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Fêter le nouvel an lunaire au son des musiques chinoises

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25 janvier 2023

Sur le territoire chinois, la culture musicale se manifeste sous différentes formes dans l'espace et le temps. La Bibliothèque nationale de France conserve de nombreuses ressources relatives à cette culture musicale, véritable trésor documentaire. Aujourd’hui, à l’occasion du nouvel an lunaire placé sous le signe du lapin d’eau (guǐmǎo tùnián, 癸卯兔年), Gallica vous invite à écouter une sélection commentée d'enregistrements de musique chinoise.

 
Nan Yang Guan 南陽關 : recorded in China, Chinese mandarin, song with accompaniment 西皮 北京 / Sun Bao kui 孫寶奎, chant [acc. instr.]
 

Musique instrumentale et opéra traditionnel

La musique traditionnelle chinoise constitue une partie importante de l’art et de la culture de ce vaste pays. Elle est aussi en lien direct avec la littérature classique et le théâtre traditionnel. Très ancienne et variée, elle a pris des caractères différents selon les régions. Voici une sélection de musique instrumentale et d’opéra pour vous donner un aperçu de la musique traditionnelle chinoise. 

« Da Kai Men (Ouverture de la porte, version longue) »

 
Ouverture de la porte est un morceau de musique parmi les plus classiques du répertoire de musique traditionnelle chinoise, diffusé surtout dans le sud, spécialement à Canton et dans ses environs. Ce morceau réunit souvent des instruments à percussion, comme les tambours et gongs (luógǔ 锣鼓), accompagnés par les hautbois (dàdí 大笛) et parfois les vièles et les luths (èrhú 二胡 ou yuèqín 月琴). 
La branche française de la compagnie Gramophone a elle aussi édité cette musique renommée :
 

« Xiao Tao Hong (La petite pêche rouge) »

 
À l’origine d’un ancien timbre (qǔpái), la mélodie de La petite pêche rouge est une pièce essentielle du répertoire de la musique cantonaise. Adapté par Lü Wencheng (1898-1981), l’enregistrement proposé ici est un solo pour vièle, accompagné par les instruments traditionnels chinois tel que les luths.
 

« Han Ya Xi Shui (Corbeaux d’hiver jouant dans l’eau)  » et  « Dao Yi Qu (Battre les habits) »

 
Le répertoire de zheng (cithare à chevalets mobiles) se divise généralement en deux grandes catégories : celle du Nord de la Chine (plus précisément, Shandong et Henan) et celle du Sud (Zhejiang, Teochow et Hakka). Les enregistrements présentés ici sont tous les deux des classiques du répertoire du Sud. L’interprète Liang Zaiping (1910-2000) est un grand maître de zheng internationalement connu pour ses compétences artistiques ainsi que pour sa promotion de la musique traditionnelle chinoise, en particulier de l’art de zheng et de qin (cithare à touche lisse).
 

« Yu Tang Chun »

 

Yu Tang Chun
 

Yu Tang Chun est une pièce représentative du théâtre classique chinois, qui entre dans le répertoire du théâtre traditionnel de nombreuses régions. Il raconte l’histoire d’amour entre Su San, dont le pseudonyme est Yu Tang Chun, prostituée fameuse de la ville, et Wang Jinlong, fils d'un riche fonctionnaire impérial. 
Les enregistrements que nous écoutons ici sont interprétés par Mei Lanfang (1894-1961), grand maître d’opéra de Pékin et l’un des chanteurs les plus célèbres dans l’histoire de ce genre musical. Mei était le premier directeur du Théâtre National d’Opéra de Pékin en Chine. De nos jours, le Grand Théâtre, actuellement sous la direction du Théâtre National d’Opéra de Pékin, s’appelle le Théâtre Mei Lanfang.
 

« Zhuo Fang Cao (Arrêt et libération de Cao) »

 
Zhuo Fang Cao est une histoire tirée du roman classique chinois Les trois royaumes. Dong Zhuo était au pouvoir, à la fin de la dynastie des Han orientaux (25-220 apr. J.-C.). Cao Cao tenta de l’assassiner sans succès. Découvert, il ne réussit pas à s’échapper et fut capturé par Chen Gong, le magistrat du comté de Zhongmou. Chen Gong fut si touché par la loyauté du jeune homme envers la cour des Han, qu’il abandonna son poste et s'enfuit avec lui. En chemin, ils passèrent devant la maison de Lü Boshe, un ancien ami de Cao Cao. Cao eut peur que la famille de Lü Boshe ne l’assassine. Il tua donc de façon préventive la famille de Lü et brûla le manoir avant de s'enfuir. Lorsque Chen vit la cruauté de Cao, il en eut tellement de remords qu'il décida de tuer Cao pendant son sommeil. Cependant Chen renonça à ce projet meurtrier et partit finalement seul.
 
