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Le millepertuis

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24 octobre 2022

Millepertuis commun, millepertuis perforé, herbe à mille trous, herbe percée, herbe aux piqûres, herbe de Saint-Jean, chasse-diable… Les nombreux noms associés à cette plante témoignent de son aspect, des différents usages ou superstitions qui l’entourent.

Nicolas Robert, Androsaemum faetidum seu tragodes horti, Eist, XVIIe siècle. Collection des vélins du Muséum, portefeuille 43, folio 65.

Originaire de l’Europe, de l’Asie occidentale et de l’Afrique du Nord, le millepertuis est aujourd’hui présent sur tout le globe. En France, il pousse plus particulièrement dans les « prairies moyennement humides à sèches, ainsi que sur les zones délaissées comme les bords de routes, friches et jachères ».

Derrière ce terme se cache en réalité toute une tribu de plantes herbacées à fleurs jaunes (plusieurs centaines d’espèces recensées) de la famille des Hypericaceae (hypéricacées), dont la plus connue et répandue est le millepertuis commun ou officinal (Hypericum perforatum). Ses feuilles opposables et sessiles sont couvertes de minuscules vésicules dans lesquelles se trouve une huile essentielle qui entre dans la composition de certaines préparations officinales. Lorsqu’on les regarde à contre-jour, les vésicules donnent l’impression que les feuilles sont perforées de mille trous, ce qui a donné son nom à la plante (pertuis désignant le trou en ancien français).

Le millepertuis mesure de 30 à 80 cm et donne des fleurs composées de trois faisceaux d’étamines et de cinq pétales jaunes avec des points et des lignes noires. Cette floraison (et donc la cueillette) a lieu autour du 24 juin, date magique s’il en est, ce qui lui vaut son surnom d’« herbe de la Saint-Jean », ou son nom anglais de St John’s Wort.

Décrite dès l’Antiquité par Dioscoride puis Pline sous les noms de Hyperikon, Askyron, Androsaimon   et Korès, la plante était surtout connue sous le nom de « Chasse-Diable » ou « Fléau du Diable » (Fuga daemonum) et réputée chasser les mauvais esprits – comme le montre le petit diable apeuré devant la plante sur ce manuscrit hébreu du début du XVI° siècle. On l’employait donc pour guérir les maladies pour lesquelles on supposait une possession démoniaque.

Liber Plantis [hébreu], 1500 (Hébreu 1199)

Cela étant dit, il est très difficile de trouver une maladie ou une affection pour lesquelles le millepertuis n’a pas été conseillé comme curatif à un moment ou un autre : action fébrifuge chez Thomas Bartholin, diurétique et contre les calculs rénaux chez Michael Ettmuller, contre la pleurésie chez Georges Baglivi mais aussi pour guérir la phtisie pulmonaire, la jaunisse, la goutte, soin contre l’épilepsie, la paralysie, la dysenterie, les sciatiques…

Dans son Traité des drogues simples (1699), Nicolas Lemery dit que: « [ses sommités fleuries] sont apéritives, détersives, vulnéraires, elles excitent l’urine et les mois aux femmes, elles chassent les vers, elles résistent au venin, elles fortifient les jointures, elles sont propres pour la colique néphrétique, on s’en sert extérieurement et intérieurement ». Une vraie panacée !

Le millepertuis apparaît ainsi logiquement dans un grand nombre de recettes thérapeutiques dont la fameuse thériaque, le mithridate, l’huile de petits chiens, le baume tranquille et le célèbre baume du commandeur.

millepertuis_bius.jpg

Pierre Pomet, Histoire générale des drogues, traitant des plantes, des animaux, & des mineraux, Paris : Jean-Baptiste Loyson & Augustin Pillon, 1694

Mais c’est avant tout par son utilisation en tant que vulnéraire que le millepertuis obtient à partir du XVIe siècle ses lettres de noblesse. Cette utilisation est probablement liée à la théorie des signatures, qui veut que l’apparence des végétaux révèle leur usage. En effet, en frottant les glandes des pétales, un suc rouge comme le sang peut en être extrait. Il fut donc naturellement utilisé pour soigner plaies et ulcères.

Délaissé à partir du XIXe siècle, il revient sous forme de macération (huile rouge) et d’infusion pour soigner l’asthme, la phtisie et surtout, depuis le début du dernier siècle, pour traiter les états d’anxiété et de dépression modérées. De nombreuses études cliniques estiment qu’il peut en effet agir comme un antidépresseur naturel. Prouvant finalement que son surnom de Chasse-diable n’est - peut-être - pas si usurpé !

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