Deux coiffeurs à la Cour de France au XVIIIe siècle
Né en 1710, Legros, ancien cuisinier, s’installe comme coiffeur à la Cour en 1757. Il a l’insigne privilège d'être au service des deux favorites en titre, Madame de Pompadour, puis Madame du Barry. Mais c'est son successeur Léonard qui passera à la postérité pour avoir été distingué parmi ses pairs par la reine Marie-Antoinette.
En 1763, Legros - son prénom ne nous est pas connu - expose à la foire de Saint-Ovide une trentaine de poupées parfaitement coiffées. Son Art de la coiffure des dames, devenu le livre de chevet des élégantes, est réédité trois fois. En 1768, il fonde à Paris une académie de coiffure. Pendant trois années, les élèves, recrutés dans la domesticité des aristocrates, s’exercent sur les cheveux de femmes du peuple rémunérées comme modèles. Il est donc le premier à élever la coiffure au rang de discipline artistique.
Je me rendis chez ce prétendu coiffeur, que je trouvai bouffi de vanité comme un rat de cave devenu fermier général.
Mais le destin réserve un sort tragique à Legros : il fait partie des 130 morts étouffés lors de la panique qui s’empare des spectateurs lors du feu d’artifice donné après le mariage du Dauphin (futur Louis XVI) et de Marie-Antoinette en 1770.
Cette mort accidentelle laisse le champ libre à Léonard. Cadet de trois frères tous coiffeurs-perruquiers, il se distingue par son intelligence et son talent. Attaché au service de Marie-Antoinette, il obtient la permission de ne pas lui réserver l'exclusivité de ses services. Ses créations nous sont décrites comme de véritables chefs d’œuvre :
Poudrés à blanc, les cheveux frisés sont relevés sur un coussin de crin et forment un toupet en hérisson sur lequel s’étagent plusieurs rangs de boucles ; au sommet de l’édifice un pouf de plumes magnifiques, ces plumes qui valaient jusqu’à 50 louis ; quand le cortège royal passait dans la galerie de Versailles, on voyait une forêt de plumes s’agiter librement à un pied au dessus des têtes.
A partir de 1750, Legros invente les coiffures hautes adoptées par la bourgeoisie parisienne dans un premier temps. Mais c'est Léonard qui lance cette mode à la Cour et convainc Marie-Antoinette. En effet, ces modèles sont censés allonger l’ovale du visage qui se retrouve alors situé au milieu du corps. On gratifie les différents modèles de noms reflétant leur caractère prétendument allégorique : Le Pouf au sentiment, la Belle-Poule, à la loge d’Opéra, à la girafe. Ces savants échafaudages deviennent franchement extravagants, comme l’attestent les caricatures contemporaines. On en vient à inventer un système de poulies et de ressorts actionnés par des laquais pour permettre aux fashion-victims de passer sous les portes.
Le XVIIIe siècle se caractérise donc comme l'époque des extravagances en la matière. En 1789, la Révolution française met un terme définitif et radical à des coiffures ayant atteint des dimensions insensées en décapitant ces mêmes têtes !
A lire également : La coiffure, bel art du XVIIIe siècle
Billet mis à jour le 24 octobre 2022.
Ajouter un commentaire