Cette oeuvre est un classique du répertoire d’opéra de Pékin. On peut trouver les paroles de cette pièce dans un recueil conservé à la BnF :
 

Xi kao. Di yi ce [Texte imprimé] / Shen bao guan bian ji ; 戲考. 第一冊 (pages 17v-24v)

 

Ce recueil de livrets d’opéra de Pékin a été publié en 1912, la première année de la République de Chine. Cette année-là, une grande compilation de textes de l'opéra de Pékin est éditée et publiée par le journal Shenbao (1872-1949), l'un des journaux les plus influents de la période républicaine. C’est le premier recueil d'opéra de Pékin de la Chine républicaine (le document présenté ici en est le premier tome). 

 

La chanson moderne et l’âge d’or du jazz

 
La musique fut entraînée dans le grand mouvement de modernisation et d’ouverture de la Chine dès la fin du 19e siècle. L’éducation moderne à l’occidentale introduisit l'enseignement de la musique à l’école et la création d’une armée moderne généra la formation de fanfares. A partir des années 1910, quand l’industrialisation de la musique prit forme, sa modernisation s’accéléra en Chine, surtout à Shanghaï, la ville la plus internationale de l’époque, et dans laquelle commença à se développer une industrie de divertissement.  
 

« Ye Shang Hai (La nuit de Shanghaï) »

 

Si nous devions choisir la chanson la plus emblématique de la période républicaine chinoise, ce serait sans doute celle-ci. La nuit de Shanghaï est la chanson générique du film Chang Xiang Si, sorti en 1946, interprétée par la chanteuse et actrice Zhou Xuan (1920-1957). Zhou est l’une des célébrités les plus remarquables de l’époque, active autant sur scène qu’à la radio. Les œuvres de Zhou Xuan sont toujours interprétées et diffusées de nos jours, en témoigne sa fameuse reprise de la chanson He Ri Jun Zai Lai (Quand allez-vous revenir ?) dans le film Crazy Rich Asians (2018). On peut trouver dans les collections de la BnF quelques chansons de Zhou Xuan éditées sur CD, sa biographie, de même qu'un film où elle a joué, Fengyun Ernü (Les enfants d’une époque troublée, 1935) - film dont la chanson a comme origine l'hymne national chinois.
 

« Yu Guang Qu (Le chant du pêcheur) »

 

 
Le chant du pêcheur est la chanson générique du film éponyme sorti en 1934, interprétée par la chanteuse et actrice Wang Renmei (1914-1987). Ce film est un des chefs-d'œuvre du cinéma chinois de la période républicaine. Il raconte l’histoire d’un frère et sa soeur jumelle, issue d’une famille pauvre de pêcheurs. Il a reçu le Prix d’honneur au Festival de Moscou, le premier prix international qu’ait obtenu le cinéma chinois.
 

« Tai Ping Nian (Des années de paix) »

  

Cette chanson fut créée par Li Jinhui (1891-1967), considéré comme le « père de la pop-musique chinoise ». Elle sortit en décembre 1931, après l’occupation japonaise de la Mandchourie, ce qui éclaire la signification de son titre, Des années de paix. Li fonda Mingyue Gewushe (la Troupe de la Lune claire) à la fin des années 1920. C’était une école de chant et de danse consacrée à l’art du spectacle moderne. Les élèves de cette troupe devinrent des personnages incontournables du monde du spectacle dans les années suivantes et mènerent le cinéma chinois à sa gloire. L’interprète de la chanson, Xue Lingxian (1901-1944), tout comme Wang Renmei et Zhou Xuan, était membre de Mingyue Gewushe. La troupe effectua une tournée en Asie du Sud-est en 1928, ce qui eut un grand impact dans les diasporas chinoises locales. Les enregistrements présentés ici ont été réalisés à Surabaya, en Indonésie, sous l’égide de Huang Chaolong, homme d’affaires chinois originaire du Hokkien. La BnF a conservé cinq disques de cette collection d’enregistrements.
 

Mélodies du printemps

En Chine, le nouvel an lunaire porte aussi le nom de Fête du Printemps (Chūn jié 春节), et annonce l’arrivée de la première saison d’un nouvel an. Pour vous souhaiter une bonne Fête du Printemps, voici deux chansons dont la thématique est liée à cette belle saison.
Chūn jié kuài lè !
 

Chun Tian De Hua Duo (Les fleurs du printemps)Chanson générique du film Yingfei Renjian (Les oiseaux volent parmi les hommes, 1946), interprété par Ouyang Feiying (1920-2010)

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Chun (Printemps). Chanson générique du film Lian Zhihuo (La passion de l’amour, 1945), interprété par Bai Guang (1921-1999)
 

 
Junyuan Jia, Chercheuse associée à la Bibliothèque nationale de France
Département Son, vidéo, multimédia
Tous nos remerciements à M. François Picard pour sa participation à ce billet de blog.

 

Pour aller plus loin


Fêtes et chansons anciennes de la Chine, par Marcel Granet (1919)

 

Commentaires

Soumis par Pascal Cordereix le 25/01/2023

Superbe travail, exemplaire, de Junyuan Jia et du département Son, Vidéo, Multimédia (Lionel Michaux, Audrey Viault, Luc Verrier). Un grand merci à François Picard aussi. Une très belle réussite qui fera date.

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