Le Blog
Gallica
La Bibliothèque numérique
de la BnF et de ses partenaires

Une école de médecine navale à Rochefort

0
24 mai 2023

Au XVIIIe siècle, on crée une école de chirurgie au sein de l'Arsenal de Rochefort (Charente-Maritime). 

Caron, officier de santé. 22 Brumaire an 6. Estampe de Labrousse, L.F.

Rochefort, place stratégique

Au XVIIe siècle, Louis XIV et son ministre Colbert ont pour dessein d'affirmer la grandeur royale. Ils décident de rétablir la suprématie maritime française en créant une marine de guerre permanente divisée entre le Levant (Mer Méditerranée) et le Ponant (Océan Atlantique). Pour cette dernière, on choisit Rochefort pour des raisons stratégiques.En effet, occupant une position médiane entre Nantes et Bordeaux à 20km à l’intérieur des terres, le site bénéficie ainsi de la protection que lui offrent l'estuaire de la Charente, plusieurs îles et différentes batteries ainsi qu’un rempart entourant la ville, créée de toutes pièces pour l’occasion.

Accès en plein écran

Barbiers-chirurgiens et chirurgiens incompétents

Jusqu’au XVIIIe siècle, sur les navires de guerre ce sont souvent des barbiers-chirurgiens  qui faisaient office de chirurgiens, bien qu'occupant une position bien inférieure à cette corporation. Quant aux quelques praticiens embarqués sur les bateaux, leur incompétence  était un fait notoire. Sur les navires pratiquant le commerce triangulaire, ils avaient pourtant un rôle crucial - quoique très blâmable sur le plan de l'éthique - en sélectionnant les esclaves en bonne santé, critère indispensable pour la réussite du projet de l'armateur. 

Ils étaient choisis par le capitaine du bateau jusqu’en 1689 où une ordonnance de Louis XIV stipule que désormais ils devront être agréés par le premier médecin et le chirurgien-major de chaque port. Cependant cette mesure a une efficacité très relative puisque les postulants sont encore trop souvent ignares.

Accès en plein écran

La méthode pédagogique de Jean Cochon-Dupuy

Ayant eu connaissance de la flatteuse réputation dont jouissait Jean Cochon-Dupuy (1674-1757) à La Rochelle, l’intendant Michel Bégon de La Picardière l’attire à Rochefort en l’y nommant second médecin de la marine en 1704, puis premier médecin en 1712. Cochon-Dupuy pressent qu'un praticien est appelé à jouer un rôle essentiel lors des périples, comme le rappelle le Docteur Ollivier dans son ouvrage paru en 1864 : Le Médecin de la marine dans les voyages de découvertes autour du monde. Son projet est de remplacer les barbiers-chirurgiens par des officiers de santé. Convaincu que le fait d’exercer la médecine sur un navire de guerre nécessite une formation spécifique et particulièrement poussée, Cochon-Dupuy œuvre pour une réforme de l’enseignement de la chirurgie :

Il ne suffit pas aux chirurgiens majors des vaisseaux de savoir la pure chirurgie, puisqu’ils sont obligés de servir aussi comme médecins et apothicaires. […] Là [dans les hôpitaux de la marine], ils pourront s’instruire non seulement sur l’anatomie et les opérations de la chirurgie, mais encore acquérir des connaissances sur les maladies internes et sur la composition des remèdes et sur les doses auxquelles on les administre.

Dans un rapport adressé au Ministre de la marine en 1715, Cochon-Dupuy élabore toute une méthode pédagogique très orientée vers les travaux pratiques. Il finit par obtenir gain de cause : une école d’anatomie et de chirurgie, premier établissement de ce genre dans le monde, est inaugurée en 1722. Considérant que les ouvrages consacrés à cette discipline n'étaient pas assez didactiques pour des jeunes gens encore trop peu exercés à l'exercice intellectuel de la lecture, ll fait paraître en 1726 son Manuel des opérations de chirurgie. Non seulement les élèves reçoivent un enseignement spécialisé dans les pathologies susceptibles de se déclarer en pleine mer, mais ils sont également initiés à la Science considérée à l'époque comme un savoir encyclopédique. Ils vont donc mettre à profit leurs voyages de par le monde pour rapporter des échantillons d’espèces nouvelles et constituer des collections sur l’anatomie humaine, mais aussi sur la botanique, la zoologie, la géologie et l'ethnologie.

La France maritime (vues des ports de France et des colonies) - Port de Rochefort : Lebreton, 1850-1890

Essor progressif de l'Ecole de Rochefort

 Il est vrai qu’au tout début, les conditions d’accueil faites aux aspirants-officiers laissent fort à désirer puisqu’ils sont logés dans les salles du premier hôpital de la marine au milieu des malades, comme le déplore Jean Cochon-Dupuy. Mais grâce au soutien du secrétaire d’Etat de la marine de Louis XV, le comte de Maurepas, l’école connaît un certain essor et peu à peu l’établissement rochefortais fait des émules : en 1725 à Toulon et en 1735 à Brest.  Elle jouit d’une excellente réputation au point que son règlement intérieur est adopté par les autres écoles navales en 1768.
A la fin du XVIIIe siècle (1783-1788), l’ingénieur Pierre Toufaire construit le premier établissement hospitalier à structure pavillonnaire de France et l’école est alors transférée dans un des pavillons d’entrée conçu spécialement pour elle au sein de l’Hôpital de la marine. La dynastie des Cochon-Dupuy continue à y jouer un rôle prégnant puisque le fils de Jean, Gaspard (1710-1788) lui succède à la tête de l’école et s'illustre particulièrement en élaborant un jardin de plantes médicinales. Puis un cousin éloigné, Pierre Cochon-Duvivier (1731-1813)  devient à son tour en 1780 chirurgien en chef de la marine au port de Rochefort.

La carrière des officiers de santé 

Après avoir débuté dans le cadre de l'armée, les officiers de santé continuent à exercer dans la vie civile, souvent à la campagne. Gustave Flaubert nous en donne un exemple peu flatteur avec son personnage de Charles Bovary dont la compétence paraît très limitée. 
D'autres, au contraire, décident de soutenir une thèse pour devenir docteur en médecine. 
En 1798, l’école de chirurgie du port prend le nom officiel de Ecole de médecine navale jusqu’à sa fermeture en 1964. Transformée en musée, elle comporte maintenant une bibliothèque de plusieurs milliers d'ouvrages scientifiques et de riches collections d’anatomie et d’instruments chirurgicaux, témoins d'une époque révolue.

Rochefort-sur-Mer, Cour de l’hôpital de la Marine (1783) , Source : France Album

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.