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Les sanatoriums. 2

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Le terme de sanatorium (du latin sanatorius propre à guérir) désigne un établissement médicalisé spécialisé dans le traitement de la tuberculose ou autres maladies pulmonaires infectieuses chroniques. Il se caractérise par l’application stricte d’une cure hygiéno-diététique avec une architecture et des installations techniques conçues dans ce but.

Extr. de : Le Roman du malade / Louis de Robert ; ill. de Louis Bailly, 1915

La cure aéro-hygiéno-diététique

Le sanatorium sert donc de cadre à la cure hygiéno-diététique fondée sur des bols d’air pur (aérothérapie), du repos et une alimentation équilibrée suivant les préceptes hygiénistes déjà en cours depuis la fin du XIXe siècle.
En effet, on découvre les propriétés thérapeutiques de l’air (sec)  et de l’altitude des montagnes (au dessus du brouillard qui stagne à 1000 m), de l’ensoleillement. Vers 1200 m, l’air est pur et vivifiant. La cure d’air suit un protocole : en effet, l’air d’altitude nécessite un temps d’acclimatation afin que l’organisme s’adapte. Ce traitement se poursuit même pendant le sommeil des patients puisque les fenêtres des chambres sont progressivement ouvertes, même en hiver.
 La cure de repos repose sur un paradoxe : le patient doit se reposer même s’il n’est pas fatigué. Le but est de mettre au repos les poumons, permettant ainsi la cicatrisation  des lésions. En fonction du résultat de  la prise de température journalière, le malade est autorisé à une promenade à pied. Cependant certains sujets peuvent être contraints à une immobilisation complète.
 Enfin, le régime alimentaire est capital car la maladie a pour effets amaigrissement, manque d’appétit et affaiblissement de l’organisme :  il faut apporter des ressources à l’organisme souvent anémié afin de l’aider à vaincre la tuberculose. C’est pourquoi on parle ici de suralimentation, le régime carné étant tout particulièrement recommandé.
A partir de 1910 à Leysin (Suisse romande), le médecin Auguste Rollier y ajoute l’héliothérapie comme il l’explique dans son ouvrage La Cure de soleil. En effet, dès la fin du XIXe siècle, les médecins découvrent que le Mycobacterium Tuberculosis, le principal bacille caractérisé par une exceptionnelle résistance et responsable de la maladie qui touche les humains, est détruit par la lumière solaire.   
L’enseignement de l’hygiène et de la prophylaxie sont aussi intégrés à la cure.                                      

Des résultats souvent éphémères

Tous ces éléments contribuant à renforcer le système immunitaire, on assiste souvent à une rémission de la maladie. Cependant les rechutes sont fréquentes, prouvant que le traitement climatique n’a pas un effet durable. Au mieux, on stabilise l’état général en prolongeant ainsi la vie des malades. Prudents, les phtisiologues préfèrent parler d’amélioration plutôt que de guérison. Après 1918, lorsque la cure en sanatorium ne suffit pas, on commence à pratiquer avec un certain succès le pneumothorax et la chirurgie thoracique, techniques mises au point dès la fin du siècle précédent dans le but de mettre le poumon malade au repos.

La vie de sanatorium

Coupés du monde extérieur mais vivant en collectivité, les patients sont immergés dans une bulle : la vie de sanatorium. Le temps y passe lentement selon un rituel immuable : cure en chaise longue, prise quotidienne de la température. Pour soustraire les malades à une inactivité néfaste, on y organise différents divertissements (jeux de cartes, dés, dominos, échecs, travaux d’aiguille, confection de napperons, lectures, piano). Les malades peuvent aussi se voir proposer du jardinage ou des travaux d’atelier sous contrôle médical. La sociabilité avec des individus partageant la même expérience apparaît comme un moyen de lutter contre l’angoisse créée par une mort peut-être imminente. Certains médecins se penchent sur la psychologie du tuberculeux.

La tuberculose et les sanatoriums dans la littérature

Cette maladie a beaucoup inspiré les deux courants littéraires qui traversent le XIXe siècle. En effet, les écrivains dans la veine romantique semblent avoir une prédilection pour les phtisiques au destin tragique (par exemple La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils). Une vision naturaliste prend ensuite le pas : la tuberculose est décrite par Emile Zola comme la maladie des pauvres. On stigmatise les tuberculeux des classes populaires sanctionnés pour leur mode de vie malsain et coupables de diffuser le bacille dans l’atmosphère.

Les malades étant par définition désoeuvrés, rien d’étonnant à ce que certains aient pris la plume pour retranscrire leur expérience. La plupart de ces romans prennent pour cadre un sanatorium en moyenne montagne où montent des protagonistes venant toujours de la plaine : 

Quand on pénètre dans le monde des tuberculeux, et qu'on sent peser sur soi leurs regards ironiques ou méfiants, une commisération affichée ou des mines de componction constitueraient un contre-sens. Sur les visages qui vous entourent, vous ne voyez que des sourires. Vous n'entendez que de vives paroles. Si surprenante qu'elle paraisse, la gaieté, au premier abord, règne dans les sanatoriums.

Placé au contact des éléments naturels, le nouvel arrivant se (re)découvre : le séjour devient initiatique. A défaut des corps, la montagne sauverait ainsi les âmes. Le sanatorium de montagne, réservé aux patients curables appartenant aux  classes aisées, apparaît idéalisé.

  • A contrario, aucune lueur d'espoir pour les pauvres, condamnés par la médecine et relégués dans les salles communes des établissements départementaux situés en plaine, comme le décrit Eugène Samy en 1932 dans Les Vaincus : souvenirs d’un tuberculeux :

Le présent livre est l' un de ces témoignages, d'une simplicité, d'une véracité déchirantes. Il dit, sans faiblesse, sans atténuation, l'existence des tuberculeux, des tuberculeux pauvres parqués dans des salles d'hôpitaux. Chacun croit la connaître ou pouvoir l'imaginer, chacun en parle et achète pour deux sous, une fois l'an, une riante petite vignette bien propre à mettre les consciences au repos. Mais le monde souterrain qu'est en réalité cette existence, qui en a soupçon, de ceux qui ne l'ont pas traversé? Certes, ces êtres sont des êtres semblables à tous les humains, mais comme les soldats entre 1914 et 1918 étaient semblables à des civils, comme les lépreux des léproseries du moyen âge étaient semblables à des vivants. Eugène Samy dessine et colorie, avec la précision et l'exactitude d'un enfant, l'existence de ces réprouvés plus maudits que ceux dont la vindicte sociale justifie sa réprobation. 

L' existence des sanatoriums est remise en cause à partir des années 1960 par l’utilisation des antibiotiques dont la streptomicyne découverte en 1944 par l’Américain Selman Abraham Waksman, efficace contre M Tuberculosis : c’est la fin des cures sanatoriales et des structures reconverties en hôpitaux ou centres de gériatrie.
 

Commentaires

Soumis par FAURE DAVID-NILLET le 02/04/2023

Bonjour, Hauteville-Lompnes, dans l'Ain, a été un grand centre sanatorial grâce au Docteurs DUMAREST et MANGINI. de très nombreux établissements y étaient installés, dont deux l'Albarine et Belligneux dépendant du département de la Seine. Un livre et une association existent pour rappeler ce passé pas si lointain de notre commune.

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