décoratifs dans lesquels elle combine laques, bois rares, abstractions géométriques et motifs s’inspirant du Japon, caractéristiques du style Art déco.
 

  
Eileen Gray, tapis au point noué et lampe, L'Amour de l'art : revue mensuelle, Paris, février 1924, p.111 et 124.

 
 
Décoratrice d’intérieur, Eileen Gray reçoit des commandes, notamment pour Suzanne Talbot, directrice d’une grande maison de mode, dont elle décore l’appartement à Paris en 1914. On y découvre le « Fauteuil au dragons », une chaise-longue qu’elle nomme « Pirogue » et des paravents. Photographié en 1922, son intérieur reçoit les éloges de la presse et participe à la notoriété de la jeune designer, dont le style étonne :
 


 Guy de Montgailhard, « Le salon des artistes français », La Rampe, 3 juin 1916, p. 16.

 


Guillaume Janneau, « Le salon des décorateurs », La Renaissance de l'art français et des industries de luxe, Paris, juillet 1923, p. 431.

Parmi ses clients, on compte beaucoup de femmes artistes, dont Elsa Schiaparelli, la danseuse Loïe Fuller ou Marie-Laure de Noailles. En 1923, Gray expose au Salon des artistes décorateurs de Paris où elle présente le « Boudoir de Monte-Carlo », des lampes et des lampadaires d’inspiration africaine, des tapis et des bois laqués, qui surprennent les critiques de l’époque :
 

Henri Clouzot, L'Amour de l'art : revue mensuelle, Paris, février 1924, p. 110.

 

Vivement marquée par le mouvement De Stijl, exposé à Paris, Eileen Gray fait évoluer son inspiration vers un parti pris pour les réalisations en tubes d’acier et un souci de fonctionnalité. Cette rupture avec le style Art déco lui permet de s’intéresser au mobilier en métal nickelé ou chromé. Après avoir visité la maison Schröder en 1925, à la suite de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes, Gray conçoit de nouveaux meubles, tel un fauteuil rond Bibendum en 1930 et devient, avec Marcel Breuer, Charlotte Perriand ou Gerrit Rietveld, l’un des précurseurs du mobilier à structure acier tubulaire avant de se diriger, avec Jean Badovici et une jeune architecte, Adrienne Gorska, vers l’architecture.

 

La Villa E-1027

Ayant acheté un terrain en 1926 à Roquebrune Cap Martin, Eileen Gray se lance dans un premier projet architectural en collaboration avec Jean Badovici. Elle assure l’agencement intérieur de la maison E-1027, construite en forme de L, sur pilotis, avec des fenêtres coulissantes et un mobilier spécifique. Pour diffuser les principes d’architecture auquel elle s’attache, elle publie avec Badovici un dialogue en 1929 (automne-hiver) dans L’Architecture vivante, qui reprend les principes d’architecture moderne énoncés en 1927 par leur ami Le Corbusier, qui apprécie l’originalité de ce nouveau concept et réalisera en 1938 neuf fresques murales.   
 
 

Menton et Roquebrune-Cap-Martin, Carte postale - coll. Médiathèque de la Communauté Urbaine d'Alençon

 

Vers l’architecture sociale

Ayant participé à la fondation du mouvement d’artistes décorateurs et d’architecte : l’Union des artistes modernes, en 1929, Eileen Gray commence une nouvelle maison qu’elle baptise « Villa Tempe a païa » à Menton, cette fois sans aucune collaboration. Elle imagine un lieu de repos et de solitude, avant de se tourner vers l’habitat social, en cette période de mutation de la société française. Elle élabore un premier projet nommé « Tente de camping », ainsi qu’un concept de « maison minimum » pour imaginer une maison individuelle à ossature démontable modulaire : la « maison ellipse ». En 1936, c’est un centre de vacances et de loisirs qu’elle propose, qui intègre divers services et équipements liés aux loisirs. Il sera présenté lors de l’Exposition internationale « Arts et Techniques dans la Vie moderne » de 1937 au Congrès international d’architecture moderne. Dans les années 1940, les projets à visée sociale donnent lieu à des publications dans la revue l’Architecture d’aujourd’hui. Eileen Gray s’éteindra en 1976 à Paris à l’âge de 98 ans.

 
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George C. Beresford, portrait d'Eileen Gray, © Gettyimages

 
 


Jean-Louis Cohen, « Architectures du front populaire », Le Mouvement social, Paris, Éditions de l'Atelier, janvier 1989, p. 53.

 


Leonetto Cappiello, Mai-novembre Paris 1937 : Arts et techniques : exposition internationale, affiche, 1937.
 

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